Spécialisée dans l'insertion professionnelle des jeunes, mais lâchée par l'Etat, l'AFIJ disparaît à Grenoble et partout en France. Ironie du sort, la nouvelle tombe au moment même où François Hollande invite les dirigeants européens à lutter contre le chômage des jeunes.
L'AFIJ est l'Association nationale pour Faciliter l'Insertion professionnelle des Jeunes. Elle avait été créée en 1994, à la suite du mouvement contre le CIP Balladur, par les mutuelles et les organisations étudiantes. Depuis 19 ans, l'AFIJ revendique avoir accompagné vers l'emploi plus de 800.000 jeunes issus de l'enseignement supérieur, diplômés ou non. Des jeunes "exposés aux discriminations à l'embauche, des jeunes en échec universitaire, des jeunes en grande difficulté sociale." Selon l'AFIJ, 90.000 jeunes sortent de l'enseignement supérieur sans diplôme chaque année en France. Soit 19% du total.
La fin est proche
L'AFIJ met un terme à ses activités "faute de soutien de l'Etat pour les années à venir". Selon son Président, Clément Boudin, l'Etat a refusé de rallonger le budget pour 2013 et n'a donné aucune garantie pour les années suivantes. Le budget s'élevait à 7 millions d'euros en 2010, mais à seulement 3 millions cette année. L'AFIJ annonce "un choix dicté par l'attitude du gouvernement". Elle connaîtrait des difficultés financières depuis décembre 2012, "suite à des baisses successives de subventions de la part de l'Etat et des retards de versements."
Le local paie pour le national
"Nous, on est en équilibre, mais on subit le déséquilibre national", regrette Nathalie Grimaldi, chargée de mission à l'antenne grenobloise de l'AFIJ. En Isère et dans les Savoies, 5 salariés à Grenoble, 1 à Bourgoin et 1 à Chambéry soutiennent 2600 jeunes au total chaque année. Rien qu'en Isère, en 2012, l'AFIJ a accompagné 300 jeunes individuellement. L'antenne Alpes revendique un budget à l'équilibre grâce aux collectivités locales. La fermeture de la structure nationale va laisser ici de nombreux jeunes dans l'embarras et les missions locales débordées.
Reportage de Florine Ebbah et Grégory Lespinasse.
Le rapport qui a signé la fin
En 2012, le Premier Ministre a demandé à l'Inspection Générale des Finances, des Affaires Sociales et de l'Education Nationale de dresser un état des lieux de la situation financière de l'AFIJ "dans un contexte de trésorerie très tendu". Pour les inspecteurs, "les difficultés actuelles traduisent une crise structurelle de son modèle de financement. Cette crise met en exergue une gestion interne insatisfaisante".
Ce rapport, à charge, affirme que l'AFIJ a été "progressivement marginalisée par la prise en charge de plus en plus fréquente par les Mission Locales, l'implication beaucoup plus forte de l'APEC, la montée en puissance des bureaux d'aide des Universités."
Le diagnostic est très clair : "l'AFIJ n'a pas réussi, ni souhaité diversifier ses modes de financement au delà des administrations. Elle a donc été frappée de plein fouet par la baisse des financements publics".
L'AFIJ aurait-elle dû recourir au privé, quitte à perdre son indépendance?! C'est la question que pose l'association en retour. Et d'ailleurs, les rapporteurs ont estimé à ce sujet que l'AFIJ, "pour ses financements locaux, est en concurrence avec de nombreuses associations locales plus dynamiques et moins coûteuses pour les pouvoirs publics du fait de leur recours complémentaire à des financements privés."
Pourtant, à Grenoble, l'AFIJ affirme sauvegarder l'équilibre rien qu'avec les subventions publiques des collectivités locales.
Quoi qu'il en soit, l'AFIJ disparaît au moment même où la France invite toute l'Europe à lutter contre le chômage des jeunes. Contradiction ou paradoxe?
L'AFIJ dénonce l'absence de dialogue avec l'Etat. Quel avenir pour ses 80 salariés en France? Ils pourraient être orientés vers les structures locales d'insertion comme conseillers.