A deux pas des grandes surfaces commerciales de L’Isle-d’Abeau (Isère), les bûcherons s’activent depuis le 9 octobre dernier. Ils sont en train d’abattre plus de 1000 peupliers de culture, arrivés à maturité. C’est une petite forêt qui est en train de disparaître, mais c’est pour la bonne cause.
Il s’agit de redonner ses lettres de noblesse à une zone humide, que les hommes n’ont cessé d’assécher et de drainer au cours de l’histoire.
Jusqu’ici, la zone des Sayes à L’Isle-d’Abeau (Isère) était surtout connue pour son centre commercial Carrefour et ses 40 boutiques, ainsi que pour sa voie verte qui longe la petite rivière Bourbre. Mais bientôt, sa notoriété viendra aussi de sa forêt à haute valeur environnementale et de sa zone humide reconstituée.
Car la municipalité a lancé ici un grand projet de restauration d’une zone naturelle. Qui commence par une impressionnante opération d’abattage.
Depuis le 9 octobre, une équipe de bûcherons s’active à faire tomber et découper en morceaux quelque 1400 peupliers, arrivés à maturité. Un exploitant forestier, Rollandbois, situé à Oytier-Saint-Oblas (Isère), réduira tout le stock de bois en cagettes, bourriches et autres emballages légers pour les produits alimentaires.
Ce sont les hommes qui ont planté ces arbres. Il y a 300 ans, on a fait des grands travaux pour tout canaliser et on a converti ces zones de marais pour faire de la culture du maïs. Là, on essaie de revenir à l’état originel, nous donnons un petit coup de pouce à la nature pour retrouver une nappe phréatique plus haute et des espèces adaptées aux zones humides ».
Loïc DufourChargé de mission naturaliste à l’APIE, Association Porte de l’Isère Environnement, qui a effectué tout un diagnostic sur la zone.
Sur la zone, cela permettra de sécuriser les abords des chemins en évitant les chutes d’arbres malades ou en fin de vie. Cela participera aussi à la protection de la ressource en eau, le peuplier étant très consommateur de mètres cubes lors de sa phase de croissance. Et cela aboutira, objectif ultime, à la reconstitution d’une zone humide et d’un espace boisé de 9 hectares. « Avant, on cherchait à faire en sorte que l’eau s’échappe le plus rapidement possible », explique Lisa-Marie Sicret, directrice des espaces extérieurs et de l’écologie à la ville de L’Isle-d’Abeau. « L’objectif, aujourd’hui, c’est de la retenir autant que possible, car on s’est rendu compte que cela avait de nombreux avantages, en termes de gestion des crues ou pour la dépollution. Les eaux ont plein de bénéfices ».
L’hiver prochain, ce sont près de 1400 plants d’espèces locales à forte valeur écologique qui seront mis en terre. Il y aura du saule blanc, que les castors adorent grignoter. Pour les chauves-souris (les noctules de Leisler précisément), on plantera du saule marsault et de l’aulne glutineux. Et pour que le bourdon terrestre puisse butiner, on disposera quelques cerisiers à grappes. Car la faune est très riche ici : papillons, libellules, tritons et autres souris des moissons se plaisent à proximité de la Bourbre, ce petit affluent du Rhône qui vient d’être lui-même renaturé. « La culture de peupliers, c’était une rotation tous les 15 ans. Alors que ce que l’on veut, désormais, c’est sanctuariser une forêt alluviale pérenne, typique des zones humides ».
Près des deux tiers des zones humides mondiales ont disparu lors du siècle dernier. Notamment à cause de l’urbanisation et de la tendance des hommes à vouloir drainer l’eau des sols.
Pourtant, ces zones sont indispensables : elles jouent le rôle d’éponges en stockant l’eau l’hiver et en la restituant l’été ; elles servent aussi à filtrer l’eau, en retenant les sédiments, les matières en suspension et les polluants, ainsi que le carbone ; et puis, elles sont un réservoir de biodiversité, tant les espèces végétales et animales se plaisent dans ces milieux humides.
L'Info en + climat, c'est dans Ici 19/20, vers19h30 tous les vendredis sur France 3 Auvergne et à 19h07 tous les samedis sur France 3 Alpes et France 3 Rhône-Alpes. Présentation: Lise Riger. Rédaction en chef: Françoise Boissonnat et Laurent Mazurier.