Affaire Luc Meunier : le psychiatre condamné en appel à 18 mois d'emprisonnement avec sursis

En 2008, un schizophrène poignarde mortellement Luc Meunier. Hospitalisé à Saint-Egrève, il avait obtenu l'autorisation de sortir dans le parc de l'établissement et s'était enfui. Son psychiatre, jugé en appel mardi 15 mai, a été condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis.

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Ce jugement met peut-être fin à dix ans de procédure judiciaire. La cour d’appel de Grenoble a condamné, mardi 15 mai, un psychiatre de 72 ans à 18 mois d'emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire.

La reconnaissance par la justice de la culpabilité d'un praticien hospitalier poursuivi pour homicide involontaire avait été une première en France lorsqu'elle avait été prononcée en première instance en décembre 2016. Elle se retrouve donc renforcée par un arrêt la confirmant "en toutes ses dispositions".


Le 12 novembre 2008, un homme de 56 ans atteint de schizophrénie poignarde mortellement un passant, Luc Meunier, cours Berriat à Grenoble.

Quelques heures auparavant, l'homme avait eu l'autorisation de sortir dans le parc de l'hôpital de Saint-Egrève, un lieu ni surveillé ni clôturé. Il s'était enfui, prenant un bus pour le centre-ville de Grenoble. Il avait alors acheté un couteau de cuisine et poignardé l'étudiant-ingénieur de 26 ans qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. 


Intervenants : Marie-Odile Meunier, mère de Luc Meunier, Sylvaine Meunier, soeur de Luc Meunier, Maître Hervé Gerbi, avocat de la famille Meunier, Maître Jean-Yves Balestas, avocat du Dr Gudjadhur

10 ans de procédure judiciaire


En 2011, le schizophrène est reconnu pénalement irresponsable par la justice suite à des expertises psychiatriques. En 2012, le juge d'instruction conclut à un non-lieu général mais la famille de Luc Meunier fait appel de ce non-lieu et obtient gain de cause : trois médecins et l'hôpital sont mis en examen. Parmi eux, un psychiatre de l'hôpital de Saint-Egrève qui a donné l'autorisation de promenade au patient. 


Le 14 décembre 2016, au tribunal correctionnel de Grenoble, l'hôpital de Saint-Egrève est relaxé et le psychiatre Lekhraj Gujadhur, responsable de l'autorisation de sortie , est condamné à 18 mois de prison avec sursis.


Ce dernier a fait appel de cette décision. Jugé en appel en décembre 2017, le tribunal correctionnel de Grenoble a donc rendu sa décision ce mardi 15 mai et confirmée la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis. La décision, prononcée presque cinq mois après l'audience, a été accueilli avec "soulagement" par la famille de Luc Meunier. "La justice a reconnu que ce médecin ne s'était pas préoccupé du suivi de ce patient, et que sa dangerosité est passée à la trappe. S'il y avait eu cette préoccupation, il n'y aurait peut-être pas eu le décès de Luc Meunier", a souligné Me Hervé Gerbi, avocat des parents de Luc Meunier. 

Pour Me Gerbi, "C'est une mise en garde à l'encontre des psychiatres qui pensent que l'évaluation des patients schizophrènes les plus dangereux serait une question subalterne: elle doit être au centre de leurs préoccupations".

L'avocat du psychiatre a, quant à lui, fait part de sa "grosse déception" et devait étudier l'arrêt de la Cour d'appel mais "c'est assez probable qu'on se pourvoit en cassation", a déclaré Me Jean-Yves Balestas, pour qui cette condamnation "va bouleverser la pratique" psychiatrique par crainte de poursuites judiciaire. Le Dr Lekhraj Gujadhur, aujourd'hui septuagénaire et retraité, n'était pas présent à l'énoncé du délibéré. "Depuis ce drame, il a arrêté d'exercer. Moralement, il est très fragile et suivi par un de ses confrères", a déclaré son avocat. 

Un message négatif


Norbert Skurnik, vice-président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp), l'un des principaux syndicats de médecins psychiatriques en établissement hospitalier, voit dans ce délibéré un "message extrêmement négatif pour les malades, les familles et la population".
Cela peut inciter les médecins "à ne pas faire sortir les patients, à prolonger leur hospitalisation", met-il en garde. "Les schizophrènes ne sont pas une population criminogène: sur 600.000, il y a un passage à l'acte tous les trois ou quatre ans. En revanche, ils sont eux-mêmes victimes de toutes sortes de maltraitances".

Loin de ce débat et après 10 ans de bataille judiciaire "dont 8 vraiment seuls", la famille Meunier espère "dire ouf et passer à autre chose", selon les mots d'Odile, la mère, qui n'a pas retenu ses larmes. Et Sylvaine, la soeur de la victime, d'ajouter: "On n'a pas de colère, Luc ne reviendra pas. On était toujours dans l'appréhension et là on va reprendre la maitrise de nos vies".


 

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