Après la découverte de deux corps dans une maison incendiée à Châteauvilain, le fils cadet de la famille a été mis en examen ce lundi. L'adolescent de 15 ans encourt jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle. L'instruction doit aussi déterminer son degré de responsabilité.
Le jeune Valentin a été mis en examen lundi 4 décembre pour "assassinats" après la découverte des corps calcinés de ses parents au domicile familial de Châteauvilain, en Isère. L'adolescent a reconnu l'intégralité des faits, "y compris la préméditation de son geste", devant les enquêteurs et la juge d'instruction, a indiqué le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant.
Il a été écroué dans un quartier pour mineurs d'un centre de détention. Si les faits d'assassinats - comme ceux de meurtre sur ascendant - sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité, la loi prévoit une peine réduite lorsque l'accusé est mineur.
Jusqu'à 20 ans de réclusion
"Étant donné qu'il s'agit d'un mineur de moins de 16 ans, il bénéficie de l'excuse de minorité qui s'applique de manière obligatoire. La juridiction qui va le juger ne peut pas dépasser 20 ans de réclusion criminelle", explique l'ancien procureur général de Grenoble, Jacques Dallest.
Le Code pénal dispose que les mineurs soient jugés "en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge". Ainsi, les juridictions ne peuvent "prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue" si le mineur est reconnu responsable de ses actes.
Valentin étant âgé de moins de 16 ans, il serait jugé devant un tribunal pour enfants statuant en matière criminelle, et non devant une cour d'assises des mineurs. L'audience se déroulerait en principe à huis clos, sauf décision particulière du tribunal.
Mais avant son éventuel renvoi devant une juridiction, la phase d'instruction doit permettre d'établir les circonstances du double assassinat. Les corps découverts dans la maison incendiée, "presque entièrement calcinés" avec des "plaies par arme à feu au niveau du crâne" et au thorax pour l'un des deux, sont encore en cours d'identification formelle.
Quelle que soit la durée des investigations, la détention provisoire du jeune Valentin ne pourra pas durer plus d'un an. "Si on veut renvoyer le jeune détenu devant le tribunal, il faut que l'instruction dure moins d'un an. Au-delà, il faudra le remettre en liberté", résume l'ancien magistrat, précisant que les instructions des affaires criminelles durent généralement entre deux et trois ans.
La question de la responsabilité pénale
La juge d'instruction va tout d'abord "ordonner une expertise psychiatrique et une expertise psychologique pour mieux comprendre la personnalité du mis en cause et évaluer sa responsabilité pénale", ajoutait lundi soir Eric Vaillant.
Ces expertises visent notamment à établir le degré de responsabilité du jeune Valentin, le fils cadet d'une famille de quatre personnes. "Ce qui va principalement jouer, c'est l'état mental du mis en cause, s'il était lui-même fragilisé ou dans une situation difficile sur le plan psychiatrique", complète Jacques Dallest.
Soit il est déclaré responsable de son acte et il sera jugé devant le tribunal pour enfants, soit il est déclaré irresponsable mais il est très rare que les psychiatres concluent à l'irresponsabilité.
Jacques Dallest, ancien procureur général près la cour d'appel de Grenobleà France 3 Alpes
Selon le Code pénal, un mis en cause peut être déclaré pénalement irresponsable s'il était atteint "au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes." Les poursuites pénales sont par la suite interrompues ou suspendues.
Les experts psychiatres peuvent également conclure à l'altération du discernement d'un mis en cause dû à un trouble psychique. Dans ce cas, l'accusé peut être renvoyé devant une juridiction qui doit toutefois tenir compte de cette circonstance en réduisant la peine prononcée.
"Il peut y avoir un débat d'experts, une expertise et une contre-expertise psychiatrique. Tout cela se fera devant un juge d'instruction qui statuera", synthétise Jacques Dallest.
Des cas rares
Les parricides commis par des mineurs sont rares dans l'histoire judiciaire française. L'un des derniers cas date de plus de trois ans. Le fils d'une ancienne commandante de police, retrouvée morte dans sa maison de Montgardin (Hautes-Alpes) en octobre 2020, avait reconnu le matricide.
L'accusé, mineur au moment des faits, a été condamné à 14 ans de réclusion criminelle pour meurtre par la cour d'assises de Gap le 16 mai 2023, rapportait BFM DICI. La peine encourue était de 20 ans. "Sauf cas très particulier, les peines prononcées atteignent rarement le maximum légal", analyse Jacques Dallest.
Seuls deux mineurs ont été condamnés à des peines de réclusion criminelle à perpétuité, dont Matthieu M. pour le viol et le meurtre d'Agnès Marin, 13 ans, en 2011 dans la Haute-Loire. C'est la personnalité de l'accusé, âgé de 16 ans au moment des faits et déjà sous contrôle judiciaire dans une autre affaire de viol, qui avait alors joué dans le prononcé de sa peine.