Covid-19 : masques "inutiles", épidémie terminée, qui sont les anti-masques et quels sont leurs arguments ?

Défiance envers les institutions, adhésion au libertarisme, etc. Le doctorant grenoblois Antoine Bristielle a tenté de comprendre qui étaient les anti-masques. Il publie ses constatations dans une étude intitulée "Bas les masques ! Sociologie des militants anti-masques."


 

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"Liberté, liberté ! ", scandaient les quelques centaines de militants anti-masques le 29 août dernier dans les rues de Paris. En raison de la crise sanitaire actuelle, le masque est obligatoire dans de  nombreux lieux publics, ouverts ou fermés, afin d’endiguer la propagation du virus. Mais en France, comme à l’étranger, des mouvements anti-masques émergent et prennent de l’ampleur, notamment sur les réseaux sociaux.

Sur Facebook, au moins une douzaine de groupes s’est formé en France, certains rassemblant jusqu’à plusieurs milliers de personnes. Alors qui sont ces anti-masques ? Antoine Bristielle, doctorant à Science Po Grenoble, a tenté de répondre à cette question pour la Fondation Jean-Jaurès. Il publie ses observations dans une étude intitulée "Bas les masques ! Sociologie des militants anti-masques".

Pour réaliser son analyse, le chercheur grenoblois a envoyé un questionnaire aux différents groupes Facebook anti-masques. A travers les réponses de plus de 1.000 internautes, il a cherché à dresser un portrait de ces militants sans pour autant "prétendre à la représentativité de l’ensemble des anti-masques dans la population française".


Dans un tweet, la fondation Jaurès publie le "portrait robot" de ce groupe :


Cadres et professions intellectuelles supérieures

Les informations récoltées via le questionnaire ont permis à Antoine Bristielle de dresser ce constat : "Les femmes sont surreprésentées", à près de 63 %, et la moyenne d’âge est de cinquante ans.

Les répondants au questionnaire ont en moyenne un Bac +2  et les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 36 % des personnes interrogées alors que leur poids n’est que de 18 % dans l’ensemble de la population française. Au contraire, les ouvriers et employés ne représentent que 23 % des anti-masques interrogés, soit la moitié de leur poids réel dans la population française. 


Masques inutiles, épidémie terminée

Parmi les arguments des anti-masques, figure celui de son efficacité. Pour beaucoup d’entre-eux, le masque serait inutile voire dangereux : "il [ne permettrait pas] une oxygénation suffisante et/ou en constituant un véritable nid à bactéries susceptible d’entraîner des complications médicales dramatiques".

D’autre part, ces opposants défendent l’idée que l’épidémie est terminée voire qu’elle n’aurait jamais existé. Enfin, pour nombre d’entre eux, le but de l’obligation du port du masque serait d’asservir la population et de la priver de sa liberté. L’obligation du masque serait en quelque sorte "[annonciatrice] de la mise en place d’un nouvel ordre mondial sans liberté aucune pour le citoyen", analyse Antoine Bristielle.
 

Méfiance institutionnelle et complotisme

L’adhésion au libertarisme et la défiance politique et institutionnelle est ce qui caractérise principalement les anti-masques qui ont répondu au questionnaire. Nombre d’entre eux se sont abstenu aux dernières élections présidentielles ou ont voté blanc ou nul (18 % se sont abstenus, 14 % ont voté blanc ou nul et 10 % n’étaient pas inscrits sur les listes électorales). Par ailleurs, 87 % des anti-masques interrogés sont ainsi d’accord avec l’idée selon laquelle la société fonctionne mieux lorsqu’elle laisse les individus prendre la responsabilité de leur propre vie sans leur dire quoi faire.

En outre, 63 % des anti-masques présents sur les réseaux sociaux croient à plus de la moitié des thèses complotistes qui leur sont présentées.
 

Symptôme de la "fragilité de nos démocraties"

Derrière cette mouvance, Antoine Bristielle voit le symptôme de "la fragilité de nos démocraties". Il assure à ce titre que la défiance envers les institutions est présente au-delà du courant anti-masque. "En moyenne, seulement 34 % des Français déclarent avoir confiance dans l’institution présidentielle", affirme-t-il.

"Si, dans les périodes « ordinaires » […] les institutions arrivent à fonctionner malgré une très faible approbation des citoyens, la situation se complique dans des circonstances exceptionnelles", observe le chercheur, avant de conclure : "sans traitement en profondeur de l’insuffisance de confiance institutionnelle que nous constatons aujourd’hui, il est fort à parier que de nombreux autres épisodes de cette nature se présenteront à nous."

 
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