"Démunies", "épuisées", "en colère" : deux médecins ferment leur cabinet face à la "dégradation du système de soins"

Deux médecins généralistes de Saint-Martin-d'Hères (Isère) ont pris la décision de fermer leur cabinet en décembre prochain. Leur décision est motivée, selon elles, par "la dégradation du système de soins" et le sentiment de ne pas être écoutés. Près de 1 500 patients pourraient se retrouver sans médecin traitant.

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Elles sont à bout, se disent "démunies", "épuisées" et surtout "pas entendues". À Saint-Martin-d'Hères, commune voisine de Grenoble, deux médecins généralistes du même cabinet ont choisi d'arrêter leur activité. Au 31 décembre 2023, faute de solution, les locaux fermeront leurs portes et près de 1 500 patients pourraient se retrouver sans médecin traitant.

Ces mêmes patients ont été prévenus il y a quelques semaines, après une décision mûrement réfléchie : "Nous sommes trois dans ce cabinet. Avec une de mes collègues, nous avons décidé d'arrêter notre activité de médecine générale au sein du cabinet pour partir vers de nouveaux horizons", explique Sandrine Gignoux, le ton grave.

"On est très attachées à nos patients. Nous n'avons pas pris cette décision de gaieté de cœur. Je voulais faire ce métier depuis que j'ai 6 ans. Mais, c'est la seule solution pour nous afin d'accepter ce qu'il se passe et la non-réponse politique autour de notre métier. Pour moi, je n'avais pas d'autres choix", poursuit-elle.

"Ca fait des années que je sens la colère monter en moi"

L'année dernière, Sandrine Gignoux et une de ses collègues ont participé à plusieurs mouvements de grève de la profession : "On était très mobilisées, on est même allées à Paris pour une manifestation qui a réuni 15 000 médecins de toute la France. Puis, on a vu que ça ne bougeait pas. On a eu le sentiment de ne pas être écoutées, aussi bien de la part du ministère, mais aussi de la part de la Sécurité sociale et des collectivités locales. Il n'y a eu aucune suite. Rien. On était très en colère, mais aussi très mal."

Cette médecin, en poste depuis 17 ans, a décidé de tout arrêter pour différentes raisons. En premier lieu, elle évoque la "dégradation du système de soin" : "C'est intolérable. Ça fait des années que je sens la colère monter en moi. Je n'arrive plus à soigner mes patients correctement. Je n'arrive plus à les adresser à des spécialistes de premier recours qui arrivent juste après le médecin généraliste. Je les vois se dégrader et finir aux urgences ou à l'hôpital, des structures qui sont aussi dans la difficulté."

L'avenir de la médecine générale est très inquiétant. L'avenir de mes patients m'inquiète aussi. Je vais essayer de ne pas pleurer.

Sandrine Gignoux, médecin généraliste.

Le projet de loi Valletoux, qui prévoit de rassembler les médecins dans des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), est également une des raisons de son choix. Selon elle, ces structures laisseraient aux médecins la charge des problèmes d’organisation du système de soin : "Les lois, qui sont en train d'arriver, veulent nous imposer de travailler plus pour pallier le manque de médecins traitants. Si on doit adhérer à une CPTS, une organisation de territoire, on nous impose de prendre tous les patients du territoire. La conséquence, c'est de devoir travailler plus vite et donc de prendre moins de temps pour les gens. Ou sinon de les voir beaucoup moins souvent et donc de mal faire notre travail."

Parmi toutes les raisons avancées par la professionnelle, figure notamment la revalorisation de la consultation. Une augmentation a minima de la consultation (1,50 euro de plus pour la consultation de base soit 26,50 euros pour le généraliste) rentrera en vigueur au 1er novembre. Mais pour Sandrine Gignoux, comme pour les organisations syndicales, le compte n'y est pas : "Ce n'est pas parce que l'on veut gagner plus. C'est en partie pour pallier l'inflation. On la subit tous, on a un local à payer, on a des frais, des charges, un secrétariat...", énumère-t-elle.

Faire face aux départs

Avec ses collègues, Sandrine Gignoux a tenté de trouver de nouveaux locaux pendant cinq ans, afin d'accueillir au mieux tous leurs patients. Mais en vain. "L'avenir de la médecine générale est très inquiétant. L'avenir de mes patients m'inquiète aussi. Je vais essayer de ne pas pleurer. On a un gros sentiment de culpabilité, ça nous touche, c'est un choix très difficile", explique la docteure, qui pourrait bien se réorienter vers le salariat ou le déconventionnement.

Bénédicte Girard, une de ses collègues, a, elle, fait le choix de poursuivre son activité. Mais si elle ne trouve pas de remplaçants d'ici la fin de l'année, elle sera contrainte de fermer le cabinet. Une tâche difficile tant la pénurie de médecin se fait ressentir dans la capitale des Alpes. Elle assure être "contente" de la décision de ses consœurs : "J'ai fait un burn-out. J'ai été arrêtée une bonne partie de l'année dernière. Et là, je reprends et je dois faire face au départ de mes collègues, qui, elles aussi, en ont assez et ne peuvent pas faire leur métier correctement", explique-t-elle.

Dans la salle d'attente, une patiente confie "comprendre ce choix". Mais cette mère de famille avoue être angoissée "parce qu'il va falloir retrouver des médecins et ce n'est pas évident". Un mouvement de grève de la profession a été lancé vendredi 13 octobre. Il a été reconduit ce mardi 17 octobre.

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