L'équipe de l'expédition 5300 repart au Pérou ce dimanche pour une nouvelle phase de leurs recherche sur les habitants de la ville la plus haute du monde. Dans un environnement presque invivable, ils ont développé des capacités uniques afin de s'adapter à leur milieu.
L'expédition 5300 pose de nouveau ses valises au Pérou. Une équipe de scientifiques français, composée essentiellement de chercheurs grenoblois, s'est envolée dimanche 26 janvier pour l'Amérique du Sud afin de poursuivre ses recherches sur la population d'une ville perchée à 5 300 mètres d'altitude : La Rinconada. Ils cherchent à comprendre les mécanismes d'adaptation du corps humain à cet environnement extrême où la "vie humaine permanente" est théoriquement impossible.
Une première phase de recherches a été menée entre janvier et mars 2019 par une quinzaine de chercheurs auprès des 50 000 habitants de cette ville très haut perchée en altitude. Il s'agit d'une cité minière exposée à une pression atmosphérique et à un taux d'oxygène quasiment invivables.
Durant cinq semaines, l'équipe de scientifiques missionnée a réalisé une série de tests, de mesures et de prélèvements sur une centaine de Péruviens volontaires de trois villes du pays, dont 60 à La Rinconada, après l'installation d'un laboratoire de physiologie et de biologie humaine mobile.
Résultats inédits
Dévoilés à Grenoble début janvier, les premiers résultats de l'expérimentation ont révélé que le taux de globules rouges présents dans le sang des habitants de La Rinconada pouvait atteindre jusqu'à 85%, soit une masse d'hémoglobine jamais mesurée auparavant chez l'être humain, et qui représente une menace pour le coeur et le cerveau.
"Un habitant de plaine présentant de telles valeurs serait immédiatement hospitalisé tant cette quantité pourrait lui être fatale", précisent les scientifiques. L'étude souligne également que cette population a développé "au fil des générations des adaptations uniques pour tolérer un sang si concentré en globules rouges, avec des modifications physiques des composants du sang, une dilatation forte des vaisseaux sanguins ou encore un remodelage du coeur".
"Cette population est en équilibre entre des adaptations extrêmes à la vie en altitude [...] et des phénomènes d'usure ou d'intolérance face au manque d'oxygène qui pour certains habitants débouchent sur un état pathologique", explique Samuel Vergès, chercheur au laboratoire hypoxie-physiopathologie de l'université Grenoble-Alpes (UGA).
Améliorer la prise en charge sanitaire
La nouvelle phase d'expérimentations qui s'ouvre, et débutera concrètement le 31 janvier après la période d'acclimatation de l'équipe de scientifiques, sera menée durant cinq semaines. Elle aura cette fois pour objectif d'améliorer la prise en charge de l'état de santé de la population de La Rinconada, qui a développé des maladies spécifiques liées à son exposition à un taux d'oxygène réduit de moitié comparé à celui du niveau de la mer.
Les chercheurs vont effectuer des essais médicamenteux sur soixante habitants volontaires de la ville durant trois semaines afin d'évaluer ses effets à court terme, avant le lancement d'une autre phase d'étude prévue en août prochain pour mesurer les effets du traitement sur le long terme.
Durant près d'un an, l'équipe de scientifiques engagée dans cette expédition a analysé les données recueillies lors de son premier séjour sur place au contact des habitants de La Rinconada, avec l'objectif de définir une prise en charge mieux adaptée de leur état de santé.
Environ 25% de ses habitants sont sujets au célèbre syndrome du "mal des montagnes", provoqué par un phénomène d'hypoxie, résultat d'un manque d'oxygène disponible pour les tissus de l'organisme en raison de la diminution de la pression atmosphérique.
Le syndrome touche 5 à 20% des personnes vivant à haute altitude, soit plus de 100 millions de personnes à travers le monde selon les scientifiques, et se manifeste par des vertiges, des maux de tête, des acouphènes, un phénomène d'essoufflement et de production de globules rouges à l'excès.