A 36 ans, il est déjà un acteur majeur de la vente de chaussures en ligne. Boris Saragaglia est le discret PDG de la start-up grenobloise Spartoo. Tout semble lui réussir ... Sa dernière acquisition en date : la marque André et son réseau de 200 magasins.
Boris Saragaglia dirige depuis sa création Spartoo, une start-up devenue en 12 ans un acteur majeur du commerce en ligne qui vient de faire un pas de géant en achetant André, vénérable marque de chaussures née à la fin du XIXe siècle. "On aimerait que Spartoo devienne centenaire", affirme sans ciller le dirigeant de 36 ans, passé par l'École des Mines et HEC.
Ce "on" qu'il utilise souvent évoque le "collectif" de l'entreprise et surtout le trio de départ qu'il forme toujours avec les amis rencontrés pendant ses études, Paul Lorne (Centrale, HEC) et Jérémie Touchard (Mines).
Les débuts dans un appartement "tout pourri"
C'est dans un appartement "tout pourri" du 19e arrondissement de Paris, qu'il partage avec Paul, que Boris présente son idée en 2005. Pas d'appétence particulière pour le soulier, confesse-t-il, mais le jeune homme regardait "ce qui fonctionnait" à l'étranger. Il repère la levée de fonds réussie d'un site américain de vente en ligne de chaussures, Zappos, et décide de dupliquer le concept en France.
Quant au nom "Spartoo", loin du récit très "marketé" qui le relierait à Sparte la grecque et à sa célèbre sandale, c'était la proposition la plus "mnémotechnique" générée aléatoirement par un logiciel... "Quand on est jeune, il vaut mieux commencer avec du +B to C+, un business qui s'adresse aux consommateurs", explique M. Saragaglia, qui a repoussé à cette époque "un poste incroyable dans un grand groupe industriel français" pour fonder son entreprise... un monde très éloigné de la fonction publique de ses parents.
Les banques sollicitées nous "ont tapé dans le dos en disant +c'est génial+ et puis rien", raconte le jeune PDG. Les trois compères mettent chacun 15.000 euros sur la table, par emprunt étudiant, et embarquent dans leur projet un géant discret du négoce de chaussure, Jacques Royer. La première levée de fonds d'un million d'euros se fait "en grande partie grâce à sa holding personnelle", remercie encore le jeune homme, qui souligne "la chance énorme" qui leur a alors souri.
Des sociétés d'investissement accompagnent ensuite le développement exponentiel de l'entreprise. A Plus Finance, CM-CIC Capital Privé, Highland Capital Partners, Endeavour Vision et Sofina détiennent aujourd'hui 75% du capital, quand le trio de fondateurs en détient toujours 25%.
Le chiffre d'affaires, d'un million d'euros en 2006, a atteint 60 millions en 2010 et 150 millions en 2016, dont 50% réalisé à l'international. Spartoo, c'est aussi 400 salariés en France de 25 nationalités, 5.000 marques et 400.000 modèles proposés, 14 millions de visiteurs uniques par mois sur le site en Europe et 12 boutiques en propre.
L'acquisition d'André, fort de son réseau d'environ 200 magasins, vient doper cette implantation dans le réel en augmentant le nombre de points de collecte des commandes passées sur le site.
Les pieds sur terre
Les clés du succès ? "On est très paysans: on a les pieds sur terre; on sème avant de récolter; on a un rapport à l'autre très direct et on prône la durée", énumère ce fils d'une infirmière et d'un prof de mécanique, dont le patronyme vient de paysans du sud de l'Italie.
De ses dix premières années passées entre Burkina Faso et Maroc avec ses parents coopérants, Boris Saragaglia garde une "relation distante à l'argent" et un engagement dans deux projets en Afrique: l'envoi de chaussures aux écoliers et le financement d'un programme de formation de sages-femmes de l'ONG Amref.
Son salaire reste secret - tout comme sa vie privée - mais il assure se payer "moins que le marché". Il dit vivre "comme un étudiant", achetant ses vêtements "en soldes chez Brice ou chez Jules" et roulant en "Kangoo de seconde main".
La salle lumineuse au dernier étage du siège grenoblois n'est pas son bureau mais une salle de bien-être pour les salariés, à qui sont proposés des séminaires d'entreprise dans des villes européennes en mode ludique. "Si ça fait start-up, très bien mais on s'en fiche !", assure le fringant trentenaire.