TEMOIGNAGES. Chaque jeudi, des personnes atteintes de la maladie de Parkinson se retrouvent à Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble, pour danser. Un moment où les tressautements de leur corps n'ont plus besoin d'être contrôlés. Des études montrent même que la danse ralentit la progression des symptômes moteurs de la maladie.
D'ordinaire, ils s'acharnent à essayer de diriger leurs gestes, contrôler la vibration envahissante pour la concentrer sur un mouvement fonctionnel : lever un membre, serrer les doigts, saisir un objet. Chaque tremblement est une déferlante indomptable qui fait bégayer le bras, la main, la jambe.
Alors, lorsqu'on leur dit, ici, dans cet atelier de danse, que chaque mouvement est le bienvenu, qu'il peut être beau, gracieux, et s'insérer dans une chorégraphie improvisée aux côtés d'autres corps chancelants, les malades de Parkinson se libèrent un peu du poids de cette gymnastique cérébrale et neurologique qu'ils doivent sans cesse répéter, au quotidien.
Dans cette salle de danse de Saint-Martin-d'Hères, chaque geste est conscient. Mais il n'a pas à être domestiqué.
"C'est fantastique, vraiment", témoigne Geneviève. "La maladie emprisonne notre corps. Moi, j'ai des douleurs et là on oublie, on a notre corps, on en fait ce que l'on en veut. C'est merveilleux, sans jugement, sans peur du regard de l'autre et toujours avec bienveillance. Cela n'a pas de prix", dit-elle.
"C'est une exaltation, une libération", renchérit Françoise, une autre participante à l'atelier. "C'est sortir du carcan dans lequel je suis des fois. Je suis tellement libérée que je m'abandonne et ça, dans cette maladie, c'est fantastique", continue-t-elle.
Un dialogue libre des corps
La session est dirigée par Clint Lutes, de la compagnie DaPoPa en collaboration avec l'antenne iséroise de France Parkinson. Le danseur et chorégraphe commence d'abord par faire dialoguer les corps en binôme. Tour à tour, patients et danseurs professionnels créent une chorégraphie improvisée.
"C'est important de développer cette rencontre avec les gens, ce premier moment qui consiste à sortir de soi et à se connecter avec les autres, cela crée une base pour la suite de l'atelier", indique Clint Lutes.
Chacun fait ce que son corps lui permet. Quelques pas qui tentent de suivre la musique. Un battement de doigt en rythme. Une légère oscillation du haut du corps. D'autres réussissent à transformer leur vague intérieure en mouvement de bras d'une arabesque.
"On avait presque l'impression de discuter avec celui qui était assis, on avait des choses à lui dire. J'ai été hyper émue de voir chaque personne pendant un temps dédié et de recevoir", raconte Elodie Morard, l'une des danseuses de la compagnie.
Les symptômes de la maladie de Parkinson ralentis grâce à la danse
Ces ateliers existent depuis une vingtaine d’années. Ils ont vu le jour notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
A première vue, le traitement semble éphémère : un abandon qui soigne la tête plus que le corps, le temps d'une danse.
Pourtant, des études ont été menées lors de sessions animées par le Ballet national d'Angleterre ou par la Mark Morris Dance Company. Elles tendent à prouver que la danse permet de ralentir la progression des symptômes moteurs, à raison d'un cours par semaine pendant trois ans.
Sur la piste, Robert se meut comme il le peut, les bras enserrés autour de sa poitrine comme s'il guidait d'un peu trop près une partenaire imaginaire.
"J'aime bien danser, j'ai été champion de rock dans les années 1960, ce n'est pas d'aujourd'hui. Voilà pourquoi j'essaye de retrouver un peu le rythme", dit-il.
Car tout est effectivement question de rythme. D'autres expériences sont menées avec la musique auprès de personnes atteintes de la maladie de Parkison.
La musique donne un rythme pour faciliter la motricité
En Haute-Loire, une application mobile baptisée Beat Health est en test. Reliée à des capteurs de mouvements positionnés aux chevilles, elle diffuse une mélodie dans des écouteurs avec un tempo qui s’adapte à l’utilisateur et qui va lui permettre de trouver un rythme de marche.
“Les patients atteints de Parkinson ont une atteinte des ganglions de la base : ce qui génère le rythme est détruit de l’intérieur. En leur fournissant un rythme extérieur, on contourne les problèmes", confie ainsi à France 3 Auvergne, Charles-Etienne Benoît, le cofondateur de Beat Health, maître de conférence à l'université Claude Bernard Lyon 1.
Forts de ce constat, Clint Lutes et la compagnie DaPoPa mutliplient les initiatives en faveur de publics empêchés. Il y a quelques semaines les danseurs ont investi les chambres et les couloirs du centre de rééducation de Rocheplane à Saint-Martin-d'Hères (voir reportage ci-dessus).
"Je suis beaucoup plus content et fier de ce que je fais aujourd'hui par rapport à il y a dix-quinze ans quand j'étais encore danseur, chorégraphe traditionnel", estime le danseur américain.
"Je suis avec des gens, ça me touche et ça touche les gens avec qui je suis en contact, et c'est ce contact qui crée une sorte d'énergie", conclut le danseur.