La petite entreprise fondée à Saint-Imiser en Isère en 1980 va équiper des bâtiments stratégiques de la Marine nationale avec son système de brouillage de communications. Une question de sécurité de plus en plus importante depuis la démocratisation des drones.
Depuis plusieurs années maintenant, les drones commerciaux se sont démocratisés auprès du grand public. Qu'ils soient inoffensifs ou porteurs d'intensions hostiles, ces petits engins volants téléguidés posent un problème de sécurité majeur lorsqu'ils se mettent à survoler des sites stratégiques, comme des ministères, des centrales nucléaires, ou des sites de la Marine nationale.
C'est ce qui est arrivé le 10 septembre dernier, lorsque la Marine a porté plainte contre deux personnes ayant, cinq jours plus tôt, fait voler un drone au-dessus de la zone aérienne LF-P 112. Comprenant une large part de la presqu'île de Crozon, de Brest et de sa rade dans le Finistère, le survol y est interdit pour assurer la sécurité d'installations militaires.
Et la Marine semble avoir trouvé dans les montagnes iséroises la meilleure solution pour protéger ses côtes et ses navires. La PME Keas, basée en banlieue grenobloise, s'est alliée avec le spécialiste de la détection CerbAir, pour fournir à l'arsenal de Brest un dispositif de détection et de brouillage anti-drones.
Des problématiques de sécurité publique
Keas (un sigle tout en anglais managérial), Leas jusqu'en 2015, a été fondée à Saint-Ismier en 1980, et s'est lentement développée sur le marché des cartes informatiques. En 2005, les fondateurs sentent le vent tourner, et investissent le secteur du brouillage de communications dans les prisons.C'est sur cette pente du brouillage que Keas a glissé vers ses projets actuels. Dans les prisons, l'entreprise développe leur système anti-drones. "Il y avait des livraisons de téléphones illicites dans les prisons par drones", explique David Morio, PDG de la boîte iséroise. Des incursions dont "les conséquences pourraient être gravissimes".
En même temps que le drone se démocratisait, la crainte de leurs potentielles applications se développait. "En 2019, on a senti frétiller le marché pour les drones, les problématiques de sécurité publique pour les autorités sont devenues de vrais sujets d'actualité", précise David Morio.
"On ne va pas utiliser un missile "Mistral" pour détruire un drone DJI"
L'objectif de Keas est de fournir des armes adaptées à l'armée, elle qui, jusqu'à présent, "utilisait le marteau pour écraser la mouche", estime le patron :Ce mois d'octobre 2020, Keas et CerbAir ont fourni à la Marine son premier modèle de détecteur-brouilleur, installé depuis à l'arsenal de Brest. Par ondes radio, il parvient à détecter la communication entre un drone et son pilote. L'identification enclenche une "bulle électromagnétique", qui rompt cette communication.Les militaires ont des solutions pour détruire des menaces de drones militaires avec de gros moyens. Mais dans le cas d'attaques de petits drones commerciaux, les solutions qu’ils ont sont surdimensionnées. On ne va pas utiliser un missile "Mistral" pour détruire un drone DJI.
L'Isère, un gage de stabilité pour Keas
Cette première sur un site de la Marine pourrait ouvrir la porte à de nouvelles commandes, dont la livraison serait assurée par les mains iséroies de l'entreprise. Après 40 ans d'existence, Keas se trouve toujours à Saint-Ismier, tandis que sa filiale Electronic F6, chargée de la production industrielle, est basée à Bernin.Pour David Morio, rester en Isère "est un gage de stabilité, la région grenobloise est attractive. Pour rien au monde mes collaborateurs et moi ne quitterions la région". Seul regret du patron : la difficulté pour une PME iséroise de recruter de jeunes talents. "Les grands groupes phagocytent les ressources en sortie d'école. C'est un peu le pot de terre contre le pot de fer."
En tout, l'entreprise embauche trente personne sur ses deux sites, et mise sur de bonnes perspectives de croissance, malgré la crise Covid-19 qui a engendré l'annulation de certaines commandes et projets. Deux sites qui ne seront bientôt plus qu'un, l'entreprise se voyant obligée de déménager pour raison de rupture de bail.
Mais elle ne part pas très loin. A peine traverse-t-elle l'Isère, pour s'installer dans la zone industrielle Guynemer de Villard-Bonot.