Sous la cathédrale Notre-Dame de Reims (Marne) se trouve un lieu peu connu du grand public, et dont l'accès est quasi-impossible. Il s'agit du baptistère de Clovis, roi des Francs, nommé ainsi car son baptême y a eu lieu aux alentours de l'an 500. Le photographe rémois Vincent Zénon Rigaud, l'un des privilégiés qui a pu le visiter, avait émis l'idée d'y installer une webcam afin que tout le monde puisse en profiter. Mais la proposition ne semble pas réalisable.
C'est une cavité souterraine d'où l'on peut surplomber treize siècles de l'histoire du royaume des Francs, puis de France. Clovis y a été baptisé par l'évêque Saint-Remi (il n'y a pas d'accent), selon la tradition à Noël 496.
Mais si l'on dépasse ce qui est souvent considéré comme le début du roman national français, l'année de ce baptême assez nébuleux est probablement plus tardive. Quoi qu'il en soit, cet évènement a bien eu lieu, et depuis, la cathédrale Notre-Dame de Reims (Marne) s'étend avec majesté au-dessus de ce baptistère.
Rares sont celles et ceux qui peuvent s'y rendre. Les lieux sont clos, bien protégés, et il faut disposer de certains atouts pour se faire délivrer le précieux sésame. Vincent Zénon Rigaud (un accent cette fois mais pas de tiret), le photographe emblématique de Notre-Dame et aux multiples facettes, est de ceux-là. Il a pu découvrir cet endroit à l'écart du public, en partager un cliché à l'état brut, et raconter son expérience à France 3 Champagne-Ardenne (voir l'image ci-dessous).
C'était en octobre 2024. Il émettait, ou plutôt relayait alors une idée assez basique. Permettre au public de découvrir cet endroit. Mais non pas physiquement, car ce serait logistiquement compliqué, et administrativement aussi aisé que de faire installer un McDonald's au palais du Tau.
Ce qu'il imaginait lui, c'était de brancher une petite webcam à laquelle on puisse accéder à distance, comme cela se fait près des monuments ou immeubles emblématiques de nombreuses villes de par le monde. On vous racontait d'ailleurs que New York est particulièrement coutumière du fait.
Les Monuments nationaux "pas favorables"
France 3 Champagne-Ardenne a donc soufflé l'idée auprès des institutions titulaires. Pêle-mêle, on y retrouve l'évêché, l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (Udap), la direction régionale des affaires culturelles (Drac), les Architectes des Bâtiments de France (ABF) et le Centre des monuments nationaux (CMN).
In fine, après plusieurs renvois de balle, la réponse (plutôt rapide, il faut le reconnaître) est venue de cette dernière institution, siégeant à Paris (le CMN). "Nous ne sommes pas favorables à l'installation d'une webcam à l'intérieur du site. Nous considérons qu'elle ne respecte pas les exigences de protection de la vie privée. La médiatisation du baptistère peut être réalisée par d'autres moyens."
Cela soulève des préoccupations éthiques.
Centre des monuments nationaux (CMN)
En demandant des détails, on apprend qu'"il existe un risque que des personnes soient filmées sans leur consentement, ce qui pourrait être considéré comme une atteinte à leur vie privée. Cela soulève des préoccupations éthiques, même si les images ne sont pas diffusées publiquement en temps réel."
Et ce n'est pas le seul problème. "Par ailleurs, des questions de sécurité des données et des connexions sont également à prendre en compte." L'argument est pertinent, alors que la fin de l'année a connu une véritable explosion des piratages de sites Internet institutionnels et commerciaux.
Histoire de France, rayonnement sur le monde
France 3 Champagne-Ardenne a pris acte de cette réponse, et a rappelé Vincent Zénon Rigaud pour l'en aviser. L'idée originelle "n'est même pas de moi", tient-il modestement à souligner de nouveau. "C'était [quelqu'un] sur Linkedin."
Une personne vivant loin, semble-t-il. "Il y a des gens à l'étranger qui connaissent bien l'histoire de France, qui s'y intéressent. Ils ne confondent pas systématiquement la cathédrale de Reims avec celle de Paris dès qu'ils la voient", s'amuse-t-il à souligner au sujet du célèbre monument qui vient de rouvrir ses portes.
"Il me disait qu'il connait l'histoire de Clovis, de la France, et qu'il était heureux de savoir que le baptistère avait été officiellement retrouvé par les historiens. Et qu'il aurait bien aimé pouvoir le voir en permanence, avec l'idée de la webcam qu'il avait déjà vue ailleurs, à New York notamment." (voir la cathédrale de Reims sur la carte ci-dessous)
Une idée "pertinente", donc, mais retoquée. Le photographe n'en prend pas ombrage, et conçoit tout à fait qu'il y ait une foultitude de problématiques à prendre en compte par le CNM, avec lequel il est habitué à travailler. Et que peut-être que l'institution trouvera "une belle façon de mettre en valeur" ce baptistère.
Une médiatisation tierce à inventer
Vincent Zénon Rigaud est toutefois catégorique sur un point, de par son expérience du terrain. "C'est clair et net : il n'y aura jamais d'accès du public. C'est impossible de mettre un pied là-dedans."
"Et il faudrait y mettre des moyens énormes." Ce dont on se passerait bien en ces temps annoncés de disette budgétaire. Abraham Lincoln aurait beau avoir affirmé que "si vous pensez que la culture coûte cher, essayez donc l'ignorance", il s'agit pourtant souvent d'un des premiers postes de dépenses à être sacrifié.
Il faudrait y mettre des moyens énormes.
Vincent Zénon Rigaud, photographe emblématique de la cathédrale Notre-Dame de Reims
Autre point d'inquiétude pour ce dernier, il cite une anecdote locale remontant à la fin des années 2000. "À une époque, les gens pouvaient visiter la crypte. C'est la zone la plus ancienne de la cathédrale, l'antichambre des souterrains et du baptistère. La crypte est restée ouverte pendant une période, et il n'y a pas eu de problème de sécurité en soi."
"Mais ça a été arrêté. Car il y avait plein de dégradations. Alors qu'on est sous le choeur, le sacré du sacré..." Des visites sous surveillance d'un guide avaient ensuite été mises en place, mais demandaient du personnel et des moyens supplémentaires : l'expérience n'a donc pas pu être prolongée au-delà de quelques mois. "Bien sûr, la problématique de l'accès au public et les éventuelles dégradations, ça s'étend aussi aux autres monuments ou à la nature : ça ne se limite pas à la cathédrale."
Reste une chose. Le CMN souhaiterait privilégier "d'autres moyens" pour "médiatiser [le] baptistère". Au vu des problématiques de finances ou de respect des lieux, on peut s'interroger sur leur nature. Cette réflexion n'est donc peut-être pas terminée...