Un arrêté interdisant les produits phytosanitaires à Grenoble a été pris en 2019. Mais face à sa suspension probable par le Conseil d’Etat, le maire a décidé de le reformuler en considérant les rejets comme des "déchets", ce qui lui permet de rester compétent et de maintenir l'interdiction.
"Il était urgent d’utiliser un nouvel outil pour protéger la population de ces produits extrêmement nocifs". Dans un communiqué publié ce lundi 22 février, Eric Piolle le maire de Grenoble, lance une nouvelle offensive contre les pesticides.
En 2019, il avait déjà pris un arrêté en ce sens, interdisant l’utilisation de produits phytosanitaires chimiques sur tout le territoire de la commune.
[☣PESTICIDES☣️] Grenoble était déjà ville ZéroPhyto sur ses espaces publics depuis 2004. Avec Paris, Nantes, Lille et Clermont-Ferrand, Grenoble interdit les #Pesticides sur l'ENSEMBLE de son territoire. Notre rôle de maire est de protéger la santé des habitants de nos communes pic.twitter.com/Xh5OQZRA5n
— Éric Piolle (@EricPiolle) September 12, 2019
Mais la décision n’avait pas fait l’unanimité : le Préfet avait déféré cet arrêté au tribunal administratif de Grenoble. Et un arrêt rendu le 31 décembre 2020 par le Conseil d’Etat rendait la suspension de cet arrêté municipal très probable.
En effet, les juges de la plus haute juridiction administrative ont estimé que les maires de communes n'avaient pas le pouvoir de prendre des arrêtés interdisant l'usage de pesticides sur leurs communes, la réglementation de ces produits contestés relevant des prérogatives de l'Etat.
Un jeu de mots juridique
Pour éviter ce revers, Eric Piolle a décidé de reformuler le premier arrêté afin de garder la main sur cette décision. Dans le communiqué, il rappelle qu’en tant que maire, il détient "les pouvoirs de police" pour "agir sur les troubles de voisinage et les déchets".
Ainsi, dans cette nouvelle mouture de l’arrêté anti-pesticide, la Ville interdit désormais "de nuire à autrui par le rejet de substances phytopharmaceutiques hors de la parcelle à laquelle ils sont destinés" et considère que "ces substances deviennent, dans ces conditions, des déchets".
En qualifiant les rejets de "déchets", le maire s’assure ainsi de garder toute compétence pour faire appliquer cet arrêté, sans qu’il ne puisse, a priori, être cassé par une instance supérieure.
"Les substances de pesticides se déposant dans les eaux, les jardins, les maisons, les poumons des personnes à leur insu sont des déchets polluants, assure la municipalité dans son communiqué. Celles et ceux qui les émettent sont donc responsables de les maîtriser et de les éliminer. Avec cette actualisation de notre arrêté, nous espérons ouvrir la voie à d’autres arrêtés du même type dans les communes du pays afin de poursuivre la lutte contre les pesticides".
Avec ce nouvel outil juridique, la ville de Grenoble serait la première grande ville à prendre un arrêté anti pesticides basé sur la "règle de propriété et de règlementation des déchets". Seule la petite commune de La Montagne, située en Loire-Atlantique, aurait déjà utilisé cette méthode.