La députée de l'Isère et vice-présidente de l'Assemblée nationale Élodie Jacquier-Laforge a signé lundi une tribune en faveur du maintien de l'aide médicale d'État dont les sénateurs Les Républicains veulent restreindre l'accès. Elle a défendu sur France 3 Alpes un dispositif "d'ordre sanitaire".
C'est l'une des pierres d'achoppement d'un projet de loi volcanique. La proposition de réforme de l'aide médicale d'État (AME) pour les sans-papiers, portée par la droite, fracture la majorité. Les sénateurs Les Républicains souhaitent réduire ce dispositif qui couvre à 100 % les frais de santé des étrangers présents sur le sol français depuis au moins trois mois.
Un amendement sénatorial au projet de loi immigration, examiné depuis lundi 6 novembre par la chambre haute, a été déposé en ce sens. En l'état actuel du texte, l'AME serait supprimée au profit d'une "aide médicale d'urgence". Le panier de soins, réduit et aux contours flous, inclurait "le traitement des maladies graves et douleurs aigües", "les vaccinations réglementaires" et "soins liés à la grossesse".
Cette proposition a suscité l'émoi dans les rangs du MoDem : 26 députés ont cosigné lundi une tribune dans le journal La Croix pour défendre le maintien de cette "exception sanitaire française". "Je regrette qu'on instrumentalise une mesure d'ordre sanitaire pour des raisons politiciennes", a déclaré lundi soir sur le plateau de France 3 Alpes Élodie Jacquier-Laforge, députée de l’Isère, vice-présidente de l'Assemblée nationale et signataire de la tribune, défendant une "mesure de santé publique".
"La santé des Français en pâtirait"
"On l'a vu pour le Covid, une pandémie assez récente : les virus ne s'arrêtent pas au statut des gens en situation régulière ou irrégulière. Cela peut être le cas pour le VIH, pour la tuberculose, pour l'hépatite, donc je pense que c'est une très mauvaise idée de vouloir transformer cette aide médicale d'Etat en aide médicale d'urgence puisque c'est aussi la santé des Français qui en pâtirait", a-t-elle argumenté.
#Immigration
— Elodie Jacquier-Laforge (@elodiejala) November 6, 2023
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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'est exprimé en faveur de la proposition des sénateurs qui doit être débattue ce mardi, tandis que la Première ministre Élisabeth Borne a dit ne pas être "favorable" à la suppression de l'AME qu'elle considère comme "un enjeu de santé publique". Les détracteurs de ce dispositif l'accusent de générer un "appel d'air" pour l'immigration clandestine et de coûter "trop cher", actuellement 1,2 milliard d'euros annuels pour 400 000 bénéficiaires.
Or, sa suppression serait "un mauvais calcul budgétaire" pour Élodie Jacquier-Laforge. "Vous allez laisser des gens dont la santé va se détériorer et finalement, ça coûtera plus cher. (...) Ce n'est pas parce qu'on supprime une ligne budgétaire qu'on supprime la dépense puisque les médecins, en France, s'ils voient une personne en situation de détresse, ils vont la soigner. Sauf que le budget ne sera pas imputé sur l'AME, que l'on scrute, mais sur celui de l'hôpital public", estime-t-elle.
Un équilibre menacé ?
L'examen du projet de loi immigration provoque des débats éruptifs au Sénat, notamment autour de l'article 3, mesure-phare qui prévoit une régularisation pour les travailleurs sans papiers dans des secteurs en pénurie de main d'œuvre. L'exécutif, qui a maintes fois reporté le vote de sa réforme, veut aboutir à "un texte ferme, juste et surtout efficace", selon les mots de Gérald Darmanin.
"On avait, de façon initiale, un projet qui était sur ses deux jambes, avec à la fois le travail, l'intégration et un volet plus répressif", fait valoir la députée de l'Isère, "très attachée à cet équilibre initial" qu'elle estime déstabilisé par une possible transformation de l'AME. Pour "réinterroger le dispositif", la Première ministre a lancé une mission. Le rapport définitif est attendu le 2 décembre mais un pré-rapport remis jeudi à Matignon suggère qu'"il y a des modifications à apporter", selon le ministère de l'Intérieur.