Après plus de 10 ans de combat judiciaire, quatre policiers grenoblois sont renvoyés devant la justice correctionnelle ce lundi 8 octobre 2018. Maud Carretta, alors étudiante, avait perdu un oeil en marge d'une manifestation en mai 2007.
Le procès de quatre policiers, poursuivis pour un tir de grenade ayant éborgné une étudiante à Grenoble en 2007, est programmé ce lundi au 8 octobre 2018. Il doit se tenir devant le tribunal correctionnel de Lyon.
Si le commissaire qui dirigeait les opérations ce jour là, a été renvoyé dès 2013 en correctionnelle pour "blessures involontaires", les trois autres policiers ont d'abord bénéficié d'un non-lieu, le tireur ne pouvant être identifié.
Tous les recours ont ensuite été utilisés par la partie civile pour traduire les policiers en justice.
Le 11 juillet 2017, la Cour de cassation a estimé que le fait d'avoir "participé consciemment à une action exposant un tiers à un risque particulièrement grave" ne nécessitait pas de "déterminer qui est l'auteur du tir", plaçant les faits "sous le régime de la co-action", selon l'avocat de la jeune femme, Me Hervé Gerbi.
Un argumentaire sur lequel s'est appuyée la chambre de l'instruction de Lyon dans un arrêt rendu le 22 décembre dernier qui a renvoyé définitivement les trois policiers en correctionnelle, en plus du commissaire.
La victime, aujourd'hui psychiatre, a aussi perdu l'odorat et a subi au total 12 opérations chirurgicales depuis le drame.
Rappel des faits
Le 16 mai 2007, en marge d'une manifestation contre l'élection de Nicolas Sarkozy, Maud Carretta, étudiante en médecine âgée de 23 ans, est blessée au visage par un projectile, alors qu'elle traverse la place Grenette, en plein centre de Grenoble.
Le projectile, c'est un éclat de grenade de désencerclement, lancée par un policier grenoblois. Maud Carretta perd son oeil gauche et l'odorat.
Les policiers tentaient de maîtriser des casseurs qui avaient rejoint cette manifestation non-autorisée. Maud Carretta a toujours nié avoir participé à l'évènement.
En décembre 2008, trois de ces policiers étaient mis en examen pour "coups et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois par manquement délibéré d'une obligation de sécurité ou de prudence". L'avocat de Maud Carretta, Hervé Gerbi, déclarait déjà à l'époque : "les circonstances, à l'instant précis où la grenade fut jetée, ne justifiait nullement l'emploi de la force".
A la fin de l'instruction en 2013, seul le commissaire responsable de l'unité soupçonnée d'avoir lancé la fameuse grenade était renvoyé devant le Tribunal Correctionnel.
En septembre 2017, au terme de nombreuses péripéties judiciaires, la Cour de Cassation renvoyait l'affaire devant la Chambre d'Instruction.
Le 29 décembre 2017, la Chambre d'Instruction de la Cour d'Appel de Lyon a enfin tranché, après plus de 10 ans de combat judiciaire.
« Pour Maud Carretta, aujourd’hui psychiatre, qui a donc réussi ses études en dépit de ce traumatisme et d’une douzaine d’opérations, cette décision est un soulagement immense. Nous allons enfin peut-être savoir ce qu’il s’est passé », explique Maître Gerbi. ( Interview du 04/01/2018)