À l'avant-dernier jour du procès de Ludovic Bertin devant la cour d'assises de l'Isère, le ministère public a requis, ce jeudi, la réclusion criminelle à perpétuité à son encontre. L'avocat de la défense a invité les jurés à ne pas "basculer dans le domaine de l’irraisonnable".
La réclusion criminelle à perpétuité a été requise, jeudi 5 décembre, à l'encontre de Ludovic Bertin, jugé pour le meurtre de Victorine Dartois précédé d'une tentative de viol en septembre 2020 et le viol d'une autre jeune femme, Vicky*, en septembre 2018.
"Que le tueur frappe sa victime au hasard est l’un des aspects les plus terrifiants de ce meurtre. En réalité, ces crimes ne sont pas gratuits", a déclaré l'avocate générale Françoise Benezech lors de son réquisitoire. La magistrate a demandé à la cour de condamner l'accusé à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 25 ans pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
"Il est question des pulsions incontrôlées de M. Bertin pour les crimes qui lui sont reprochés", développe la représentante du ministère public, revenant d'abord sur les faits de viol sur Vicky qu’elle présente comme "la première victime" de l'accusé. "Elle a tout dit, Vicky, avec une grande dignité, sans en rajouter, avec beaucoup d’authenticité", déclare-t-elle.
La victime affirme avoir été violée par Ludovic Bertin après qu’il l’a étranglée tandis que celui-ci a toujours parlé d’un rapport sexuel consenti. "Il n’y a pas deux victimes. Il y a une victime et une plaignante", dira l'accusé à l’issue de l’audition de Vicky.
"La terreur, l'épouvante, le martyr"
"Vicky a été l’incarnation des 94 % des victimes de viol qui se taisent. (…) Et parmi ces 6 % de victimes de viol qui déposent plainte, une majorité n’obtiendra pas gain de cause devant la justice. Vous ferez mentir ces statistiques", a demandé aux jurés Me Roddier, l'avocate de la jeune femme, lors de sa plaidoirie.
"Ludovic Bertin n’est pas un violeur car là, on touche à l’intouchable. Pour lui, c’est psychiquement impossible. La réalité du viol de Vicky vient conforter la réalité de la tentative de viol sur Victorine Dartois", poursuit l’avocate générale, abordant le meurtre de l'étudiante de 18 ans.
"C’est parce qu’il a voulu et commencé à la violer que Ludovic Bertin tue Victorine Dartois. Le meurtre et la tentative de viol sont absolument indissociables l’un de l’autre", expose Françoise Benezech, appelant les jurés à "garder à l’esprit la terreur, l’épouvante, le martyr de Victorine Dartois pendant la demi-heure où elle a vécu sa mise à mort progressive".
L’avocate générale a livré son analyse des faits, en contradiction avec la version de l'accusé. "Ludovic Bertin est parti sur ce chemin dans l’intention de trouver une proie à violer. Il a croisé Victorine Dartois et a mis en œuvre un scénario préparé et organisé dans un mode prédateur en repérant sa victime et en utilisant l’effet de surprise", selon la magistrate.
Un "coup de folie" pour l'accusé
"Dans ce renfoncement, continue-t-elle, il commence à la violer en lui enlevant son pantalon mais il n’y parvient pas parce que Victorine Dartois se débat. (...) Fou de rage et ne voulant pas qu’elle le dénonce, il l’achève en la noyant en maintenant une pression sur le bras et sur le torse."
Ludovic Bertin a, pour sa part, affirmé avoir tué Victorine Dartois dans un "coup de folie" alors que celle-ci l'aurait "insulté" après une bousculade. Il a dit avoir retiré le pantalon de la victime pour "faire disparaître les preuves" et non dans l'intention de la violer.
"Victorine, c’était une jeune femme douce, gentille, une petite fille bien éduquée qui n’avait pas une once de méchanceté", a rappelé dans sa plaidoirie l’avocate de la famille Dartois, Me Kelly Monteiro. "Ça aurait pu être n’importe qui mais ce jour-là, c’est Victorine Dartois qui disparaît à jamais et cette famille qui sera amputée de sa dernière petite."
"Dans ce terrible drame, les proches de Victorine Dartois se sont accrochés au positif. Ils voient leur fille comme un ange, comme celle qui aura fait arrêter Ludovic Bertin, comme celle qui aura résisté là où d’autres n’auront pas réussi", a ajouté Me Monteiro, demandant aux jurés que l’accusé, "par ses actes, ne fasse plus jamais de mal à aucune famille".
Évoquant le "comportement lucide de l’accusé avant et après les faits" et "sa structure de personnalité", "tout laisse à penser que le risque de réitération des faits est élevé", appuie l'avocate générale. "J’ai rarement vu les experts [psychologues et psychiatres, NDLR] avoir autant de convergence dans des termes aussi proches qui se rencontrent tous sur la même conclusion", à savoir une "dangerosité très élevée", ajoute-t-elle.
La délicate question de la tentative de viol
S'adressant aux parties civiles, Françoise Benezech salue le "courage" de Vicky et incite la famille Dartois à "ne (garder) de Victorine que la lumière de son visage". Une famille dont "personne n’oublie la souffrance", souligne l'avocat de Ludovic Bertin, Me Arnaud Adélise, en débutant sa plaidoirie.
Le défenseur demande aux jurés de ne pas "basculer dans le domaine de l’irraisonnable, dans le domaine de l’émotion". "Je ne crois pas au mal incarné, je pense plutôt que le mal se construit", déclare Me Adélise, revenant sur le "parcours cabossé" de son client, émaillé de violences dans son enfance.
"C’est un être humain qui se construit sur un mode dégradé, sur des failles qu’il ne pouvait pas maîtriser, sur lesquelles il n’avait aucune prise", estime-t-il. À la question de savoir si Ludovic Bertin est coupable du meurtre de Victorine Dartois, "la réponse est oui", dit le défenseur à la cour.
Mais l'avocat soutient que l'accusé n'était aucunement en quête d'une "proie". "Pourquoi il ferait ça à côté de chez lui, avec ses habits de la journée et une casquette rouge ? Cela n’a aucun sens", tranche Me Adélise, réfutant la tentative de viol sur la jeune femme, au centre des débats.
"La question est de savoir s’il y a un acte matériel, la réponse est non" en l'absence de traces "de sperme, de sang, de lésions sur les parties génitales de la victime", selon le défenseur pour qui "enlever un pantalon, ce n’est pas suffisant".
"Maintenant que vous allez juger (Ludovic Bertin), au-delà des émotions légitimes que vous allez ressentir, de la souffrance des parties civiles, est-ce que votre raison va vous permettre de suivre la loi ?", demande Me Adélise aux jurés, plaidant pour qu'ils se prononcent avec "dignité" et "humanité".
Au dernier jour de son procès, l'accusé prendra la parole une dernière fois devant la cour avant que celle-ci ne se retire pour délibérer. Le verdict est attendu ce vendredi au terme de deux semaines d'audience.
* Prénom d'emprunt.