Les hommages se multiplient et les souvenirs rejaillissent après la mort de Christophe. Le chanteur des "Paradis perdus" et d'"Aline" s'était produit en 2015 à La Belle Electrique, à Grenoble. Très généreux et très simple, il s'était longuement confié à l'une de nos équipes.
Ce 29 octobre 2015, la Belle Electrique accueille Christophe avec une surprise… une Porsche orange des années 70, prêtée par un familier de la salle des musiques actuelles grenobloise. Olivier Dahler le programmateur se souvient. « Christophe a toujours été amoureux de belles voitures. On voulait l’emmener faire un tour à Chamrousse avant son concert ! Il a écarquillé les yeux devant le bolide, ravi. Mais pas sa manageuse, catégorique, « trop tard Christophe, il est 18 heures, tu dois faire tes balances ! »
Olivier Dahler attendait ce moment depuis longtemps. L’ancien programmateur de l’Entrepôt, la mythique petite salle de rock de Grenoble a été bercé tout jeune par le Don Quichotte de la pop française. « J’ai été baigné par Les Mots bleus et Aline, que mes parents écoutaient souvent… C’était l’époque des années Yéyés ! Mais beaucoup plus tard, devenu programmateur de concerts, j’ai sympathisé avec Laurent Castanié son tourneur, également celui de Bashung et de Daniel Darc. Quand on a ouvert la Belle Electrique, en janvier 2015, j'ai proposé à Julie sa manageuse de l’accueillir en résidence car il cherchait une salle pour son nouveau projet électro. L’histoire a traîné… Quelques mois plus tard, on l’a enfin reçu pour la dernière date de sa tournée solo piano, juste avant son ultime album les Vestiges du Chaos co-écrit avec Jean-Michel Jarre ».
Ce jour-là, notre équipe est également sur le pont. Rarement un artiste de cette trempe a répondu aussi rapidement à une proposition de tournage de notre rédaction alpine. Un choix pour les télespectateurs et, je l’avoue, un petit plaisir personnel aussi ! Autant j’étais passé à côté du chanteur estampillé "variété" des premières décennies, autant le musicien redécouvert à la faveur de l’album « Bevilacqua » - titre hommage à son patronyme et à ses origines italiennes du côté du Frioul - en 1996 m’avait impressionné par son alliage rock nappé d’électro et sa recherche de nouveaux sons.
Huit ans plus tard, il est venu à Grenoble jouer pour l’inauguration de la MC2, la nouvelle Maison de la Culture avec son complice Alain Bashung qui reprendra Les Mots Bleus. Un double concert mémorable qui devait s’achever fort tard, vers deux heures du matin !
Mais revenons à ce 29 octobre 2015. L’équipe de Christophe nous laisse le choix des morceaux à filmer, fait rare là encore. L’interview se fera après le concert. Pendant ce temps, dans les coulisses, Olivier Dahler se souvient d’un homme très simple « Je l’avais rencontré en backstage aux Nuits de Fourvières à Lyon et une autre fois à Paris. Il ne m’avait pas oublié. Il appréciait notre programmation assez orientée vers les musiques électroniques, me parlait de tel artiste rencontré à Berlin où ailleurs. Avant le concert, il m’a pris par le bras, me demandant mon avis sur le dispositif scénique, le positionnement des claviers. C’était un homme simple, tellement touchant et surtout, épris de liberté ! »
La magie d’un concert réussi tient non seulement à l’humeur des artistes mais aussi à la qualité d’un lieu. L’acoustique parfaite de la Belle Electrique, la proximité entre la scène et le public ont le don de transcender les musiciens. Ce soir-là, derrière l’objectif de notre caméra, Christelle Nicolas immortalise un Christophe intime, caché derrière un voile tendu devant la scène.
« Je garde un très joli souvenir de ce grand petit homme derrière son piano, caché par ces fils bleus, intime. Lui et nous, sa voix singulière, ses mots qui font mouche ! Un artiste comme Bashung qu’il rejoint au Panthéon des grands sensibles, et que l’on n’oubliera pas. »
Après deux heures de concert, entre tubes repris par le public et morceaux plus intimes ponctués d’anecdotes où Christophe évoqua à plusieurs reprises sa malchance de s’être fait retirer son permis de conduire à force de perdre des points pour excès de vitesse, nous nous sommes retrouvés en loges vers minuit pour l’interview… "Alors ça vous a plu ?" Généreux dans l’échange, une bonne demi-heure de discussions, l’oiseau de nuit n’était pas pressé d’en finir.
D’autant que nous avions emmené avec nous Rose, l’épouse d’un de nos ingés son et grande fan de Christophe. « Ce matin, j’étais en larmes en apprenant sa mort. Lui qui aimait tant se confiner pour composer est parti dans ce triste moment. Je suis heureuse de l’avoir vu sur scène, dans cette belle salle, derrière ce voile de lumière avec ce son pur et sa voix intacte, toujours juste. C’était un homme simple, un grand enfant et en même temps un immense artiste. »