Le conseil d'administration du bailleur social Grenoble Habitat a décidé de "mettre en pause" la vente des actions détenues par la mairie de Grenoble à l'entreprise privée Adestia, prévue pour 37 millions d'euros. Il souhaite prendre connaissance de la proposition de rachat émise par le président de la Métropole sur France 3 Alpes.
Grenoble Habitat va-t-elle finalement rester dans le giron public ? Une nouvelle série de rebondissements vient d'intervenir dans ce dossier, émanant cette fois du conseil d'administration du bailleur social qui demande à la Métropole de Grenoble de clarifier ses ambitions.
L'entreprise devait, selon le projet porté par la municipalité grenobloise qui en est actionnaire majoritaire, être vendue à Adestia, une filiale privée de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le conseil municipal de Grenoble avait validé la vente de la quasi-totalité des actions détenues par la Ville pour 37 millions d'euros en mars dernier. Cette recette avait par ailleurs été inscrite au budget d'investissement 2023.
Mais les nombreuses oppositions qui ont émergé ont complexifié la transaction. La dernière en date émane du Comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) - composé de représentants des collectivités territoriales, de professionnels du logement et de représentants d'organismes intervenant dans le domaine de l'hébergement - qui a émis un avis négatif.
"Par conséquent, le conseil d'administration de Grenoble Habitat réuni hier [mardi 21 novembre, NDLR] a suivi ma proposition de mettre en pause le projet porté par CDC Habitat", écrit le président du bailleur social, Claus Habfast, dans un courrier adressé au président de Grenoble-Alpes Métropole, Christophe Ferrari (divers gauche), que France 3 Alpes s'est procuré.
Il n'est "pas certain", nous explique M. Habfast, que le ministère du Logement donne son agrément pour la vente à Adestia au vu de l'avis négatif du CRHH. Une telle décision enterrerait définitivement le projet de transaction. Alors, le président de Grenoble Habitat se tourne vers Christophe Ferrari qui a récemment émis une nouvelle proposition.
La Métro fait un pas vers le rachat
Ferme opposant à la privatisation du bailleur social, le président de la Métropole proposait jusqu'alors une recapitalisation à valeur nominale. En clair, la collectivité, actuellement actionnaire minoritaire, aurait investi au capital de l'entreprise jusqu'à en détenir la majorité des parts. La Ville de Grenoble aurait alors pu vendre ses actions mais à moindre coût, ce qu'elle a toujours refusé.
Interrogé le 19 novembre dans l'émission Dimanche en politique sur France 3 Alpes, Christophe Ferrari s'est dit prêt à faire un pas vers la municipalité grenobloise pour que Grenoble Habitat demeure "un outil public". "On peut travailler sur quelque chose de mixte qui permettrait à la fois à la Ville de Grenoble de vendre une partie de ses actions à la Métropole, peut-être avec quelques autres acteurs privés hors CDC Habitat, ce qui lui [la ville de Grenoble, NDLR] permettra ensuite de revendre (l'autre partie)", a-t-il proposé.
Après ces annonces, le conseil d'administration du bailleur social attend une proposition concrète. "Christophe Ferrari est sorti du bois et c'est très bien, mais il faut qu'il en sorte complètement et qu'il ne se contente pas de bouger quelques branches", estime Claus Habfast. "Qu'il dise combien. Après, on peut faire des sacrifices pour permettre que la SEM [société d'économie mixte, impliquant la prise de participation de collectivités territoriales au capital, NDLR] continue à exister."
Situation "urgente"
Dans sa lettre au président de l'exécutif métropolitain, M. Habfast insiste sur le caractère "urgent" de la situation. Car le bailleur social vient d'adopter "un budget prévisionnel 2024 en déficit de près de 4 millions d'euros" en raison, notamment, d'un niveau de production de logements "extrêmement élevé", écrit-il.
"Ce déficit ne met pas en danger immédiat Grenoble Habitat, mais seule une recapitalisation permettrait de conserver le plan de développement ambitieux de la société", sans quoi l'entreprise "serait contrainte de prendre des mesures drastiques de réduction de son plan d'investissement."
Grenoble Habitat doit donc être fixée sur son futur acquéreur au plus vite. Raison pour laquelle son président demande à la Métropole de "présenter son projet d'ici la fin de l'année 2023". Et ce projet devra "inclure un apport de fonds propres début 2024."
"Avant d'aller dans le mur auprès du ministre, il vaut mieux reprendre son souffle et demander à la Métropole quelles sont ses vraies intentions", nous explique encore Claus Habfast, par ailleurs élu municipal de la majorité d'Eric Piolle (EELV), qui concède "en avoir parlé" au maire avant de suspendre le processus de vente.
Vers un épilogue début 2024
Reste à savoir si l'exécutif métropolitain et la municipalité grenobloise pourront trouver un terrain d'entente sur la solution à adopter, le prix du rachat et le délai dans lequel il pourrait intervenir. Grenoble-Alpes Métropole votera son budget prévisionnel 2024 lors du prochain conseil communautaire, le 22 décembre. L'avenir de Grenoble Habitat sera très probablement évoqué, tous les co-présidents de groupes ayant eu copie du courrier de Claus Habfast.
Si la solution mixte proposée par la Métropole est retenue, le rachat pourrait s'étaler sur plusieurs exercices budgétaires et son coût serait nécessairement moins élevé que celui proposé par Adestia, selon une source proche du dossier.
"Le protocole (avec Adestia) est toujours valable, il peut même être prolongé jusqu'au 30 mars 2024", nuance Claus Habfast, selon qui la vente n'interviendra pas avant la fin de l'année, quelle que soit la solution retenue, contraignant la Ville de Grenoble à contracter un nouvel emprunt. "Si tout va bien, conclut-il, la vente sera finalisée en février ou mars."