PHOTOS. Echirolles (Isère) : des collages en hommage aux 150 ans de la Commune de Paris

Plasticien colleur d’histoires, l’artiste grenoblois Luc Quinton a réalisé 36 instantanés retraçant les 72 jours du soulèvement du peuple parisien réprimé dans le sang. « Commune, comme une ! » s’expose à l’hôtel de Ville d’Echirolles.

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Mars 1871. Le peuple de Paris proclame la Commune. « Fini le vieux monde ! » promet-elle : les privilèges, l’exploitation, le clergé, le servage… Une ère nouvelle commence !

Images tirées de gravures ou de photographies réalisées durant cette insurrection populaire, découpées et collées sur un carré de papier fait maison, parfois rehaussé de rouge, celui de l’étendard des Communards, celui du sang versé aussi par les ouvriers engagés dans la lutte. Avec la minutie et l’art du collage qui est le sien, Luc Quinton a rassemblé par bribes d’archives un condensé de ce qu’ont été les 72 jours de la Commune de Paris.

Exposés dans des chevalets de bois sous la verrière de l’Atrium de la mairie d’Echirolles, les trente-six collages se dévoilent comme autant d’instantanés de vie, d’espoir mais aussi de violence. Un parcours chronologique qui nous plonge au cœur de ce chapitre singulier de l’Histoire de France, cette révolution sociale étouffée débutée avec le soulèvement du peuple parisien contre la misère aggravée par le siège de l’occupant prussien, de la résistance face à l’allégeance du pouvoir en place, jusqu’à l’installation de la Commune sociale et démocratique et enfin l’écrasement de cette expérience populaire dans le sang avant l’exil et le bagne pour les survivants.

« Mon regard n’est pas celui d’un historien, mais celui d’un artiste citoyen, critique et engagé qui exprime son émotion au regard de cette page importante de notre histoire qui se prolonge encore aujourd’hui. Mon parti pris est celui d’un plasticien imprégné de l’engagement de mes parents. Ils ont vécu la résistance et lutté contre le colonialisme. » Le regard bleu vif de Luc Quinton brille lorsqu’il se penche sur ses collages. « Ici, c’est la Butte Rouge, Montmartre, avec les canons gardés par la Garde populaire, l’armée du peuple. Cette artillerie a été financée par une souscription populaire, au départ pour se défendre des Prussiens mais Adolphe Thiers qui vient de signer un traité de paix avec l’Allemagne – au prix de l’Alsace-Lorraine - a voulu récupérer les canons pour les dresser contre le peuple ! Là on reconnaît Gustave Courbet devant la colonne Vendôme déboulonnée le 16 mai 1871. Engagé aux côtés du peuple parisien avec d’autres artistes, le peintre a été accusé d’avoir incité à la destruction du monument alors qu’il avait surtout suggéré de déplacer ce symbole guerrier érigé à la gloire de Napoléon Ier » Deux ans plus tard, le président Mac-Mahon condamnera Courbet à financer la reconstruction de la célèbre colonne, ce qui conduira le peintre à s’exiler en Suisse.

 

Un Gavroche devant les barricades

Au gré des collages, on découvre un Gavroche devant les barricades, une Louise Michel au regard déterminé, un poème de Victor Hugo qui voisine avec l’Internationale et l’éphémère journal Le Cri du peuple, ou encore Adolphe Thiers retranché avec son gouvernement à Versailles qui sera le principal instigateur de la répression du soulèvement conclu par la Semaine sanglante et le massacre de milliers de Communards. En parallèle, neuf affiches rappellent les mesures sociales et laïques instaurées par l’assemblée de la Commune de Paris. « Pas moins de 400 affiches ont été publiées durant les 72 jours de la Commune précise Luc Quinton. Sur ces fac-similés, on trouve un vrai programme politique, avec par exemple la fin des expulsions des logements, la séparation de l’église et de l’Etat mais aussi l’école laïque pour tous avec la gratuité des fournitures scolaires ! » Et d’ajouter « Les affiches étaient un moyen de communication privilégiée. Si les procès des 40000 communards ont montré que les deux tiers des prévenus étaient illettrés, ou semi-illettrés, il y avait toujours quelqu’un pour faire la lecture aux autres ».

L’exposition rappelle enfin que d’autres villes ont proclamé leur Commune avant d’être réprimées par l’armée. « Il y a eu des Communes notamment à Lyon, à Marseille. A Grenoble, sans aller jusqu’à proclamer une Commune, la ville a connu de nombreuses manifs de soutien, notamment menées par les femmes et le jeune avocat Félix Poulat qui deviendra plus tard maire de la ville. » 

Luc Quinton, dont les collages sont autant de coups de gueule pour dénoncer les oppressions, qu’il s’agisse de l’holocauste, du racisme, des atteintes aux droits des réfugiés ou encore à l’environnement, a pour seules armes sa colle et ses ciseaux. Montée avec le Collectif pour faire vivre la Commune de Paris en Isère, son exposition s’achève en forme de clin d’œil aux luttes sociales d’aujourd’hui avec le tableau du peintre russe Ilia Répine marquant la commémoration du massacre des Fédérés par l’armée de Versailles contre le mur du cimetière du Père-Lachaise. A droite, l’artiste a ajouté un gilet jaune sur le dos d’un des personnages de la peinture d’origine.

Luc Quinton imagine maintenant 36 nouveaux collages, histoire de compter autant d’œuvres que de jours qu’a duré la Commune de Paris. Baptisée « Commune, comme une ! », l’exposition est présentée jusqu’au 26 mai dans l’Atrium de l’Hôtel de Ville d’Echirolles. Elle sera ensuite dévoilée à Paris et devrait faire l’objet d’un livre commémorant ce 150ème anniversaire.

 

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