L'arrière isérois, élu révélation internationale de l'année 2022, sera aligné avec l'Italie face au XV de France ce dimanche lors du Tournoi des VI Nations. Le nouveau prodige du rugby a débuté au Pont-de-Claix, en Isère, avant de rejoindre le FC Grenoble, puis le Stade Toulousain. Retour sur son parcours avec ses anciens entraîneurs.
C'est l'histoire d'une fulgurance. Celle d'un jeu basé sur la relance, l'évitement, la quête de l'espace. Celle, également, d'un parcours qui n'était pas tracé d'avance.
"Quand je l'ai vu débarquer à l'entraînement, tout fin, tout menu, tout frêle physiquement, je me suis dit ça va être dur". Ils ont été nombreux, comme Stéphane Glas, son dernier entraîneur au FC Grenoble, à se faire cette réflexion en voyant arriver Ange Capuozzo sur le terrain la première fois.
Le jeune homme ne correspond pas aux standards du rugby moderne. Avec son mètre 77 et ses 72 kg, l'Isérois a "un gabarit un peu atypique". Mais il suffit de lui donner le ballon pour comprendre que l'arrière a su faire de son physique une force plutôt qu'une faiblesse.
Un physique frêle atypique
"J'ai en tête un joueur qui se sort des plaquages, qui est courageux, qui est capable de casser plusieurs plaquages sur la même action", poursuit Stéphane Glas, qui l'a fait débuter chez les pros au FCG. "C'est aussi sa qualité : une qualité de vitesse, d'évitement, une qualité d'appuis".
Aujourd'hui, le plus Français des joueurs italiens fait trembler les défenses, lui qui semble virevolter dans les lignes arrière, au point d'être capable de sauter littéralement son vis-à-vis pour aller aplatir dans l'en-but, comme lors de la dernière journée du TOP 14 avec le Stade Toulousain face à Montpellier.
Dès 6 ans, la coqueluche de l'école de rugby de l'US 2 Ponts
Ange, "c'est un facteur X", un joueur capable de renverser un match. Une aptitude repérée dès le plus jeune âge, dès son entrée à l'école de rugby de l'US 2 Ponts, à Pont-de-Claix au sud de Grenoble.
"Chez les tout petits, c’était la coqueluche", nous raconte Pierre Eymeri, le président du club. "Ce n’est pas compliqué, quand il prenait le ballon, systématiquement il marquait un essai. Il prenait la balle, il traversait le terrain, il slalomait deux-trois défenseurs et il marquait. On était presque sûr à 100% de gagner le match", se souvient-il. "On s'est rapidement dit qu'il avait des qualités ce petit-là".
D'autant que le joueur en herbe montre également un sens du collectif plutôt rare à cet âge-là. "Les petits, entre 6 et 9 ans, leur ballon, c’est leur ballon. Ils avancent avec le ballon, et ils le lâchent soit parce qu'ils sont plaqués, soit une fois qu'ils sont par terre. Lui, il avançait, il évitait et puis, il savait déjà faire une passe, avant les autres donc il faisait jouer les copains".
Formé au FC Grenoble
Ange Capuozzo fera ses gammes à l'US 2 Ponts avant de rejoindre les rangs du club phare de la capitale des Alpes : le FCG, chez les moins de 12 ans. Sans fanfaronner. "Il n’a jamais eu la grosse tête, ce n’est pas quelqu’un qui tire la couverture à lui", indique Pierre Eymeri.
Le jeune garçon évolue au FCG dans toutes les catégories d'âge, jusqu'à rejoindre le groupe espoirs, l'antichambre de l'équipe professionnelle. Il est alors demi de mêlée.
"Depuis tout petit, on avait vu quelque chose chez ce garçon-là : une vitesse, une créativité, une gestuelle, une qualité technique, un vrai joueur de rugby", ajoute Lionel Enselmoz, qui l'a entraîné en espoirs à Grenoble. A l'époque, l'encadrement grenoblois avait décelé son talent, mais personne ne se serait avancé à dire qu'il allait devenir rapidement la révélation du rugby international.
Capable de jouer "à n'importe quel poste dans les lignes arrières"
"A Grenoble, on savait qu'il jouerait en équipe première", concède Lionel Enselmoz. "On se disait qu'il jouerait en professionnel à haut niveau oui, mais sincèrement il me surprend à chaque fois. Je ne pensais pas que ce serait si rapide, qu'il irait si haut, si vite. Il m'épate", reconnaît l'entraîneur des espoirs du FCG.
Et comme dans toute belle histoire, il aura fallu des coups de pouce du destin pour que les planètes s'alignent. D'abord au FCG. Ange Capuozzo a une vingtaine d'années et joue 9, un poste disputé au sein de la formation grenobloise. Stéphane Glas décide alors de l'aligner une demi-heure lors d'un match amical, à l'arrière, en numéro 15, pour lui donner du temps de jeu et le récompenser de son travail à l'entrainement.
Une éclosion à l'arrière
"Et là, il est très bon. C'est le Ange que l'on connaît, avec de l'espace, avec la possibilité de remonter le ballon, de contre-attaquer", raconte Stéphane Glas. "Au bout de quatre ou cinq semaines d'entraînement à l'arrière, je lui ai dit de continuer, que j'allais bientôt lui donner du temps de jeu et 15 jours après je l'ai mis titulaire à Angoulême, on a gagné avec le bonus défensif et derrière il a enchaîné".
"J'ai vu que c'était un joueur complet et finalement en 9, derrière le paquet d'avants, c'était pas vraiment son poste". Il avait été mis là en raison de son gabarit, "mais il lui faut de l'espace". Tous ses entraîneurs reconnaissent sa polyvalence, "une qualité de rugbyman", capable de "dépanner et de couvrir n'importe quel poste du 9 au 15", insiste Stéphane Glas. "Ce parcours-là, à Grenoble, et cette trajectoire qui consiste à passer de demi de mêlée à arrière et rapidement à gravir tous les échelons, c'est assez rare".
Repéré par l'Italie lors d'un match amical
Parallèlement, le destin frappe une nouvelle fois à sa porte. Ange Capuozzo est repéré par les sélectionneurs italiens lors d'un match amical opposant les espoirs du FCG aux Italiens de moins de 20 ans.
Lui, Napolitain du côté de son père, qui a toujours parlé italien à la maison, se sent fier d'être appelé en équipe nationale. Il participera d'abord sous le maillot azzuro à la coupe du monde des moins de 20 ans, avant d'être sélectionné puis titularisé pour le Tournoi des VI nations. Il est alors joueur de pro D2 à Grenoble.
Face aux grandes nations du rugby, Ange Capuozzo fait la preuve de l'étendue de son talent et assoit sa réputation de feu follet des lignes arrières grâce à deux coups d'éclat. Face à l'Ecosse, il réalise un doublé pour sa première cape. Une semaine plus tard, il est l'un des artisans de la victoire historique de l'Italie face au Pays de Galles grâce à une relance d'anthologie.
La révélation internationale 2022
A l'automne, Ange Capuozzo, qui a changé de statut en rejoignant le TOP 14 au Stade Toulousain signe un nouveau succès inédit face à l'Australie. Des performances qui l'amènent au firmament du rugby international avec un titre de "révélation de l'année" décerné par World Rugby.
"Je ne suis pas surpris de sa progression", indique Stéphane Glas. "A chaque fois qu'il a fallu répondre présent, il a répondu présent et si le niveau de jeu monte, il se met au niveau".
Sur un plan personnel, tous le décrivent comme un passionné de rugby, bosseur, "facile à entraîner", "déterminé" et "avec un grand sens de la famille".
"Avant c'était un OVNI, maintenant il est attendu"
"Quand il a nous a dit qu’il partait à Toulouse, il a fait une soirée à l’école de rugby", ajoute Pierre Eymeri. "Il a offert au club un maillot de l’Italie des moins de 20 ans qu’il a encadré", et a joué le jeu de la séance de dédicace. "C’est quelqu’un qui est reconnaissant de tout", renchérit le président de l'US 2 Ponts.
L'année 2022 aura été celle de l'éclosion, reste à assumer ce nouveau statut. Désormais, il sera attendu. "L'an dernier, c'était un OVNI. Maintenant, toutes les nations vont avoir une stratégie à appliquer face à ce phénomène", résume Lionel Enselmoz. A commencer par le XV de France ce dimanche à 16h à Rome pour la première journée du Tournoi des VI Nations.