Camille Chaussinand, spécialiste en communication politique et enseignant à Sciences-Po Grenoble, accorde "un léger avantage à Emmanuel Macron" sur Marine Le Pen à l'issue du débat de l'entre-deux tours qui s'est tenu jeudi soir.
Sérénité affichée d'un côté et pugnacité de l'autre. Le président sortant Emmanuel Macron et la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen se sont affrontés mercredi 20 avril à l'occasion du traditionnel débat d'entre-deux tours.
Le chef de l'Etat a réussi à dépasser son statut de sortant qui doit défendre son bilan tandis que Marine Le Pen a affiché de nets progrès par rapport à son débat raté de 2017. Dans les sondages, Emmanuel Macron creuse l'écart en étant donné vainqueur dans une fourchette allant de 54 à 56,5 % des intentions de vote.
Chaque camp a crié victoire au lendemain de ce débat qui n'a pourtant pas attiré les foules - près de 15,6 millions de téléspectateurs, moins que les 16,5 millions de la dernière présidentielle selon Médiamétrie. Que faut-il retenir de ces 2h50 d'échanges entre les candidats ? Camille Chaussinand, spécialiste en communication politique et enseignant à Sciences-Po Grenoble, analyse le débat pour France 3 Alpes.
"Quel premier enseignement tirez-vous de ce débat ?
Si on doit analyser qui sort vainqueur de ce débat, je donnerais un léger avantage à Emmanuel Macron même si je pense que dans les sondages qui vont suivre jusqu'à dimanche, le jour du scrutin, on va se rendre compte d'un statu quo. Si on regarde comment les deux candidats ont pu remplir ou non leurs objectifs, ils n'ont pas tous été remplis.
Quels étaient les objectifs des candidats ?
Emmanuel Macron avait pour objectif de dépasser sa condition de président pour devenir candidat et essayer de jouer sur cette proximité avec les Français, essayer de devenir plus empathique. Je pense que par sa posture, notamment non-verbale, il n'y est pas parvenu. Il a été assez hautain avec son adversaire. Malheureusement, quand on est hautain avec un adversaire politique, on est aussi hautain avec ses votants. C'est plus difficile pour Emmanuel Macron d'assumer cette posture. Je pense que c'est l'une des erreurs qu'il a pu commettre.
Marine Le Pen voulait absolument laver l'affront de ce même débat qui avait eu lieu en 2017. On sent bien qu'elle a beaucoup travaillé sur une posture plus calme et apaisée. Pour autant, je pense qu'elle a subi les foudres de cette posture en étant complètement molle avec une sorte de bienveillance qui n'est pas assumée jusqu'au bout. Ce complexe vient aussi des longs mois de dédiabolisation dont elle a pu faire l'objet, pas toujours de manière voulue.
Quelles postures ont pu porter préjudice à Emmanuel Macron, son regard, sa gestuelle ?
Il y avait surtout le regard. Quand il prenait la parole, notamment pour expliquer les données, les statistiques qu'il maîtrise parfaitement, il s'adressait souvent par le regard aux journalistes qui lui posaient la question, ce qui voulait dire qu'il n'y avait pas de débat. C'est compliqué, quand vous êtes adversaire, de pouvoir relancer une pièce dans la machine et faire en sorte de répondre. Mais il n'y avait pas uniquement le regard. Il y avait la posture un peu avachie sur la table, il y avait la tête prise entre les deux mains. Toutes ces petites symboliques qui, en communication non-verbale, nous font penser que l'intérêt était de créer de la distance avec Marine Le Pen et, par conséquent, avec ses électeurs."