Fin février, la jeune Morzine, issue d'un programme de reproduction visant à sauver le pygargue à queue blanche, a été tuée par deux braconniers. Rapidement confondus, les deux hommes vont être jugés à partir de ce lundi 13 mai. Un procès pour destruction d'espèce protégée est très rare en France, et ce cas pourrait servir d'exemple.
Elle s'appelait Morzine. En septembre dernier, la jeune Pygargue à queue blanche s'était envolée vers la liberté. Réintroduite dans la nature, grâce à un ambitieux programme mené par Jacques-Olivier Travers. Mais pour Morzine, l'aventure s'est arrêtée trop vite fin février.
"Elle a dormi sur le petit vallon juste au-dessus du sanctuaire de La Salette, la veille au soir, relatait Jacques-Olivier Travers, fondateur des Aigles du Léman, quelques jours après la mort de l'oiseau. Ce n’était pas une mort naturelle, où l'on aurait pu penser qu'elle n'arrivait pas à survivre ou autre. Pas du tout. On l'a retrouvée avec une balle."
Deuxième rapace abattu depuis le début du programme de réinsertion
Morzine a été abattue par deux chasseurs, le 24 février. Les coupables, âgés de 30 et 35 ans, membres d'une même famille, ont rapidement été arrêtés à la suite d'une enquête éclair. Lors de perquisitions menées à leurs domiciles, des plumes prélevées sur l'oiseau avaient été retrouvées. Les deux hommes ont rapidement avoué, puis été placés sous contrôle judiciaire dans l'attente de leur procès.
Espèce classée en "danger critique" d'extinction, le pygargue à queue blanche bénéficie d'un statut de protection totale. Interdiction formelle de tuer ou de perturber ces oiseaux. Le dernier couple en liberté a été abattu il y a 130 ans dans le bassin lémanique. Morzine est le deuxième rapace abattu depuis le lancement du programme de réinsertion, à l'été 2022.
Seuls cinq couples de pygargues vivent en liberté en France. Quatorze jeunes ont été réintroduits dans la nature par le parc des Aigles du Léman depuis juin 2022. À terme, le programme doit permettre de relâcher 70 autres juvéniles d’ici 2030 pour pérenniser la réintroduction du plus grand aigle d'Europe.
Un acte "inqualifiable"
Morzine, âgée d'un an, avait été relâchée dans la nature avec neuf de ses congénères, en septembre dernier. C'est près de la rivière le Drac, en périphérie de Grenoble, qu'elle s'était alors installée. Elle était en parfaite santé, "jusqu'à ce qu'elle rencontre deux idiots qui ont décidé que son parcours allait s'arrêter là", avait dénoncé Jacques-Olivier Travers, fondateur des Aigles du Léman.
"C'est rageant parce qu'on sait à quel point il est difficile pour ces oiseaux, quand ils sont nés en captivité, de retrouver une place dans la nature. Quand ils y arrivent, la moindre des choses serait de leur laisser une chance", plaidait-il alors, espérant une condamnation exemplaire des braconniers.
Depuis la mise à mort de Morzine, les associations de protection de la vie sauvage ne décolèrent pas. Morzine était un espoir pour son espèce, en danger critique d'extinction. "Ce programme de réintroduction, ça nous a coûté des milliers d'heures de travail, une procédure très difficile et des budgets conséquents, lâche Jean-François Noblet, responsable de l'association Nature et humanisme. Cet acte est inqualifiable, honte à ces deux braconniers, qui ont réduit nos efforts à néant."
"Ils savent très bien que c'est une espèce protégée"
Une quinzaine d'associations s'est constituée partie civile. Tout comme la Fédération départementale des chasseurs de l'Isère : car tuer un rapace, quelle que soit l'espèce, est strictement interdit.
"Ce n’est pas possible qu'un chasseur fasse un acte comme ça. Ce n'est pas possible pour nous, déplorait Alain Siaud, vice-président du collectif, en mars. On n'hésite pas à aller contre un chasseur quand il fait une bêtise. D'autant plus qu'on les forme tout au long de l'année. Ils savent très bien que c'est une espèce protégée."
Le procès des deux chasseurs pour destruction d'espèce protégée des deux chasseurs s'ouvrira à Grenoble, lundi 13 mai. Un évènement très rare en France. Le cas de Morzine pourrait donc servir d'exemple. Les prévenus encourent jusqu'à trois ans de prison et 150 000 euros d'amende.