Un scientifique grenoblois nous raconte la fantastique histoire de la cigale fossilisée dans une opale

On connait les opales, ces pierres précieuses aux reflets fascinants, mais ces gemmes nous racontent aussi l'histoire de notre planète. Un jeune scientifique grenoblois a rassemblé une équipe internationale pour étudier le premier fossile animal contenu dans une opale gemme provenant d'Indonésie.

C'est un jeune scientifique grenoblois, Boris Chauviré, géologue minéralogiste au laboratoire ISTerre (l'institut des Sciences de la Terre), qui nous raconte l'histoire passionante de cette larve de cigale venue de la nuit des temps. Il a rassemblé et dirigé une équipe internationale et pluridisciplinaire, des entomologistes de la république Tchèque, l'université de Nantes, l'université américaine de Mount St Joseph. Il signe cette étude sur le premier fossile animal contenu dans une opale gemme provenant d'Indonésie.

L'échantillon baptisé "Beverly" a été découvert, en février 2019, à 100 kilomètres au Sud-ouest de Jakarta en Indonésie. Les entomologistes ont déterminé qu'il s'agit d'une larve de cigale "poilue". Dans leur cycle de vie, ces larves tombent des arbres, s'enterrent parfois jusqu'à plus d'un mètre dans la terre, se nourrissent des fluides des racines, avant d'émerger un ou 17 ans plus tard.
 


Retrouver un insecte enchâssé dans une opale est un phénomène très rare. En général, ce sont des plantes qu'on retrouve ainsi fossilisées pour l'éternité. Il est plus habituel de retrouver des insectes dans l'ambre, on a tous en mémoire Jurassik Park et des dinosaures ressuscités... Ces fossiles nous fournissent une mine d'informations.

Parue dans Scientific Report de Nature, le 29 juin 2020, cette publication  intitulée « Arthropod entombment in weathering-formed opal: new horizons for recording life in rocks », révèle que ces opales peuvent contenir des fossiles très bien conservés, une larve de la famille des cigales dans ce premier cas. Cette découverte offre une nouvelle voie pour explorer l'évolution de la vie sur Terre ou la possible émergence de vie sur d'autres planètes, avec une question ô combien poétique : le chant des cigales résonnait-il en Indonésie il y a plusieurs millions d'années ? Il semblerait bien que oui...
 

Les messages des fossiles

 
Les sédiments déposés dans les lacs ou les océans, ou encore l'ambre (cette ancienne résine d'arbre fossilisé) ont conservé des traces d'organismes sur une grande partie de l'histoire de la Terre. Parmi ces matériaux, celui qui est aujourd'hui le pourvoyeur des plus anciennes traces de vie terrestres est le chert, une roche siliceuse formée il y a plusieurs milliards d'années.

La silice  qui les constitue est, en effet, très résistante aux affres du temps. Parmi les minéraux constitués exclusivement de silice, il existe une variété très appréciée pour sa beauté et ses effets de lumière impressionnant : l'opale. Utilisée en joaillerie, l'opale est surtout connue en Australie et en Ethiopie qui en fournissent une grande quantité.

Ce type de silice a également été identifié sur mars, ce qui en fait l'une des cibles majeures pour explorer la possibilité de vie sur cette planète. En effet, en Australie, du bois, et même des os de dinosaure sont totalement opalisés, donnant un aspect psychédélique à ces fossiles. En Ethiopie, des fossiles végétaux sont contenus dans des opales gemmes, mais aucun fossile animal n'a jamais été trouvé.
 

La tomographie à rayon-X


Grâce à la tomographie à rayon-X, une sorte de scanner haute résolution, il a été possible de reconstruire la forme du fossile dans sa totalité et de décortiquer son exosquelette. Les 6 pattes et son corps divisés en tête, thorax et abdomen permettent de dire que c'est un insecte.

La forme de ses pattes avant et ses pièces buccales sont caractéristiques des larves de la super-famille des Cicadoidae, dont les représentants les plus connus sont les cigales. Les larves de ces insectes vivent dans le sol, pendant parfois plusieurs années (jusqu'à 17 ans), ce qui fait que les fossiles de ces larves sont rares.

 

Les miracles de la silice


La silice est déjà connue pour être un agent préservateur de fossile, mais dans la majorité des cas, cette silice provient de sources hydrothermales (comme des geysers) qui sont en général très localisées sur la surface de la Terre. L'opale peut aussi se former par l'altération des roches, qui consiste à la détérioration des minéraux constituant les roches par l'eau, ce qui permet de libérer la silice qui constitue ces minéraux. Les fluides ainsi enrichis en silice vont remplir des cavités de la roche et former les opales gemmes.

Dans l'échantillon étudié, cette cavité contenait une larve, ou une mue de larve, ce qui a permis de conserver ce fossile sur plusieurs millions d'années. Cette étude démontre que la silice issue de l'altération des roches par le climat, un processus beaucoup plus répandu sur la surface des planètes que les sources hydrothermales, est également un pourvoyeur d'enregistrements paléontologiques.

L'identification de ce type de silice sur Mars en fait aussi un matériel très intéressant pour étudier la possibilité de vie sur cette planète. Ceci permet donc d'élargir les possibilités de trouver des traces de vie autant sur Terre que sur Mars où ce type de silice est connue et identifiée.

En plus de la beauté intrinsèque de cet échantillon, il offre une nouvelle voie pour comprendre l'évolution de la vie sur Terre ou la possible émergence de vie sur Mars, ou simplement d'imaginer que le chant des cigales retentissait déjà en Indonésie il y a plusieurs millions d'années. 

 
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