Coline Fay, 26 ans, a été remise en liberté ce vendredi 19 janvier après deux mois de détention au Sénégal. Arrivée en France dans la matinée, la jeune Iséroise revient sur son arrestation et ses conditions de détention.
Libérée après deux mois de détention au Sénégal, Coline Fay est arrivée en France et a retrouvé ses proches. La jeune femme de 26 ans, originaire de Claix (Isère), a été accueillie dans la matinée du vendredi 19 janvier à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (Val d'Oise) par son frère et ses parents.
"Je vais bien", assure d'emblée Coline Fay dans un entretien accordé à France 3. Capuche sur la tête, le visage marqué par la fatigue, elle témoigne : "La liberté, c'est doux, mais je ne suis qu'à moitié libre parce que j'ai laissé mes grandes sœurs là-bas, au cachot. Les autres militantes (qui soutiennent Ousmane Sonko) sont restées et elles y sont depuis des mois."
Coline Fay a été interpellée le 17 novembre à Dakar pour avoir participé à une manifestation de soutien à Ousmane Sonko, principal opposant à l'actuel président du Sénégal Macky Sall. Poursuivie pour "association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste", "complot contre l'autorité de l'Etat", "acte ou manœuvre de nature à compromettre la sécurité publique", elle risquait une lourde peine.
"On s'était simplement rassemblés devant la Cour suprême ce jour-là parce qu'il y avait une audience publique", raconte la jeune femme. "Après, les voitures de police ont tourné, ramassé certaines personnes et en ont laissé d'autres. Ça nous semblait beaucoup trop arbitraire."
Placée en garde à vue, Coline Fay a par la suite été placée en détention pendant deux mois dans des conditions difficiles. "La routine, l'enfermement, la surpopulation carcérale... Ce n'est pas facile. J'ai partagé un lit une place avec une femme enceinte pendant plus d'un mois. On a peur. Il y a des enfants de moins de deux ans qui marchent dans la prison. Ce n'est pas facile de voir ça, même si on s'habitue."
"On s'attend à sortir à tout moment"
Malgré l'insalubrité et la promiscuité, la Française estime avoir bénéficié d'un "régime de faveur" en raison de sa nationalité, lui permettant notamment d'obtenir sa remise en liberté. Elle avait toutefois mené une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention.
"Chaque nuit, on pense que c'est la dernière parce qu'il n'y a rien de grave, donc on s'attend à sortir à tout moment. Quand on est prisonnier, notre seul moyen de protester, c'est la grève de la faim. On se retrouve presque forcé de prendre position", estime-t-elle.
Durant ses études en Espagne, Coline Fay s'était engagée auprès du mouvement écologiste Extinction Rebellion. Elle s'était rendue au Sénégal en tant que kinésithérapeute dans un centre pour femmes enceintes et réaffirme son combat pour "dénoncer l'injustice où elle est".
"J'ai simplement pris place au côté d'un peuple qui est déterminé, qui a déjà choisi son leader", retrace Coline pour évoquer son soutien à Ousmane Sonko, gardant au poignet un bracelet "Sonko président". "On sait que quand on prend part, même de manière infime, à la vie politique, qu'on manifeste notre appartenance avec un bracelet, on est en sursis parce qu'il y a beaucoup d'arrestations, donc on est prêt. Mais jusqu'à ce que ça arrive, on n'y croit pas", se rappelle-t-elle encore.
Rassemblement à Grenoble samedi
Sa famille, qui n'avait plus de ses nouvelles depuis le 27 décembre, a été prévenue jeudi soir de sa remise en liberté après deux mois d'incertitude. "On nous a annoncé un numéro de vol, un horaire d'arrivée, un lieu et c'est tout", explique sa mère, Véronique Murat. Alors que son vol est arrivé peu après 7 heures, ses proches ont dû attendre près de 3 heures avant de la retrouver, faute de papiers officiels d'arrivée.
"Coline est là aujourd'hui et c'est tout ce qui compte", ajoute sa mère qui a multiplié les initiatives depuis deux mois pour demander la libération de sa fille. Plusieurs manifestations réunissant des dizaines de personnes ont été organisées à Grenoble sous la bannière "Free Coline" (libérez Coline).
"Dès que j'aurai le temps, je vais remercier toutes les personnes qui m'ont soutenue. Ça fait vraiment chaud au cœur. C'est ce qui permet de tenir mentalement. Je suis très reconnaissante", assure la jeune Iséroise, alors qu'un rassemblement est prévu ce samedi à 13 heures à Grenoble.