Le 25 novembre dernier, Julia pense payer une contravention. En réalité, elle tombe dans l’engrenage d’une arnaque au conseiller bancaire qui va lui soutirer plusieurs milliers d’euros. Elle témoigne pour alerter sur ces escroqueries très fréquentes.
Ce lundi 25 novembre, il est midi lorsque Julia* reçoit un SMS alarmant sur son téléphone : "ANTAI: dernier rappel avant majoration. Dossier 3002761. Consulter mon dossier d’infractions" , avec un lien qui renvoie vers un site d'apparence identique à celui du gouvernement pour le paiement des amendes en ligne. Cette jeune active iséroise de 28 ans a effectivement commis une infraction routière ces derniers jours, dont elle attend le courrier postal. Elle décide alors de payer directement l’amende de 35 euros en ligne.
Quelques heures plus tard, alors qu’elle est seule chez elle, elle reçoit un appel téléphonique d’un 06. "Un homme se présente comme étant conseiller Caisse d’Épargne, qui est effectivement ma banque. Il me demande : "Avez-vous cliqué sur un lien pour payer une contravention ?" Paniquée, je réponds que oui". L’homme lui annonce alors qu’elle a été victime d’une arnaque et que trois transactions volées sont en cours : 800 euros à H&M, 2 500 à Leroy Merlin et 1 500 à Ikea.
"Il me demande alors qu’on s’appelle via WhatsApp et que je fasse un partage d’écran. Il se balade ensuite dans mon appli bancaire, me demandant de montrer mes dernières transactions, mes bénéficiaires...". Dans le même temps, elle reçoit des SMS de la Caisse d’Epargne d'un autre numéro, confirmant les opérations qu'il lui fait faire.
"Quand je rentre la première somme, je suffoque"
Julia s’exécute, jusqu’au moment où le conseiller lui annonce que son IBAN a été piraté et qu’il va lui en fournir un nouveau. Elle va devoir rentrer celui-ci comme bénéficiaire dans son application bancaire, et faire trois virements correspondants aux sommes volées vers ce compte. "Là je commence à douter, je trouve ça bizarre. Je dis à haute voix que ne sais plus à qui faire confiance. D’un ton super pro, il me dit qu’il comprend. Il me dit : 'vous voyez bien que c’est la Caisse d’Epargne qui vous envoie des SMS ?' Et toutes les infos que j’ai sur vous ?". Prise dans l’engrenage de l’emprise psychologique, Julia rentre l’IBAN.
Quand je rentre la première somme, je suffoque, je ressens un doute mais d’un autre côté je sens une autorité bienveillante. Alors, je suis comme un automate, je fais tout ce qu’il me dit de faire
Julia (prénom changé), victime d'une arnaque au conseiller bancaire
D’autant plus que la jeune femme est seule, sans une tierce personne avec qui discuter de la situation. Julia vire l’équivalent de 5 000 euros vers cet IBAN. "Ça dure une heure d’appel. Il raccroche après avoir pris un rendez-vous téléphonique le lendemain matin pour vérifier que l’argent est bien revenu sur mon compte. Je ne me sens pas bien, mais en même temps soulagée de raccrocher car je me sentais oppressée lors de l’appel", confie Julia.
"Vous avez été escroquée madame"
Mais à 20 heures, le téléphone de Julia sonne de nouveau. Cette fois, c’est le service des fraudes de la Caisse d’Epargne, soupçonnant une escroquerie. "Je leur dis que j’ai déjà eu un de leur collègue, ils me demandent de donner son numéro. Je commence par 06 et la personne du service des fraudes me coupe : 'Vous avez été escroquée madame, la banque ne vous contactera jamais avec un 06'. C’est la douche froide. "Je fonds en larmes, je réalise la manipulation dont j’ai été victime".
Aussitôt, le service des fraudes signale les trois transactions. Par miracle, l’argent était encore en transit et n’était pas arrivé sur le compte escroc. Car une fois qu’il est sur le compte, il est impossible à récupérer. Pour le moment, Julia est encore sous le choc. Elle a porté plainte pour escroquerie auprès de la gendarmerie de Grenoble. "Ça m’a traumatisée, à chaque 06 qui m’appelle, j’ai le cœur qui se serre. Ça n’arrive pas qu’aux vieilles personnes ! Si je n’avais pas eu cette vraie amende à payer je n’aurais jamais cliqué sur ce lien. Ce sont ces circonstances hasardeuses qui mettent dans des situations très stressantes, où l’on n’arrive plus à réfléchir".
Des arnaques qui se multiplient
Ces arnaques au conseiller bancaire se multiplient, avec toujours ce même mode opératoire. Aussi appelé spoofing, elle consiste à manipuler la victime en la poussant à effectuer des opérations pour vider ses comptes. En 2023, 411 700 victimes ont déposé plainte pour escroqueries et fraudes aux moyens de paiement, contre 250 900 en 2016 selon les données du ministère de l'Intérieur.
Julia rappelle qu’il ne faut jamais cliquer sur un lien reçu par SMS ou mails et toujours vérifier l’URL des sites, même ceux qui semblent officiels. En cas d’appel d’un prétendu conseiller, il faut toujours contacter sa banque pour s’en assurer. Il ne faut également jamais communiquer d’informations confidentielles.
* Le prénom a été modifié à la demande de la personne.