Onze artistes, anciens militaires, blessés psychiquement par la guerre, exposent leurs œuvres au Fort Barraux, en Isère jusqu'au 5 novembre. Ces œuvres, ils les ont réalisées dans le cadre de leur prise en charge au sein de maisons Athos, des maisons d'accueils pour les militaires blessés psychiques. Une façon de les accompagner dans leur reconstruction.
"L’art, c’est mon exutoire, il n’y a que ça qui fait qu’aujourd’hui, j’arrive à me vider la tête, je ne pense plus à mes missions."
L’art comme thérapie. Sculpter, peindre, dessiner, pour se libérer et pour se soigner aussi. Depuis mi-octobre au Fort Barraux, des artistes blessés psychiquement par la guerre, exposent leurs œuvres. Parmi eux, il y a Jonathan. Lui, il sculpte avec des matériaux récupérés en déchetterie, de l’acier principalement. Un brin fier, un brin timide, il nous présente une de ses œuvres : "C’est Médusa, une de mes plus grosses pièces, confie l’artiste, elle est faite à partir de métaux récupérés essentiellement en déchetterie, donc tout ce qui est plaque d’embase, des chutes d’acier aussi et la base de cette sculpture, c’est un bol en inox."
Difficile reconstruction
Pendant six ans, il a été mobilisé sur des opérations à l’étranger. Au Tchad, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan et en Centre Afrique. Après cette dernière mission, il a quitté l’armée, mais elle ne l’a jamais vraiment quitté. Pendant longtemps, Jonathan est rongé par des images du front et de ses frères d’armes, mort au combat.
Alors depuis deux ans, il est membre de la maison Athos, une maison d’accueil de jour pour ces militaires, victimes de traumatisme : "Je suis arrivé, j’étais au plus mal, confie l’artiste, c’était très difficile, c’est un passage très difficile quand on se sent seul, j’étais au plus mal. Ils m’ont aidé à retrouver confiance en moi avec les gens dans une simple discussion parce que je parlais à plus personne, je vivais reclus chez moi depuis des années, j’allais au travail sans parler à personne."
Retrouver un lien social
Au sein de cette maison, la prise en charge est non médicalisée, elle vient en complément d’un parcours de soin. Ici, chaque jour, des activités sont proposées aux membres pour les aider à aller de l’avant : "L’art n’est qu’un outil parmi tant d’autres qui permet aux membres d’avancer sur leur chemin de réhabilitation, d’autres utilisent le sport, d’autres l’équitation, on soutient chacun des membres en fonction de leur besoin, et nous nous ne sommes qu’un outil et la béquille qui leur permettra d’avancer," précise René Debuire, le directeur de la maison.
C’est donc dans ce lieu de vie, que l’idée de l’exposition a germé dans la tête de Jonathan. Accompagné par Corinne Penin, artiste plasticienne, ils ont travaillé, pendant plusieurs mois, à libérer la fibre artistique, d’anciens militaires, membres de maisons Athos :"Ils ont une capacité à exprimer ce qu’ils ont au fond des tripes de manières très brutes et très fortes, on ne passe pas par des codes de l’art, on passe par l’émotion du blessé donc il y a vraiment une force d’expression et de création de leur part qui est remarquable," ajoute Corinne.
Exister autrement
Aux côtés de Jonathan, 10 autres artistes, membres de maisons Athos ont accepté d’exposer leurs œuvres au fort Barraux. Un premier pas, difficile pour certains, vers le chemin de la reconstruction. Mais voilà, c’est ça avancer, un parcours semé d’embellies et aussi d’embûches, dont il faut savoir se relever jusqu’à se retrouver pour enfin réussir à exister autrement qu’en combattant : "J’apprends à savoir qui je suis aujourd’hui parce que je suis toujours resté dans l’idée de dire, je suis un combattant alors qu’aujourd’hui non, je suis un artiste", conclut Jonathan, un tantinet plus confiant.
L’exposition "des théâtres d'opération aux salles d'expositions" au Fort Barraux est à voir jusqu’au 5 novembre 2023. Le samedi et le dimanche de 14h à 18h.