Les urgences, ce n'est pas automatique. Au CHU de Grenoble, les professionnels de santé rappellent aux patients qu'il faut contacter le Samu avant de venir à l'hôpital. L'afflux de personnes "mal orientées" vient se greffer sur un manque chronique d'effectifs. Résultat : les médecins sont débordés et la prise en charge rallongée.
"Les hôpitaux ne peuvent pas prendre tout le monde, surtout l'été, avec le manque d'effectifs actuel. Parfois, on ne se rend pas compte, mais en allant directement à l'hôpital, on ne va pas au bon endroit".
Damien Viglino ne sait plus où donner de la tête. Cet été, les patients affluent. Jusqu'à 190 passages par jour pour trois médecins. En l'absence de leurs généralistes partis en vacances ou d'examens pour lesquels ils ne trouvent pas de rendez-vous, les malades ont un réflexe : venir à l'hôpital.
Un tiers de patients "mal orientés"
"C'est difficile à estimer, mais on pense qu'il y a, à peu près, un petit tiers de personnes qui se présentent et qui auraient pu être prises en charge ailleurs", indique le chef du centre des urgences du Centre Hospitalier Universitaire Grenoble-Alpes.
"Il y a plusieurs hôpitaux sur le territoire, des maisons médicales, des maisons de santé pluridisciplinaires, des structures comme SOS Médecins, des cliniques, certains services d'urgence. Donc il faut appeler le 15", dit-il, pour obtenir la prise en charge la plus adaptée.
L'effet pervers de la loi Rist sur le salaire des médecins intérimaires
La situation est à la limite de l'ingérable pour les urgences de Grenoble. Depuis un an, l'hôpital fait face à un problème chronique de manque de personnel.
"Certains lits sont fermés par manque d'infirmiers, donc quelqu'un qui a besoin d'être hospitalisé attend un peu plus une hospitalisation. Cela engorge les services d'urgence. Pour s'adapter, depuis un an, on a utilisé des médecins intérimaires qui, malheureusement, ne viennent plus, depuis l'entrée en vigueur assez brutale de la loi Rist", déplore Damien Viglino.
Cette loi, entrée en vigueur début avril 2023, plafonne les indemnités des médecins qui viennent effectuer des gardes ponctuelles. Ces derniers ne peuvent plus négocier leurs salaires. Voulue pour endiguer "un développement hors de contrôle" et des "dérives", la législation s'avère contre-productive dans les établissements en tension, d'après l'urgentiste grenoblois.
Parfois, on fonctionne en situation encore plus dégradée avec deux médecins dans la nuit pour voir 70-80 patients en plus des patients qu'il faut continuer à gérer"
Damien Viglinochef des urgences du CHU de Grenoble
"On n'a plus aucun médecin intérimaire qui vient donner un coup de main. On est en sous-effectif médical. Encore une fois, ce n'est pas spécifique au CHU de Grenoble mais on fonctionne avec des médecins en moins la journée, et des médecins en moins la nuit. Parfois, on fonctionne en situation encore plus dégradée avec deux médecins dans la nuit pour voir 70-80 patients en plus des patients qu'il faut continuer à gérer", alerte le responsable des urgences.
"Cela ralentit les choses et ça implique que certains patients sont pris plus tard que d'autres parce qu'on est obligés de prendre les patients les plus sévères : la cardiologie urgente, la neurologie, les défaillances vitales, etc.", complète-t-il.
"Les urgences, c'est pas une évidence"
Une grande campagne de sensibilisation est menée par l'Agence régionale de Santé d'Auvergne-Rhône-Alpes pour encourager les patients à adopter les bons réflexes durant l'été (voir tweet ci-dessus).
Le centre de régulation du Samu 38 réceptionne 2000 appels par jour et seulement 10% sont orientés vers un service d’urgences, preuve que d'autres prises en charge sont possibles.
"Il y a une évaluation de la gravité qui est faite par un assistant de régulation médicale. Il va pouvoir, soit vous passer un médecin urgentiste si c'est grave pour pouvoir envoyer des moyens de secours rapidement, soit un médecin généraliste si ça relève de la permanence de soins", explique Guillaume Debaty, en charge du centre de régulation SAMU 38.
"Il pourra vous orienter sur un service d'urgence si cela le nécessite, sur une consultation médicale rapidement ou sur une consultation médicale différée le lendemain ou à 48 heures", détaille le médecin.
Un coup de fil au 15 passé depuis l'hôpital
En attendant que l'appel au 15 devienne un réflexe, le service des urgences du CHU de Grenoble s'est adapté. Désormais, un triage des patients s'opère dès l'accueil.
"L'infirmier d'accueil peut voir la personne, prendre les paramètres vitaux mais aussi appeler le Samu pour qu'un médecin évalue la situation", indique Damien Viglino.
"Cela a permis de stabiliser le nombre d'entrées, ce qui est déjà pas mal parce que l'on sait que d'autres endroits ont augmenté leur taux d'admission. Nos efforts servent à quelque chose", conclut le médecin urgentiste.
Les personnes sourdes ou malentendantes doivent, elles, contacter le 114.