Marbrier à Grenoble depuis 25 ans, Martial Paul entre dans la période la plus chargée de l'année à quelques jours de la Toussaint. Une fête moins célébrée qu'autrefois que ces professionnels ont vue évoluer, tout comme les pratiques funéraires auxquelles ils se sont adaptés.
De toutes les professions qu'il a exercées, la marbrerie est son métier de cœur. Une affaire de famille pour Martial Paul, à la tête de sa propre entreprise, à Grenoble, depuis 25 ans. À l'approche de la Toussaint, la période la plus chargée de l'année pour ces professionnels du funéraire, l'urgence se fait sentir.
"La dernière ligne droite pour nous, marbriers, c'est le moment où l'on peut encore travailler dans les cimetières avant la fermeture, et surtout avant la Toussaint. Le couperet va tomber. Si on n'a pas fini les travaux qu'on a promis pour les familles, ça sera compliqué. Il y a surtout un devoir moral", explique-t-il.
Il s'agit de vite poser les derniers monuments et terminer les travaux en cours. Les tombes et leurs ornements doivent être prêts pour le 1er novembre. Alors Martial Paul arpente les allées du cimetière Saint-Roch dont il connaît chaque recoin, chaque sépulture.
"Évolution des mentalités"
"Là, c'est un monument qui vient d'être nettoyé. Au départ, la pierre était noire et une fois qu'elle est nettoyée, ça donne ce rendu", dit-il en désignant une tombe immaculée entourée d'autres noircies par le temps. "Aujourd'hui, on accorde moins d'entretien aux sépultures qu'autrefois, c'est indéniable. Ce n'est pas qu'on a moins de travail mais les choses sont différentes."
En deux décennies, le marbrier a vu les mœurs changer. La concurrence des crématoriums et la crise financière ont affecté ces professionnels qui se font de plus en plus rares. Leurs pratiques, elles aussi, ont dû évoluer.
"On faisait des monuments plus luxueux autrefois. Maintenant, les gens accordent moins de budget au funéraire. Il y a eu une évolution des mentalités", remarque-t-il. "L'éclatement des familles fait qu'on ne fabrique plus de monuments funéraires familiaux non plus. On fait un monument pour les parents et les enfants ne viennent pas se faire inhumer là où ils ont vécu."
Des souvenirs pas si tristes
La fête de la Toussaint, autrefois largement célébrée, a également perdu de sa résonnance. "Il y a 20 ans, j'avais une équipe de dix personnes et on les faisait tourner en 'deux fois huit'", se souvient Martial Paul qui, à 65 ans, envisage bientôt de tourner la page et de rendre son tablier.
Resteront les souvenirs, ceux qui ne s'oublient pas, comme ces photos de plaques funéraires consignées dans un album : "Enfin je dors...", "Circulez ! Nous ne sommes pas du même monde", "C'est la lutte finale !", "J'peux pas, j'ai poney", "À moi-même", "Pas plus haut que le genou", peut-on y lire.
"On a des gens qui, tout au long de leur vie, ont été des plaisantins, des gens qui ont eu de l'humour et qui l'ont conservé jusqu'au dernier moment", sourit le marbrier en feuilletant son carnet. "C'est un côté humoristique dans notre métier qui fait que ce n'est pas toujours triste."