Toute petite déjà, Agathe Martin savait ce qu'elle voulait. À deux ans et demi, elle a enfourché pour la première fois un poney. Quelques années plus tard, elle est sélectionnée en équipe de France junior. En grandissant, celle qui avoue ne pas aimer perdre, a développé un vrai amour de la compétition. Lors du Horse Lille event au Grand Palais le 14 décembre 2024, elle a ébloui ses pairs. Désormais, l'équitation française devra compter avec elle.
À la seconde où elle est entrée en piste, même sa maman a été surprise par sa détermination. Agathe Martin et Chacelle, une jument de 14 ans, n'ont pas failli. Au contraire. C'était pourtant la première fois que l'athlète de 19 ans était retenue pour le Grand Prix d'un Concours de saut international de niveau 3 étoiles, au "Lille Horse event".
Un sans-faute
Lors de la première manche, à Lille Grand Palais, le couple a enchaîné les sauts, réalisant un sans-faute. Là où bien des cavaliers aguerris les avaient multipliées avant eux. La jeune femme et sa monture ont juste écopé d'une pénalité pour avoir dépassé le temps imparti de 26 centièmes de secondes.
Aurore Thiebeau-Martin, sa maman, raconte : "C'était déjà un succès, un vrai cadeau, d'être sélectionnée parmi les 40 cavaliers du concours - il devait y avoir 150 demandes. C'était une première pour un CSI 3 étoiles, elle a bénéficié d'un geste de l'organisation parce qu'elle est un espoir de la discipline, et en équipe junior de France junior depuis ses 13 ans". Elle poursuit, fière de sa fille : "Elle a franchi un nouveau palier, réalisant un sans-faute, franchissant des obstacles d’1 mètre 50. Sa sélection sur ce concours prestigieux était déjà une énorme récompense."
Sur ce jumping, elle affrontait des cavaliers expérimentés venus de France, de Belgique ou des Pays-Bas. Mais aussi de grands noms de l'équitation comme Nicolas Delmotte, Alexis Deroubaix ou Philippe Rozier.
19 ans et tout d’une grande
Et puis Agathe peut s'enorgueillir d’avoir fait "mieux" que son coach, Guillaume Foutrier, qui a touché deux barres. "C'était incroyable", raconte la jeune femme. "J'appréhendais parce que je savais ce qui m'attendait. J'étais la plus jeune, je savais qu'avec mon peu d'expérience à ce niveau ça allait être difficile. Il fallait que je sois à 3000 %. J'étais concentrée pour faire mon parcours au millimètre près." À l’issue du concours, elle s’est classée 9e, dans le top 10. Une belle réussite.
J'étais la plus jeune, je savais qu'avec mon peu d'expérience à ce niveau ça allait être difficile. Il fallait que je sois à 3000 %.
Agathe Martin
Sa mère le reconnaît, elle n'a pas vécu le moment de la même manière. "Quand je l'ai vue, je me suis dit tout va bien se passer. On sentait qu'elle était là, bien dans son rôle de cavalière, sans prétention. Mais pour moi, ça a été les deux minutes les plus longues et les plus horribles de toute la journée. J'étais en apnée, je le vivais avec elle. Performer là, c'était unique. C'est une grosse fierté pour la famille", confie Aurore.
Depuis ses 13 ans, Agathe parcourt les compétitions de saut d'obstacles avec l'équipe de France junior. Le sélectionneur de l'équipe de France sénior était présent au Grand Prix du "Lille Horse event", une pression de plus pour la cavalière.
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Toute sa vie
Elle le reconnaît, Agathe a eu de la chance. Que ses parents la suivent alors qu'aucun d'entre eux ne faisait de l'équitation ni ne fréquentait ce milieu.
Elle n'avait pas trois ans quand elle a rêvé pour la première fois de monter un équidé. Elle a traîné ses parents devant les poneys d'un centre équestre jusqu'au jour où le moniteur, qui lui avait gentiment expliqué qu'elle était trop petite, a cédé. "Elle n'est plus jamais vraiment redescendue", concède sa maman.
Pourtant, personne autour d'elle ne pratiquait l'équitation. Pire, sa mère a peur de monter à cheval "J'ai peur, le vertige, même au pas. Le cheval, j'adore, mais monter dessus, ce n’est pas possible !", rigole-t-elle.
Le bac en poche, Agathe a consacré ces derniers mois à sa passion. Histoire d'assurer ses arrières, elle vient de s'inscrire en faculté de droit. Mais son quotidien, ce sont ses quatre chevaux, qu'elle monte à Mouchin (Nord). Ses parents tiennent un restaurant à Wambrechies (Nord) et son papa a participé à l'émission Koh Lanta, deux fois, il y a quelques années.
"Je montre à cheval tous les jours, toute la journée, au minimum six heures", précise l'athlète. "L'entraînement varie en fonction des chevaux, de leur âge, de leur forme. Chacelle est celle avec qui je concours le plus, Copacabana est encore jeune, elle a besoin de se former, elle a besoin d'expérience, de monter en puissance."
Et puis très vite, elle évoque sa jument chouchou, Chacelle, 14 ans avec qui elle a concouru lors du Lille Horse event. "Elle m'a offert une belle saison et une très belle fin de saison. Elle est spéciale, on a une connexion toutes les deux. Elle a du caractère comme moi. Je me reconnais en elle, elle n'a pas toujours envie de faire ce qu'on lui demande, elle est atypique, c'est ça qui la rend extraordinaire".
Même en compétition, Agathe a des gestes tendres envers ses chevaux : "C'est hyper important pour moi, je leur parle tout le temps, j'ai l'impression qu'ils me comprennent, qu'ils me répondent. Ils me rendent ce que je leur donne, je pense ", confesse-t-elle.
Esprit de compétitrice
Les chevaux sont sa passion, mais ils vont avec l'esprit de compétition de la jeune femme. Elle se souvient "J'ai rapidement eu une médaille en championnat de France en poney, à 7 ou 8 ans. Je crois que mon esprit de gagnante et de compétitrice vient de là. Je ne me vois pas sans l'enjeu de la compétition et le haut niveau".
Elle le confie, elle n'aime pas perdre. Et sous ses airs un peu réservés, elle avoue : "Je rêve de Coupe du monde, des plus gros concours et, comme 80 % des cavaliers des Jeux Olympiques !".
Los Angeles en 2028 ? Elle y pense, bien sûr. Mais regrette : "ce sera peut-être un peu trop vite pour moi, les cavaliers sont nombreux à vouloir être sélectionnés".
J'ai besoin d'être avec les chevaux et de faire de la compétition pour aller toujours plus haut.
Agathe Martin
Des chutes, elle en a fait. Beaucoup. Parfois avec blessures. Elle s'est cassé le nez deux fois, la clavicule, les ligaments croisés. Pas de quoi la décourager : "C'est inné chez moi, j'ai besoin d'être avec les chevaux et de faire de la compétition pour aller toujours plus haut."
Sa mère complète "il n'y a que le sport qui offre de telles émotions, ce n'est pas descriptible tellement ça nous prend aux tripes, tellement la joie est immense quand elle gagne".
À la question de la rivalité avec son papa, compétiteur dans l'âme, elle nie. "C'est de la motivation, un encouragement, je suis très énervée quand je n'y arrive pas, quand les choses ne se passent pas comme je le souhaite." Après un repos hivernal, Agathe, Chacelle et Copacabana espèrent briller à nouveau lors des championnats de France et d'Europe en 2025.