Près d'une centaine d'infirmiers anesthésistes ont manifesté ce lundi matin devant le CHU Grenoble Alpes pour demander la reconnaissance statutaire et salariale de leur spécialité, en mal de visibilité, alors qu'ils sont mis en première ligne lors des pics d'hospitalisation de patients Covid.
Ils font partie des soignants de l'ombre, ceux dont les patients se souviennent rarement, puisqu'ils les côtoient au moment de s'endormir sur la table d'opération.
Avec la crise sanitaire, les infirmiers et infirmières anesthésistes ont quitté les blocs "pour monter parfois des salles de réanimation temporaires". Une autonomie vantée par le corps médical mais dévalorisée en terme salarial, selon eux. Un manque de considération qui ne passe plus.
Sur le parvis du CHU de Grenoble Alpes, ils étaient donc près d'une centaine à se retrouver vers 9h ce lundi matin pour faire part de leur ras-le-bol, et répondre à l'appel à la grève du syndicat national de la profession. Parmi eux, une cinquantaine d'Infirmiers Anesthésistes Diplômés d'Etat (IADE) du centre hospitalier, mais aussi de Voiron ou de Chambéry, en repos ou en congés. Les autres ont été "assignés", autrement dit réquisitionnés par l'hôpital pour assurer leur mission.
13 euros de plus pour deux ans de formation supplémentaire
Depuis un an, ils ont été redéployés en réanimation, au chevet des patients atteints par le Covid. "On est retourné en réa, pendant la crise Covid. Aujourd'hui, on a le sentiment d'avoir été utilisés et ensuite jetés comme des kleenex en termes de reconnaissance", confie Yoann Zafiriou.
"On nous a donné 13 euros de plus qu'un infirmier en soins généraux dans le Ségur 2 de la santé, pour deux ans d'études supplémentaires. On risque de devenir une profession en voie d'extinction", ajoute le soignant. "Qui voudra faire 1500 heures de formation supplémentaire pour 13 euros ?"
En avril dernier, le refus par l'Assemblée nationale et des députés LREM de leur reconnaître un statut équivalent à celui d'infirmiers de pratique avancée (lors du vote de la loi Rist visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification) a été vécu comme un nouveau camouflet.
"Il n'y a pas assez de reconnaissance, on n'a pas les mêmes grilles salariales que les infirmiers de pratique avancée alors qu'on a le même nombre d'années d'études et on pense avoir une autonomie qui s'en rapproche", poursuit l'infirmier anesthésiste grenoblois. "On est supervisé certes, mais le médecin anesthésiste est sur deux trois salles en même temps. Nous, on assure l'anesthésie du patient du début à la fin".
La réquisition des étudiants en question
"C'est une reconnaissance statutaire qui tarde à venir. Olivier Veran nous discrédite complètement par rapport à nos compétences", renchérit Thomas Templier, du syndicat national des infirmiers anesthésistes.
Autre point de crispation : la réquisition des étudiants infirmiers anesthésistes durant les différents épisodes de pics d'hospitalisations durant la crise sanitaire. "Nos étudiants ont été interrompus trois fois dans leur formation pour retourner dans les réanimations", explique Yoann Zafiriou, qui est également formateur. "Mais ils ne sont pas rémunérés par le Segur de la santé, alors qu'ils sont salariés de nos hôpitaux".
Une cinquantaine d'élèves infirmiers anesthésistes s'est donc joint à la manifestation, ce lundi.
"Au bout d'un moment on ne peut pas augmenter ce temps de réquisitions ad vitam eternam. Il faut trouver d'autres solutions et on ne peut pas réquisitionner les étudiants de spécialité à chaque fois qu'il y a un problème. On n'est pas une variable d'ajustement. Le problème de ressources humaines, il est chronique à l'hôpital", ajoute Charline Sery, de l'association des étudiants infirmiers anesthésistes de Grenoble.
Mobilisation devant l'ARS à Lyon
"Nos compétences ont été révélées au grand jour pendant cette crise", insiste Luc Baetz, infirmier anesthésiste à l'hôpital de Chambéry. Il s'est rendu ce lundi après-midi avec une dizaine de collègues devant le siège de l'Agence Régionale de Santé à Lyon pour "mettre une pression supplémentaire sur le gouvernement".
"On demande seulement une reconnaissance statutaire et salariale à la hauteur de notre niveau d'études et de responsabilité", conclut le soignant savoyard.