La start-up iséroise Grapheal a développé un capteur portable permettant de détecter les PFAS, dits "polluants éternels", dans l'eau courante. Ce dispositif, destiné au grand public, permet d'obtenir des résultats en quelques minutes sur une tablette ou un smartphone.
Dans quelle mesure les "polluants éternels" contaminent-ils l'eau potable ? Une start-up iséroise a mis au point un capteur portable permettant de détecter la présence dans l'eau des substances per- et polyfluoroalkylées, appelées PFAS.
Ce capteur électronique, de la taille d'une carte de crédit, se destine aux professionnels comme aux particuliers pour démocratiser la détection de ces molécules dans l'eau courante. Les résultats sont rapidement consultables sur une tablette ou un smartphone.
"Il s'agit d'un capteur de terrain que tout le monde pourrait utiliser, du consommateur à son robinet aux professionnels sur le terrain. Mais au lieu de mesurer l'échantillon ex situ, cela pourrait être fait sur place", résume Vincent Bouchiat, président de l'entreprise Grapheal, basée à La Tronche (Isère), spécialisée dans les biocapteurs.
Les PFAS, considérés comme "la plus grande menace chimique au XXIe siècle" par certains experts, constituent une famille d'environ 12 000 substances quasi-indestructibles. Celles-ci s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain.
Cartographier les eaux polluées
Pour l'heure, seule l'analyse d'un échantillon en laboratoire permet de déterminer si ces polluants sont présents dans l'eau. Le détecteur développé par Grapheal, en collaboration avec des chercheurs du laboratoire Edytem, unité mixte du CNRS et de l'université Savoie Mont-Blanc, permet d'obtenir les résultats en quelques minutes.
"Avec ce dispositif, on peut vraiment aller vers de la détection simple, chose qu'on ne pouvait pas faire par le passé. (...) Développer des capteurs portables, c'est fantastique si on y arrive", estime Guy Royal, électrochimiste et chercheur au laboratoire Edytem. Le capteur ne permet cependant pas de déterminer avec précision les concentrations de ces molécules dans l'eau.
"Notre objectif n'est pas de donner un taux très précis, en tout cas pas aussi précis que les techniques d'analyse actuelles. Par contre, on pourra donner l'alerte sur certains secteurs pour conduire des analyses plus poussées derrière", ajoute Guy Royal. Les chercheurs se sont intéressés à une liste de 20 PFAS jugés prioritaires par les autorités et cherchent à les rendre détectables par le capteur.
Mais il s'agit d'un travail au long cours, chaque molécule étant différente. Le dispositif a montré des premiers résultats concluants avec le PFOA, une molécule longtemps utilisée par l'industrie pour les revêtements anti-adhésifs des ustensiles de cuisine ou dans certains emballages alimentaires.
Une levée de fonds en cours
"Le processus qu'on utilise est suffisamment générique pour qu'on puisse avoir des chances avec les autres molécules, mais cela reste à prouver", explique le président de Grapheal. "Il existe plus de 10 000 PFAS, c'est toute la difficulté à l'heure actuelle. Quelle que soit la méthode d'analyse, il y en a beaucoup et on ne peut en détecter que certains", complète Guy Royal.
Le fonctionnement du détecteur se limite pour l'instant à l'eau potable, mais les chercheurs travaillent à des ajustements pour l'étendre à des milieux pollués. Le dispositif, dont le coût est estimé autour de 10 euros, pourrait mis sur le marché rapidement. Grapheal est en quête de partenariats pour industrialiser la production.
"Les capteurs sont conçus dans un atelier avec des conditions certes intéressantes, mais limitées en termes de productivité. Une levée de fonds est en cours pour industrialiser et faire une usine", complète Vincent Bouchiat qui souhaite dans un premier temps cibler les professionnels avec cette innovation, avant de s'étendre vers le grand public. La start-up envisage de commercialiser son dispositif en 2025.