Combien de victimes "le violeur à la trottinette" a-t-il fait dans l'agglomération grenobloise ? Et depuis quand ? Alors que l’enquête porte pour le moment sur sept faits en 2024, deux autres victimes présumées ont décidé de témoigner auprès de France 3 Alpes. Pour l'une d'entre elles, les faits remontent à l'été 2022, il y a près de deux ans. Le point sur l'enquête en quatre questions.
Après avoir été recherché activement pendant plusieurs semaines, un homme de 22 ans, originaire de Fontaine en Isère, est en garde à vue depuis ce vendredi 5 avril en fin d'après-midi, dans l’affaire dite du "violeur à la trottinette". Ce dernier est soupçonné d’être l’auteur d’une série de viols et d’agressions sexuelles dans l’agglomération grenobloise.
Après 48 heures de garde à vue, le mis en cause va être déféré ce dimanche en fin d'après-midi au palais de justice de Grenoble où il sera entendu par le parquet avant d'être présenté à la juge d'instruction puis au juge des libertés et de la détention. Selon toute vraisemblance, le mis en cause devrait être placé en détention provisoire, ce dimanche soir, au terme de son défèrement.
Le procureur de la République de Grenoble tiendra une conférence de presse, à suivre en direct sur le site internet de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes ce lundi matin à partir de 9h30.
Sur quels faits porte l'information judiciaire ?
Sous la direction d'une juge d'instruction, l'enquête est menée dans le cadre d'une information judiciaire, ouverte le 29 mars dernier par le parquet. Elle porte sur les sept faits suivants :
- 8 février 2024 : violences à Grenoble,
- 8 février 2024 : tentative d'extorsion à Saint-Martin-le-Vinoux
- 17 février 2024 : violences avec armes à Grenoble,
- 17 février 2024 : agression sexuelle à Grenoble,
- 11 mars 2024 : viol à Grenoble,
- 16 mars 2024 : viol à Saint-Martin-d’Hères,
- 16 mars 2024 : tentative de viol à Grenoble.
Quels éléments matériels ?
Selon le procureur de la République, une expertise ADN a permis d’imputer au suspect "de façon sûre", l’un des viols. "A ce stade, l’enquête se poursuit sur les autres faits" a-t-il tenu à préciser ce 6 avril 2024.
Mais selon nos informations, plusieurs éléments matériels permettraient d'ores et déjà de "relier" le suspect à certains des faits reprochés.
En plus de l'ADN du suspect retrouvé sur une des victimes de viol, sa trottinette électrique est en effet au centre des investigations depuis le début de l'enquête. Selon une source proche du dossier, celle-ci présente des équipements très spécifiques, notamment lumineux. Des éléments distinctifs et donc très facilement reconnaissables par les victimes mais aussi par les enquêteurs qui sont parvenus à les repérer sur des images de vidéosurveillance captées dans un tramway.
Selon la même source, le bornage téléphonique a également permis d'attester de la présence du smartphone du suspect en pleine nuit, près des lieux où certaines agressions ont été commises.
Quel mode opératoire ?
Celui que le procureur de la République Eric Vaillant a surnommé "l'homme à la trottinette" est un individu "de type européen, sans accent, d’environ 1m70 et de corpulence normale voire légèrement replet, yeux marron, teint pâle et cheveux plutôt roux" qui agit seul, entièrement vêtu de noir et le visage partiellement dissimulé, selon les témoignages des victimes, a précisé le parquet.
Il repère ses victimes, parfois devant des bars ou des boîtes de nuit du centre-ville de Grenoble, mais aussi dans les communes voisines de Saint-Martin-d'Hères et Saint-Martin-le-Vinoux.
L'homme suit ensuite ses victimes, "des jeunes femmes âgées de 20 à 27 ans", avec sa trottinette électrique noire, jusque devant leur domicile, "avant de les agresser", a détaillé le procureur de la République Eric Vaillant.
Y a-t-il d’autres victimes présumées ?
Depuis la médiatisation de cette affaire, plusieurs femmes ont décidé de témoigner auprès de France 3 Alpes, se disant elles aussi victimes de cet "homme à la trottinette".
Tout d’abord, Julie*, qui pourrait être une huitième victime du suspect. La jeune femme de 20 ans affirme avoir été violemment agressée entre Grenoble et Echirolles dans la nuit du 16 au 17 décembre 2023, soit près deux mois avant le premier des faits pour lesquels la juge d'instruction est actuellement saisie, et bien avant que naisse le vent de panique autour de cette affaire.
Cette dernière a porté plainte le 4 avril pour agression sexuelle, dans l’espoir de contribuer à l’identification de l’agresseur. Jusque là, elle avait "enfoui cette histoire", se croyant victime d'un acte isolé. Ce sont les témoignages des autres femmes qui l'ont finalement convaincue de se rendre au commissariat : "C'est là que j'ai pris conscience de la gravité de la situation. Un roux à trottinette qui suit des femmes et les agresse, ce n'est pas tous les jours à Grenoble (...) Je pourrais le reconnaître tout de suite par son regard. Un regard noir.", nous confiait Julie il y a quelques jours.
Lorsqu'elle a appris ce samedi qu'un homme de 22 ans avait été placé en garde à vue, Julie s'est exprimée auprès de France 3 Alpes : "C'est un soulagement car nous vivrons moins dans la paranoïa lorsque l’on croise des gens en trottinette ou des personnes rousses. Moi, je voudrais le voir au tribunal et qu’il prenne la peine qu’il mérite".
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Elodie* a elle aussi décidé de nous contacter, ce 6 avril 2024, près de deux ans après avoir déposé plainte contre X pour agression sexuelle. Elle pourrait être une neuvième victime du suspect.
Pour cette Iséroise aujourd’hui âgée de 24 ans, aucun doute : le "violeur à la trottinette" l’a agressée le 1er juillet 2022 alors qu’elle se rendait au travail aux alentours de 4h30. "Ce que j’ai vécu en 2022 colle mot pour mot avec ce que ces femmes décrivent (...) Un homme est arrivé derrière moi en trottinette électrique, m’a attrapé les fesses avec ses deux mains, m’a poussée contre le mur et a mis une main sur l’un de mes seins avant de repartir, décrit la jeune femme. "J'en suis sûre et certaine, c'est la même personne."
Depuis les faits, Elodie confie : "Dès que je suis dehors, seule le soir et qu’il fait nuit, je ne suis pas loin de la crise d’angoisse. Dès qu’un vélo ou une trottinette passe près de moi, j’ai peur".
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Les deux jeunes femmes disent avoir échappé au pire et espèrent que leur prise de parole permettra à d’autres victimes présumées de témoigner à leur tour.
Pour le moment, les plaintes de Julie et d'Elodie n'ont pas été jointes à l'information judiciaire. La juge d'instruction n'est donc pour l'instant saisie que pour les sept faits initiaux. Mais selon nos informations - vu les similitudes concernant le profil de l'agresseur, les faits dénoncés, les lieux de leur commission et le mode opératoire employé - ces deux "nouveaux" témoignages pourraient être ajoutés au dossier d'instruction dans les prochains jours.
*Les prénoms ont été modifiés