Le programme grenoblois Expedition 5300 finalise ses recherches, débutées en 2023, sur la santé des enfants vivant en haute altitude. Quinze scientifiques et médecins, dont la mission s'achève ce 19 octobre, se sont rendus dans la ville la plus haute du monde, La Rinconada (Pérou) perchée à 5 300m d’altitude.

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Depuis 2018, médecins et chercheurs de l'Université Grenoble Alpes se rendent régulièrement dans la ville la plus haute du monde, La Rinconada, au Pérou, pour y étudier l'effet du manque d'oxygène sur les habitants. Située dans la cordillère des Andes, non loin de la Bolivie, la ville est perchée à 5 300 mètres. Ses habitants vivent avec deux fois moins d'oxygène qu'au niveau de la mer.

Après avoir analysé l'impact de l'hypoxie sur les populations adultes pendant cinq ans, l'équipe de Samuel Vergés, directeur de l'INSERM à Grenoble, a axé ses recherches sur la santé des enfants de cette ville de 50 000 habitants. Le chercheur étudie depuis dix ans les conséquences du manque d'oxygène sur le corps humain.

Défi logistique et humain

Les conditions de travail des scientifiques sont rustiques et contraintes par le froid, l'électricité et bien sûr, l'altitude. Les chercheurs souffrent du mal aigu des montagnes. "On peut avoir des maux de tête, des troubles gastro-intestinaux, de la fatigue et un sommeil perturbé", résume Samuel Vergés, le souffle court.

Dans cette ville isolée de la région andine péruvienne, les conditions de vie sont extrêmes et l'activité socio-économique principalement tournée autour de l'extraction minière. Toute la population, principalement Quechua et Aymara, dépend de la mine d'or, propriété d'une entreprise privée péruvienne.

Ce sont deux mondes qui se rencontrent et s'observent.

Samuel Vergés

responsable de l'Expedition 5300 et chercheur à l'université Grenoble-Alpes, Inserm.

Lors de la première expédition en 2018, il a fallu tisser des liens avec la population. "C'est à la fois riche et délicat. Pour beaucoup, ils n'avaient jamais vu de 'gringos', de blancs, donc ils sont plus méfiants, mais les liens qui se nouent sont très forts et la confiance mutuelle se crée petit à petit", précise le chercheur grenoblois. "L'infirmière du centre médical local fait beaucoup pour mettre la population en confiance", assure Samuel Vergés.

Anémie et troubles cognitifs

Les premières études scientifiques et médicales réalisées sur place portaient sur la santé des adultes de La Rinconada. Les résultats sont surprenants : leur sang est épais, visqueux, avec des taux de globules rouges qui dépassent tout ce qui a pu être mesuré sur les populations de haute altitude jusqu'à présent.

Pour autant, s'ils s'adaptent au manque d'oxygène, le cœur et les vaisseaux sanguins "forcent" beaucoup pour faire circuler le sang. Ainsi, 25 % de la population souffre du mal chronique des montagnes. Certains habitants peuvent ainsi développer des affections cardiovasculaires, respiratoires ou encore des troubles cognitifs.

Ces résultats ont poussé l'équipe à s'intéresser aux enfants péruviens vivant en haute altitude, exposés dès la naissance à des conditions extrêmes. "On regarde si les enfants développent les mêmes problèmes de santé à savoir une hypertrophie cardiaque, de l'anémie, des déficiences en fer", explique Samuel Vergés. Or, une anémie critique chez les enfants peut être délétère pour leur développement et leur croissance. Le cerveau est aussi particulièrement sensible au manque d'oxygène.

Les enfants vont à l'école et vont bien mais il y a un certain ralentissement dans les temps de réaction, des problèmes de mémoire visibles, ce que nous-mêmes ressentons en étant à cette altitude.

Samuel Vergés

directeur de recherche de l'INSERM Grenoble-Alpes

600 enfants observés

"C'est encore difficile de préciser l'âge exact mais généralement vers 8 ou 12 ans, les organismes sont déjà très marqués par les effets de l'altitude et des signes d'usure apparaissent", précise Samuel Vergés. L'objectif est donc de comprendre à quel moment les enfants prennent le chemin de pathologies déjà observées chez les adultes et comment aider les enfants.

L'équipe médicale prodigue des conseils d'hygiène de vie applicables au contexte socio-économique et géographique de La Rinconada. "Il y a une carence en produits lactés. Comme nous sommes en haute altitude, l'élevage n'est pas possible ici mais on essaie d'encourager les populations à avoir des stocks de ces produits", explique Samuel Vergés. À l’instar de beaucoup de pays dans le monde aujourd'hui, les enfants de La Rinconada ont aussi une alimentation trop sucrée, trop grasse et trop protéinée. "Les enfants peuvent jouer au football, font un peu de sport mais en haute altitude cela reste compliqué."

Au total, 600 enfants péruviens auront été évalués dans trois villes différentes et notamment à Lima, au bord de la mer, pour comparer les populations vivant en haute altitude à celle des plaines. 

Transposer les résultats au contexte européen

Le premier objectif est de venir en aide aux populations locales et d'apporter des données utiles aux institutions de santé péruvienne. "Environ 30 % de la population péruvienne vit à plus de 2 500 mètres d'altitude, or le gouvernement péruvien a peu de données sur la question de l'impact sur la santé de ses habitants", rappelle Samuel Vergés. L'expédition est soutenue financièrement par l'Ambassade de France au Pérou et conduite en collaboration avec les grandes universités péruviennes.

L'équipe souhaite aussi transposer ce contexte à des situations européennes. "Ce modèle de vie en hypoxie est très utile pour nous en France dans le cadre de recherches sur des maladies respiratoires comme l'insuffisance respiratoire ou l'apnée du sommeil. Nos patients souffrent d'un déficit d'oxygène alors qu'ils vivent au niveau de la mer", détaille le chercheur de Grenoble-Alpes.

Une fois rentrés en France, les chercheurs grenoblois analyseront les milliers d'échantillons sanguins et urinaires. "Là aussi, le transport sera un vrai défi logistique puisque les analyses doivent être transportées à -80°c", explique le directeur de l'expédition. Les chercheurs organiseront au Pérou une conférence à l'été 2025. De nouvelles publications scientifiques sont attendues au cours de l'année prochaine.

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