"Il y a des moments où on a envie de jeter l'éponge" : entre passion et découragement, le malaise des maires s'enracine

Les démissions d'élus locaux ont atteint, à mi-mandat, un niveau sans précédent. Aux origines de ce malaise, une fonction devenue chronophage et peu rémunérée. Malgré le découragement, certains élus s'accrochent à leur passion pour la vie locale.

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Au premier rang des incivilités, parfois cibles de violences, confrontés au manque de moyens et aux responsabilités. Le malaise des maires, tiraillés entre leurs difficultés et une certaine passion pour la fonction, semble prendre de l'ampleur. Le nombre de démissions de ces locaux s'élevait à 1 293 en avril 2023 depuis les dernières élections municipales, un niveau sans précédent selon l'Association des maires de France (AMF).

"On peut être appelé 24 heures sur 24, on a très peu de services support donc parfois, on est seul à prendre des décisions", décrit le maire de Flachères (Isère), Cyrille Madinier. "Il peut y avoir des moments où on a envie de jeter l'éponge, de baisser les bras, parce que c'est compliqué", confirme le maire de la commune iséroise d'Huez, Jean-Yves Noyrey.

Dans les petites communes, le maire est la figure que les habitants sollicitent pour répondre à diverses difficultés, y compris les plus déroutantes. "Je me suis déplacé pour rencontrer quelqu'un. Il voulait porter plainte contre le maire parce qu'il y avait des moustiques, souffle Roger Marcel, le maire d'Aoste (Isère). Ca fait sourire. Mais au bout d'un moment, il y en a marre."

Aux origines de ce malaise, l'AMF évoque notamment "un mandat chronophage de plus en plus difficile à concilier avec une vie personnelle et professionnelle" et "un découragement face à l’accroissement de la bureaucratie et des normes imposées par l’État".

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"Il y a des moments où on a envie de jeter l'éponge" : entre passion et découragement, le malaise des maires s'enracine ©France Télévisions

"Si j'ai cette responsabilité, ce n'est pas pour l'argent"

Des difficultés que confirment les premiers intéressés dont le rythme de vie est intense. "Même si j'ai un poste avec une modeste responsabilité, c'est gérable. Il y a toujours des imprévus, parfois dans la vie de famille, mais on peut s'organiser. Par contre, (...) il faut toujours laisser place à l'imprévu", souligne Pierre-Yves Bonnivard, maire (SE) de Saint-Colomban-des-Villards, en Savoie.

A 38 ans, ce directeur d’une structure d’insertion, également père de deux enfants, en est à son second mandat. Il s'occupe au quotidien des petits soucis de ses 143 administrés, de la fuite d'eau à un problème d'odeurs nauséabondes autour d'un container. "La vie d'une commune ne s'arrête jamais", sourit-il. Mais l'élu intervient aussi sur les accidents de la route, les risques naturels tels que les avalanches ou les crues dans une commune qui s'étend sur 86 km² en zone de montagne.

"Je touche 800 euros net d'indemnités par mois. La mairie, c'est 35 heures par semaine pour ma part. On est largement en dessous du Smic. Mais si j'ai cette responsabilité, ce n'est pas pour l'argent. C'est pour faire avancer les choses, répondre aux gens, être impliqué dans l'intérêt général et le collectif", poursuit l'édile qui dit comprendre le malaise de certains de ses collègues.

"Parfois, moi aussi je me pose la question", glisse Pierre-Yves Bonnivard. "J'ai vu les choses changer en 15 ans de mandat." Lui souhaite toutefois continuer son engagement au service de sa commune.  "Un maire, c'est aussi des relations humaines, ce n'est pas que des dossiers, que de l'administratif. C'est ce qu'on aime le moins faire en général."

Fonction multi-casquettes

"Être maire, c'est être garde champêtre, assistante sociale, parfois agent funéraire, c'est tout à la fois", constate pour sa part François Chemin qui effectue son quatrième mandat de maire de Fourneaux, commune de la vallée de la Maurienne (Savoie).

"Les gens viennent à la mairie en disant : 'je paye des impôts donc j'ai droit à ça'. La réalité, c'est qu'on est une communauté, on vit ensemble et il faut que chacun fasse des efforts. Le rôle de maire, c'est de faire l'intermédiaire pour faire en sorte que tout le monde se respecte", complète l'édile, soulignant le problème de moyens qui pèse sur certaines communes. 

"Quand il n'y a plus de sous, le métier de maire c'est surtout se faire engueuler sans pouvoir faire grand chose. Ca peut être rageant." Mais lui se veut enthousiaste et croit en l'importance de la mission.  "J'aime mon pays et j'aime être au service de mes concitoyens. J'aime être là, savoir ce qu'il se passe (...). Une fois qu'on a mis le doigt dedans, c'est la passion qui prend le relais."

L'AMF appelle pour sa part à la revalorisation des indemnités d’élu local pour toutes les communes afin de "stopper l’hémorragie". La Première ministre Elisabeth Borne a déclaré le 12 avril, lors d'une réunion avec les associations d'élus, que "les moyens de valoriser l’engagement des élus et de mieux les protéger face aux violences trop fréquentes dont ils font l’objet" figuraient à l'agenda du gouvernement.

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