La 33ème édition du festival des Arts du récit qui devait se tenir du 9 au 23 mai, en Isère, invite le public à retrouver une sélection d’histoires, de lectures et de podcasts en ligne. Parmi les conteurs invités, Jennifer Anderson propose une lecture des "Passeurs de livres de Daraya".
Les "Passeurs de livres de Daraya", l’incroyable histoire d’une bibliothèque clandestine découverte dans les décombres de la guerre en Syrie.
Tout est parti d’une photo énigmatique montrant deux jeunes hommes de profil devant un mur tapissé de livres. Ce cliché découvert sur la page Facebook d’un collectif de jeunes photographes syriens a intrigué la journaliste franco-iranienne Delphine Minoui. Sous la photo, une légende mentionnait une bibliothèque secrète à Daraya dans la banlieue de Damas.
La reporter décide alors d’entamer une correspondance avec ces photographes et va découvrir l’incroyable histoire de jeunes révolutionnaires syriens assiégés qui, sous le feu des bombes de Bachar el Assad, ont exhumé des centaines de livres des décombres de leur ville et ont constitué une bibliothèque clandestine entre 2012 et 2016. Pour mettre cette incroyable histoire dans la lumière, Delphine Minoui décide d’en faire à la fois un film à partir des images tournées par ces jeunes combattants mais également un livre.
Publié l’automne dernier aux éditions du Seuil, "Les passeurs de livres de Daraya" a trouvé un écho tout particulier auprès d’une conteuse grenobloise. Jennifer Anderson, qui aime raconter les histoires des autres, a été bouleversée par ce récit. "Delphine a patiemment recueilli la parole de ces jeunes, qui ont été ses guides, de manière orale et elle leur a fait la promesse de faire ce livre, de porter leur parole, et de faire connaitre leur histoire au monde entier."
Lorsque la directrice du Centre des Arts du récit, Martine Carpentier, lui propose d’enregistrer une histoire destinée à cette édition inédite du festival puisqu’entièrement en ligne, Jennifer Anderson a déjà son idée. Devenir, à son tour, la porte-parole de ces combattants de l’ombre en s’attelant à la lecture de l’ouvrage. Elle contacte Delphine Minoui qui, enthousiaste, lui donne carte blanche. La conteuse va profiter du confinement pour enregistrer ces longues heures de récit.
"C’est pour rendre hommage à tous les enfants, les femmes et les hommes opprimés, subissant la guerre, que j’ai voulu prêter ma voix à ce si beau texte, cet hymne à la liberté, et me faire passeuse de mots. Nous, en tant que conteurs, nous sommes des passeurs. J’ai été très émue parce que ce livre redonne toute la noblesse au vrai sens de ce mot de passeur, celui d’être dans cette transmission !"
Avec la complicité de son compagnon ingénieur du son, elle a enregistré cette longue histoire sous la forme d’une quinzaine de chapitres, autant de capsules sonores d’une vingtaine de minutes qu’elle restitue chaque jour du 11 au 26 mai.
D’autres belles surprises attendent le public sur le site du festival des arts du récit. L’évènement qui aurait dû accueillir de nombreux conteurs, musiciens et comédiens du 9 au 23 mai autour du thème des mythologies s’est transformé en festival en ligne. Après avoir fait vivre l’oralité pendant deux semaines avec "Allo Conteur", rendez-vous d’écoute collective partagée en ligne par téléphone ou visioconférence avec des conteurs, le festival se poursuit sur son Facebook, en sons et en images.
Des portraits de conteuses et conteurs, des extraits de spectacles, des lectures, des comptines, des articles et des podcasts autour du conte, sont disponibles en libre accès. Les auteurs invités ont enregistré des histoires à partager entre grands et petits, parfois en résonnance avec l’actualité : la compagnie de l’Enelle dévoile ainsi "Les pangolins volants", une histoire dessinée pleine d’humour racontée par des enfants.
Dans ce foisonnement de surprises, un Webdoc des Arts du récit propose des portraits de conteurs du monde entier tandis qu’un atelier invite les enfants à s’entraîner à prendre la parole en contant à ceux qui les entourent. Des émissions de France Inter et de radio Campus en podcast prolongent ces voyages aux pays des mots.
Comme le dit Jennifer Anderson : "faire récit d’une histoire, c’est dans le même instant créer et partager un instant de vie."