La cour d'appel de Grenoble a confirmé le jugement du conseil des prud'hommes de 2018 qui estimait que le licenciement de 46 salariés d'Ecopla n'avait pas "de cause réelle et sérieuse". Pour Christophe Chevalier, ex-salarié d'Ecopla, "c'est encore une décision qui prouve qu'on avait raison".
Au bout du fil, Christophe Chevalier ne crie pas victoire. Pas de satisfaction dans sa voix, mais plutôt de l'amerture. L'ancien salarié d'Ecopla et ancien délégué CGT a appris par son avocat qu'il devrait toucher 40 000 euros de son ancien employeur pour "licenciement abusif".
La chambre sociale de la cour d'appel de Grenoble a confirmé dans un arrêt datant du 9 septembre, le jugement du conseil des prud'hommes de Grenoble datant de 2018.
46 anciens salariés sont concernés.
"On était une bonne vache à lait"
"Je ne me suis jamais battu pour les sous. Je me suis battu pour garder nos emplois et pour que cette usine reprenne vie. Pour moi, c'est encore une décision qui dit que j'avais raison depuis le début", commente-t-il.
Raison de penser notamment que l'ancienne maison-mère d'Ecopla, Nicholl Food Packaging, avait racheté l'entreprise pour vampiriser sa trésorerie et éponger les dettes d'autres sociétés du groupe, ce qui aura conduit à la liquidation judicaire d'Ecopla en 2016. "Il a vu qu'on était une bonne vache à lait et en a profité", confiait à l'époque Gaëtan Zappia, un ex-salarié, à France 3 Alpes.
Les anciens employés de l'entreprise iséroise, spécialisée dans la fabrication de barquettes en aluminium, s'étaient mobilisés sans relâche pour tenter de sauver leurs emplois et leur outil de travail, multipliant les démarches auprès des tribunaux, des institutions et du monde politique.
Emmanuel Macron en visite dans l'usine... trop tard
Leur projet de reprise en Scop, société coopérative et participative, avait été écarté par le tribunal de commerce de Grenoble, la justice préférant l'offre de rachat de Cuki, le concurrent italien d'Ecopla.
En 2016, Emmanuel Macron, alors ancien ministre des Finances et sur le point de se présenter à la présidentielle, s'était rendu, repentant, dans leur usine de Saint-Vincent-de-Mercuze.
"Mon regret, regardant mes responsabilités passées en face, c'est de n'avoir pas vu la rapidité de dégradation de la situation et pas pu empêcher qu'on passe tout de suite en liquidation, pour intervenir dans ce moment ultime", avait déclaré Emmanuel Macron.
"Une fois la liquidation prononcée, vous n'avez plus la possibilité, de par la loi, de forcer une reprise. Parce que les actionnaires ont déjà perdu la main et le tribunal ne regarde que l'intérêt des créanciers."
"On aurait pu garder nos emplois"
Christophe Chevalier a donc toujours l'impression d'un immense gâchis, lui que le combat pour Ecopla semble avoir durablement meurtri.
"Maintenant que les Italiens ont repris, l'entreprise, elle tourne... à 5 km de notre ancien site ! Donc, nous les salariés, on aurait pu la reprendre, on aurait réussi. On avait raison depuis le début sur la fiabilité de cette entreprise et c'est bien pour ça qu'on voulait la garder et garder nos emplois", réagit-il, écoeuré.
L'ancien délégué CGT a quitté la région pour essayer de tourner la page et de laisser loin derrière lui, ce volet de son histoire professionnelle.
"Une victoire amère"
Ecopla, "ça a été un carnage pour ma vie professionnelle et personnelle". "Ma famille a explosé, j'ai vendu ma maison, je suis parti de la région".
Et si aujourd'hui, il travaille en Bourgogne pour un grand groupe, "retrouver du travail, ça a été compliqué", confie-t-il.
"J'ai changé trois fois d'emploi. J'ai été forgeron, j'ai travaillé dans le traitement d'eau pour les dialyses et aujourd'hui je suis technicien en géophysique spécialisé dans la recherche de munitions de la première et seconde guerre mondiales".
Christophe Chevalier dit avoir reçu des messages d'anciens salariés, de membres de la CGT qui lui font chaud au coeur.
"Je tiens quand même à remercier tous ceux qui nous ont soutenus, les organisations syndicales et aussi Michel Lemoine", l'expert-comptable, grâce à qui ils ont découvert ce qui se passait dans leur entreprise.
Désormais, les anciens salariés attendent de savoir si Nicholl Food Packaging va bien verser les deux millions d'euros de dommages et intérêts.
"Quand vous, vous êtes condamnés, vous devez payer tout de suite. Mais les patrons, eux, sont toujours les derniers à payer", ajoute Christophe Chevalier. Pour l'instant, "c'est une victoire amère", conclut-il.