"L’utilisation systématique de la téléphonie mobile va poser problème très rapidement à une grande partie de la population" selon Jacqueline Collard, chercheuse (PODCAST)

Les formes de pollutions sont multiples. Elles sont toutes la cible de l'action de l'association présidée par Jacqueline Collard. Ancienne chercheuse pour l'industrie, elle lutte chaque jour contre de nombreux fléaux dangereux pour notre santé. Eau, air, ondes... etc... elle se bat sur tous les fronts, avec une détermination "formidable", dont elle est venue témoigner sur le plateau de France 3 Auvergne Rhône Alpes.

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Chimiste de formation, Jacqueline Collard est présidente de l’association SERA (Santé, environnement Auvergne Rhône-Alpes), mais elle est d’abord une militante très active, connue pour ses multiples combats contre les rayonnements électromagnétiques, la pollution des sols, de l’eau de l’air liés à l’industrie, notamment.


Certes, Jacqueline est née à Virieu-sur-Bourbre en Isère, entre Grenoble et Lyon, loin de toutes les nuisances, à priori. « Disons que ce n’est pas un lieu d’élevage ou même d’agriculture intensifs. On y trouve donc moins de pollution », confirme-t-elle. « En revanche, on y voit beaucoup de brouillard, ce qui y entraine, tout de même une certaine stagnation des polluants. »

Je m’étais rendue compte de ce que l’industrie était capable d’envoyer, soit dans l’air, soit dans l’eau. Des choses dont les salariés et les riverains n’étaient pas forcément informés


Petite, Jacqueline voulait devenir architecte. Mais l’environnement industriel de Grenoble a happé son avenir et son orientation s’est axée sur la chimie. Chercheur au Cnrs, Elle évoluera au Cerma (Centre de recherche sur les macromolécules végétales). Sans ambition, à l’époque, de changer le monde. « A ce moment, c’était une démarche productiviste, dans un monde économique qui marchait bien », résume-t-elle. « J’ai travaillé dans la recherche papetière. Dans la région grenobloise, l’industrie du papier était en pointe et en relation avec les Allemands et les Canadiens. »


Après avoir donc travaillé pour l’industrie durant cinq ans, elle décide un jour de devenir enseignante. « Je m’étais rendue compte de ce que l’industrie était capable d’envoyer, soit dans l’air, soit dans l’eau. Des choses dont les salariés et les riverains n’étaient pas forcément informés », justifie la chercheuse. « Pour moi, cela devenait donc important de faire une transmission de ces informations. »

Les gens me demandaient à quoi pouvait servir de parler de santé environnementale


Elle change donc littéralement… de camp. « Quand j’ai fait de la recherche, je me suis rendue compte de ce qu’était le milieu industriel, et de ses non-dits. Cela m’a beaucoup interpellé. Ce fut une grande déception, notamment de constater que, quoi qu’on leur dise, les industriels n’avaient pas pour priorité de préserver les gens, salariés comme riverains.» Elle assume son côté rebelle. « Je suis issue d’une famille de résistants, et de militants. L’hérédité est là ! », sourit-elle.


Lorsqu’elle créée l’association SERA, il y a quinze ans, elle fait preuve d’innovation. « Les gens me demandaient à quoi pouvait servir de parler de santé environnementale. Il y avait déjà des associations de santé, et d’autres pour l’environnement. Que venais-je faire au milieu ? Et je répondais, justement, que c’était le lien entre les deux domaines qui n’était pas fait », justifie Jacqueline.

Dans d’autres pays, il y a beaucoup plus d’indépendance dans la recherche

Son premier combat fut la lutte contre les pesticides. « Les dégâts sur la population étaient flagrants, notamment en raison des perturbateurs endocriniens. » Et, très vite, elle enchaine sur l’impact négatif des champs magnétiques. « Il y a eu une explosion de la téléphonie mobile avec l’installation de toutes les antennes-relais. Nous étions alors fortement interpellés par la population, mais aussi par des médecins qui manquaient d’informations. Et donc je me suis beaucoup investie dans ce domaine. »


Dans son viseur se retrouvent alors les opérateurs de téléphonie. « Toujours les mêmes ! » insiste-t-elle. Il s’agissait de démontrer le risque généré par leurs émetteurs. « Il a été démontré, mais pas en France. En fait, tout dépend de qui donne l’argent pour faire les recherches. Dans notre pays, ce sont les opérateurs. Donc forcément cela est destiné à financer uniquement ce qu’ils veulent développer. Dans d’autres pays, il y a beaucoup plus d’indépendance dans la recherche. En particulier dans le nord de l’Europe », résume notre interlocutrice.

Au final, elle estime que très peu de choses ont pu être dénoncées. « Le pouvoir des opérateurs est devenu beaucoup plus grand, au dépend, notamment des mairies, qui ont perdu la capacité d’exiger des protections fiables pour leurs habitants. » Le combat est donc loin d’être gagné. Jacqueline Collard hausse les épaules. « On s’accroche…» soupire-t-elle.


Elle axe notamment son action sur le handicap. « On a participé à la consultation sur la 5G, avec plus de 500 pages de contribution. Rien n’a été pris en compte par l’Agence de sécurité sanitaire. On trouve cela surprenant. »

Des études très lentes et des consensus trop mous


Et pourtant, selon cette chercheuse, les preuves scientifiques des dangers liés à ces ondes électromagnétiques sont bien établies, mais à l’étranger. « Certains pays ont des centres de recherche beaucoup plus fiables que les nôtres », assure-t-elle.


Et pourtant, en France, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a bien classé les radiofréquences comme cancérigènes possibles pour l’homme. « Vous avez toujours une multi-exposition. Donc cibler une pathologie, qui met un certain nombre d’années à naître, avec une seule composante, n’est pas fiable », rétorque la chercheuse.


De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé, depuis 2004, l’hypersensibilité électromagnétique dans la catégorie des intolérances environnementales « sans explication ni cause connue. » Ce qui ne satisfait pas davantage cette militante. « Dans les deux cas, les informations proviennent de milliers d’études, dont on fait un consensus. Il faudrait pouvoir vérifier quelles sont les études prises en référence. » Elle évoque aussi la lenteur des publications. « Entre la réalité sur le terrain, et le moment où les études sont publiées, accompagnées de ce genre de consensus très mou, c’est difficile pour les personnes… »

Des procédures sont en cours pour empêcher de mettre sur le marché- voire en retirer- certains téléphones


Parmi les évolutions obtenues, on peut évoquer les normes imposées aux constructeurs autour du DAS (Débit d’absorption spécifique) de chaque appareil. Mais, là encore, pas de quoi rassurer Jacqueline. « C’est une avancée obtenue il y a dix ans. Mais on s’est rendus compte que les industriels ne la mesuraient pas au bon endroit. Au lieu de le mesurer au contact de la peau, ils le prennent à un centimètre, ce qui divise par 10 l’exposition relevée. Donc là, des procédures auxquelles nous participons au niveau international, sont en cours pour empêcher de mettre sur le marché- voire en retirer- certains téléphones. »

L'addiction a "passé toutes les limites"


En attendant, Jacqueline Collard se rend, notamment, régulièrement dans les écoles pour sensibiliser les enfants aux dangers des téléphones mobiles. Et y fait passer quelques messages simples. Comme par exemple, le conseil de ne pas laisser son téléphone mobile dans sa poche. « Lorsque vous le faites, vous vibrez à la fréquence de la téléphonie mobile que vous recevez, c’est simple », s’insurge-t-elle. « Ce sont des champs électromagnétiques. En faisant cela, vous perturbez votre système biologique. »


Autre risque non-négligeable : l’addiction au portable. « Elle a passé toutes les limites. L’utilisation systématique –même dans l’éducation nationale- de la téléphonie mobile va poser problème très rapidement à une grande partie de la population. » Là aussi, le combat est loin d’être simple « On avait essayé d’interdire les téléphones mobiles avant l’âge de 16 ans. De les empêcher dans les collèges. On n’y est pas arrivés. »


Pour Jacqueline Collard, tout le monde se met dans la tête dans le sable. « Les enfants ont tous un portable, quel que soit leur âge. Et les parents, étant les acheteurs de ces outils, n’informent pas leurs enfants, et se rassurent avec de bons prétextes. »

Eau, air, son, climat. Des combats sans fin


La liste des luttes menées par l’association SERA semble infinie. Elle se bat également contre la pollution sonore, et obtient quelques résultats fondamentaux : quelques normes ont finalement été mises en place. « En particulier, dans les salles de spectacle. On constatait beaucoup d’accidents avec des gens qui allaient souvent dans ce type de lieux avec des décibels beaucoup trop élevés. Leur surdité étaient beaucoup plus avancée que la normale


Concernant l’impact des perturbateurs endocriniens, la chercheuse n’est pas très optimiste. « J’ai l’impression que c’est un combat perdu d’avance. On en trouve partout, dans tout ce qui nous entoure. Ils sont dans tous les plastiques, les vêtements, et ce que l’on utilise au quotidien. Je ne vois comment on va pouvoir s’en débarrasser d’ici à 2050. »

D’autant que les industriels ne semblent pas prêts à jouer le jeu « Ils n’ont pas du tout envie de les enlever, en se rabattant sur le recyclage. Mais ce qu’il faut, c’est ne pas en mettre. Ce qui signifierait que l’on change totalement les process de fabrication. Je ne suis pas sure que nous en soyons capables. »

En l’espace d’une vie qui est la mienne, je suis consternée de voir où en sont les glaciers

Jacqueline Collard peut tout de même trouver de quoi se réjouir en tant que vice-présidente de l’Association Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Les progrès en matière de lutte contre la pollution de l’air sont notables. « Il y a eu une nette amélioration par rapport aux polluants réglementés, sauf sur l’ozone, qui ne l’est pas encore. Et, surtout, on a intégré les normes OMS dans les objectifs à atteindre. On espère que la directive Air arrivera rapidement des instances européennes, pour réglementer tout cela. »

Face à Alain Fauritte ©france tv


Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la Vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, reste cependant une vraie source d’inquiétude. « Il y a des industriels, qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Donc on ne peut pas espérer grand-chose. On essaye tout de même de faire prendre conscience qu’il faut améliorer les conditions de vie des gens. »

D’autant que la pollution atmosphérique n’est pas le seul souci. « A Chamonix, les conséquences des évolutions climatiques sont déplorables. En l’espace d’une vie qui est la mienne, je suis consternée de voir où en sont les glaciers. Quand on voit ce qu’est devenue la mer de glace, cela me fend le cœur ! »

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