La famille de Hugo a dû se résoudre à déménager pour délivrer le jeune garçon de ses harceleurs. Pendant plusieurs années, l'écolier a subi des violences physiques et psychologiques. Il risque à nouveau, dès la rentrée prochaine, de se retrouver dans le même établissement que l'un des garçons qui l'a harcelé.
Hugo*, 12 ans, a vécu un calvaire pendant des années. Du CE1 jusqu’à la 6e, le jeune garçon a été le souffre-douleur d’un groupe de camarades de classe. "Je me faisais régulièrement taper, insulter par rapport à mon style vestimentaire. On me traitait de PD parce que j'étais souvent en jean. Il y avait beaucoup d'insultes dans ce style", raconte-t-il, sous couvert d'anonymat.
La mère de l'écolier s'est trouvée démunie face aux violences subies par son fils. "Dès qu'on le posait à l'école, on était inquiets de ce qui allait se passer. Et le soir, il se relâchait à la maison, donc la relation avec lui était compliquée", se rappelle-t-elle. La famille a décidé de scolariser le jeune Hugo, alors en classe de CM1, dans un autre établissement. Mais ses harceleurs avaient des amis dans cette nouvelle école. Et le calvaire a continué.
Quand ils se sont retrouvés tous ensemble au collège, ça a été un calvaire.
La mère de Hugo, victime de harcèlement scolaireà France 3 Alpes
"Je suis allé voir les adultes au début et ils me rejetaient toujours la faute dessus. Ils disaient que c'était moi le problème. Quand je me défendais parce qu'on me tapait ou qu'on m'insultait, c'était moi qui étais puni et pas les autres, alors que c'était eux qui avaient commencé", assure Hugo.
"Et quand ils se sont retrouvés tous ensemble au collège, ça a été un calvaire", ajoute sa mère qui a bien tenté d’alerter, à plusieurs reprises, les professeurs et les chefs d’établissement. Elle a même déposé une plainte qui n'a pas eu de suites judiciaires. "On se bat contre du vent. Personne n'est là pour les protéger, personne n'est là pour les défendre", regrette-t-elle.
La crainte d'une récidive
La situation n'a, selon elle, pas été prise au sérieux par l'Education nationale, alors que le pire aurait pu arriver. "J'ai eu très peur parce qu'il avait des envies suicidaires, il le verbalisait souvent. Je l'ai emmené à l'hôpital et il a été hospitalisé pendant quelques jours", relate encore la mère du jeune Hugo, exclu de son établissement à deux reprises après s'être défendu de ses harceleurs. "Eux n'ont jamais rien eu, ne serait-ce qu'une heure de colle."
Pour délivrer Hugo de ses harceleurs, la famille a dû se résoudre à déménager. Le jeune garçon est aujourd’hui en 5e dans un nouveau collège où il a retrouvé sa joie de vivre. Mais à la rentrée prochaine, l’un de ses harceleurs se retrouvera dans le même établissement que lui. "C'est de l'angoisse, confie le collégien. On se demande ce qui va se passer."
Le rectorat assure que les deux garçons ne seront pas dans la même classe mais pour la maman de Hugo, cette mesure n’est pas suffisante. "Ce n'est pas à mon fils de partir une nouvelle fois, insiste-t-elle. On a fui pour qu'il puisse être bien. Aujourd'hui, il est menacé que ça recommence avec un des enfants qui le harcelait déjà. Pour moi, ça devrait être à cet enfant d'être puni et de faire le trajet vers un autre collège."
Le rectorat refuse de communiquer sur cette affaire en particulier mais assure que tout est fait pour accompagner les enfants victimes. Le suicide de Lindsay, collégienne de 13 ans victime de harcèlement dans le Pas-de-Calais, a rappelé le difficile combat contre ce fléau. Le ministère de l'Education nationale, Pap Ndiaye, a promis des moyens supplémentaires contre le harcèlement scolaire.
"Le tabou est levé"
"On est sur un sentiment d'explosion parce que le tabou est levé. Les familles parlent, les élèves parlent entre eux et, en parallèle, nous formons nos personnels pour que les situations soient mieux prises en charge à la source avant qu'elles se complexifient", affirme Caroline Fourniol, référente en charge du harcèlement scolaire à l'académie de Grenoble.
Pour elle, la problématique du harcèlement scolaire, qui paraît souvent urgente aux yeux des familles des enfants victimes, doit être prise en charge dans la durée. "Nous avons besoin de temps parce que, à vouloir agir trop vite, à poser une sanction disciplinaire trop rapidement sans en avoir compris les enjeux, le harcèlement peut changer de tête. C'est un autre élève qui va prendre le relais", ajoute Caroline Fourniol, reconnaissant qu'il y a "un travail de confiance à faire avec les familles".
Comme Hugo, plus de 800 000 élèves seraient victimes de harcèlement en France. Des victimes pour lesquelles le chemin vers la reconstruction est souvent long après des années de souffrance.
*Le prénom a été modifié