A quelques encablures du grand rush de Pâques, immersion gourmande dans les coulisses de la chocolaterie Jouvenal de la Côte-Saint-André en Isère. Depuis quatre générations, l'entreprise régale et éduque les palais des gourmands aux secrets du cacao.
Pousser la porte de la maison Jouvenal, installée dans la rue centrale de la Côte-Saint-André en Isère, c'est à coup sur, pénétrer dans une ruche survoltée et imprégnée de ce parfum très particulier, presque régressif du chocolat de Pâques. Un mélange laiteux moelleux et entêtant qui raconte le plaisir de défaire le ruban autour de la poule ou du poisson sans oser tout de suite croquer dedans mais en commençant tout de même par une petite friture à l'intérieur.
Anne-Laure Jouvenal nous accueille et nous tend sans plus attendre un petit coquillage rose vif à croquer : fraise-basilic, on est prêt pour la visite.
21 personnes travaillent dans la boutique et l'atelier. Ambiance course feutrée et dernière ligne droite avant le grand rendez-vous pascal. Les rayons se garnissent à vue d'œil d'une armada de petits personnages. Il y a les traditionnels poissons ou poulettes moulés et immuables : "chaque année, nous explique Anne-Laure " on a des grands-parents qui nous réclament la poule numéro 3, celle qu'ils recevaient dans leur enfance et nous nous devons de leur fournir à l'identique "
Et puis, il y a les sujets, qui permettent aux chocolatiers de laisser galoper leur créativité. " Prenez pas exemple un lapin" poursuit notre guide, "pas un chocolatier ne va l'interpréter de la même manière, c'est ça le charme total "
Dans l'atelier justement, on retrouve Franck Jouvenal et ses acolytes chocolatiers devant une armada de marins, lapins, fleurs ou petites bonnes femmes alignés. D'un geste sur, Franck colle une petite carotte au pied d'un lapin " il faut effectuer le maximum de gestes dans la continuité pour obtenir un résultat régulier." Et les forçats du chocolat s'activent dans un silence de cathédrale, juste brassé par le moteur de la tempéreuse. 3000 sujets à produire ainsi : " j'en rêve la nuit " confesse le général en chef de cette armée éphémère.
Non loin, la réserve qui affiche une température de 17 degrés. Du sol au plafond, elle aussi se remplit inexorablement. En riant, Anne-Laure nous raconte comment tout se vide en quelques jours. Et ces lapins si mignons, comment oser les manger ? "Ah ça, c'est une question qu'on nous pose tout le temps", s'esclaffe encore notre guide. "Prévenez-nous si vous comptez ne pas manger votre sujet, on vous mettra du mauvais chocolat, sérieusement, prenez une photo et dégustez-le car on utilise du très bon chocolat insiste-t-elle, hilare.
Nantis de ces judicieux conseils, on admire encore un trio penché sur une imposante création en forme de clé de sol, clin d'oeil à l'enfant du pays, un certain Berlioz. Une sculpture pour la beauté du geste car celle-ci ne sera pas mangée; une fois exposée elle sera refondue pour renaitre sous une nouvelle forme.
Passion transmission
La maison Jouvenal organise régulièrement des ateliers pour apprendre à manier le chocolat mais aussi à le déguster comme un grand cru ou un thé d'exception. Des visites font également partie du calendrier, pour aller à la rencontre d'Anne-Laure, de Franck et de toute l'équipe avec à chaque étape, une petite friture à croquer pour deviner le parfum et muscler ses papilles.
Passion chocolat sur quatre générations
Tout commence avec Émile Jouvenal et Olympe, rue de la République à La Côte Saint-André en Isère dans les années 1900.
En 1944, Émile Jouvenal forme son fils Maurice qui va reprendre l’entreprise familiale, avec sa femme Odile.
En 1970, Pierre Jouvenal rentre à son tour en apprentissage chez son père. Il reprend le flambeau, avec Brigitte. En 1994. Pierre ouvre le premier musée du chocolat en France : le Paradis du Chocolat.
Dans les années 2000, c’est au tour de Franck Jouvenal, l'arrière-petit-fils d'Emile d'embarquer le navire. Il fait ses gammes dans la maison familiale, puis à Bourgoin, à Lyon, et enfin chez Fauchon à Paris. Anne-Laure Jouvenal, sa soeur guide interprète, rejoint également le giron familial de cette aventure chocolatesque.