De nombreux barrages ont été levés, mais la colère des agriculteurs ne désemplit pas. Parmi leurs revendications : obtenir un revenu digne. Pour maintenir son activité, un agriculteur isérois a fait le choix de devenir moniteur de ski le jour et éleveur la nuit.
Dès l'ouverture des pistes, Cédric Fraux chausse les skis. Depuis 14 ans, cet Isérois initie chaque hiver les jeunes de la vallée de Lavaldens, au cœur du massif du Taillefer. L'éleveur ovin troque tous les jours sa salopette pour l'emblématique combinaison rouge et blanche de l'École de ski français (ESF).
Un complément d'activité indispensable
Pour pouvoir reprendre l'exploitation agricole, son père ne lui a pas laissé d'autre choix : en raison du revenu modeste de l'activité agricole, Cédric Fraux devait accepter de donner des cours de ski à la station de l'Alpe du Grand Serre, en Isère. Un second métier synonyme de seconde passion.
"On est sur mon jardin d'hiver, c'est là que j'ai toujours skié, avec mon père quand j'étais petit notamment. J'espère que mes enfants prendront la même voie", esquisse le moniteur. Lors de cette journée, il enchaîne les leçons. Sur les pistes, l'Isérois multiplie les conseils auprès de ses apprentis du jour.
Une sixième heure de descente avec des adolescents confirmés, indispensable pour maintenir son activité agricole. "Malheureusement, l'exploitation n'est pas assez viable toute seule. Il m'a fallu un second revenu. Le ski représente environ 75 % de mon revenu imposable. C'est une partie énorme", explique Cédric Fraux.
On a tous déjà travaillé à la station. Sans l'Alpe du Grand Serre, il n'y aurait pas d'exploitation agricole dans la vallée.
Cédric Fraux, moniteur de ski et éleveur ovin
Et après une journée bien dense, l'Isérois redescend dans la vallée pour s'occuper une nouvelle fois de ses bêtes. Après les avoir déjà nourries et chéries tôt le matin, Cédric Fraux retourne dans son exploitation où il est attendu de pied ferme par ses deux "patous".
Après avoir enlevé la combinaison de moniteur d'ESF, l'éleveur enfile sa salopette pour entrer dans les étables. Comme chaque jour depuis onze ans, Cédric Fraux soigne et nourrit ses 300 brebis avec du fourrage issu des pâturages de la station de l'Alpe du Grand Serre.
"On n'est pas encore dans la période de naissance, donc il y en a pour une heure de travail le matin et une heure de travail le soir. Après si l'on compte le temps de se changer et de rejoindre la station, il faut compter deux heures avant le ski et deux heures après", raconte l'éleveur.
Après la mobilisation, l'éleveur attend du "concret"
Cédric Fraux passe le reste de son temps à défendre les intérêts des agriculteurs du département. Co-président du syndicat des Jeunes Agriculteurs de l'Isère, l'éleveur a grandement participé au mouvement de colère de ces derniers jours.
Présent sur le barrage de l'autoroute A480 à Grenoble pendant près de deux semaines, Cédric Fraux a fait partie des exploitants qui se sont relayés pour poursuivre le blocage et faire entendre leurs revendications. "On sort de ce mouvement fatigué. Mais c'est tout simplement une pause car on va attendre des réponses concrètes de l'Etat. On a donné rendez-vous avec une clause de revoyure à l'occasion du Salon de l'agriculture".
À 34 ans, Cédric Fraux s'épanouit dans son activité d'agriculteur. Malgré des conditions de travail difficiles, l'Isérois ne regrette en aucun cas son choix de vie : "J'ai grandi au milieu des brebis, sur le tracteur. C'est l'amour de la terre, l'amour du pays qui m'a fait rester là. C'est vrai qu'à la base, je n'étais pas forcément destiné à ce métier. Au collège, les professeurs me disaient : 'Tu ne vas pas finir agriculteur, tu es trop bon en physique, en maths, tu vas poursuivre tes études'. Mais ma voie, c'est celle-là et j'y suis bien"
Dans un emploi du temps bien chargé, l'éleveur espère pouvoir profiter d'une semaine de vacances l'été prochain avec son épouse et ses enfants. Mais avant le repos, Cédric Fraux devra accueillir dans sa ferme près de 170 agneaux dans les prochaines semaines.