Transfrontières vous emmène cette semaine au coeur de l'acier en fusion produit depuis plus d'un siècle par "la Cogne". Une entreprise très performante, mais dont les bénéfices se retrouvent aujourd'hui en grande partie employés à payer l'augmentation inédite de ses factures d'électricité.

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 "Nous en avions pour 8 millions d'euros de facture d'électricité pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2020. Un an après, nous en avons payé 27 pour les 3 derniers mois de 2021". Monica Pirovano, la pédégère de l'une des plus grandes et des plus performantes aciéries d'Italie n'y va pas par 4 chemins pour expliquer la situation inédite à laquelle est confrontée son entreprise. 

"Nous exportons environ 80 % de notre production hors Union Européenne. Et sur un marché très concurrentiel où nous sommes en compétition avec tous les grands acteurs de la production d'acier, qu'ils soient chinois ou autre. Il est évident que cette augmentation du prix de l'énergie pèse lourdement sur notre compétitivité". 

Dommage. Surtout lorsque la reprise économique d'après pandémie se traduit par une augmentation des commandes de plus de 6%.

 

Mais comme ses homologues de la céramique, du verre, ou du plastique, l'aciérie plus que centaine, fait partie de la liste des industries énergivores établie par le gouvernement italien pour être éligible à un éventuel soutien.

1165 employés obligés de changer leurs horaires de travail

Mais avant d'éventuelles aides de l'Etat italien, l'entreprise a décidé de prendre le taureau par les cornes en proposant une refonte jamais vue des plannings de travail.

L'électricité étant moins chère la nuit et en fin de semaine, il a donc été proposé aux 250 métallos de la forge et du laminoir, de décaler leur semaine de travail du mercredi au dimanche.

"Au mois de janvier comme tout le monde, on avait déjà reçu à la maison, des factures d'électricité plutôt salées, en augmentation de 40 voire de plus de 50%", explique loris Ronc, du syndicat Fiom, (la branche métallurgie de la CGIL, l'équivalent italien de la CGT), "Mais on ne s'attendait pas à ce que la hausse du prix de l'électricité ait un impact aussi important sur notre qualité de vie. Car c'est toute l'organisation de nos vies personnelles qui est remis en cause par ces changements."

Faisant contre mauvaise fortune, bon coeur, les syndicats de l'aciérie ont fini par signer un accord avec la direction, obtenant des primes de week-end et de travail de nuit, entre autres contreparties. Mais surtout, la direction de l'usine a accepté de ne pas faire perdurer la nouvelle organisation hebdomadaire au-delà du 31 mars. (contre fin juin selon les premières propositions de la direction).

Quoiqu'il en soit, le résultat est là: autrefois pointées du doigt comme la principale cause du manque de compétitivité des entreprises, les charges liées au personnel semblent maintenant en passe d'être supplantées par le coût excessif de l'énergie.

Près de 50 % de l'électricité italienne produite par des centrale à gaz

"Nous n'avons pas le nucléaire comme vous pour tirer à la baisse le prix de l'électricité.", explique de son côté le principal fournisseur d'énergie de la vallée d'Aoste. CVA (la Compagnie Valdôtaine des eaux) se situe dans le top 4 des groupes produisant de l'électricité en Italie. Sa richesse: ses barrages, ses champs de panneaux photovoltaïques et ses parcs d'éoliennes disséminés jusque dans le sud italien. Ce qui n'empêche pas près de 50% de l'électricité consommée en Italie de provenir des centrales à gaz. D'où l'extrême sensibilité du prix facturé aux clients dès que des tensions se font sentir sur le marché du gaz.

"C'est comme ça depuis la libéralisation du marché de l'électricité voulue par l'Union Européenne", continue Giuseppe Argiro, le Pdg de CVA. "Notre électricité fournit plus de 90 % des besoins de la vallée d'Aoste. Le reste de notre production, nous le vendons sur le marché. Mais dès qu'il y a des tensions, des guerres comme en ce moment, on peut voir le cours du gaz (et donc de l'électricité) s'envoler pour des raisons qui tiennent souvent plus au jeu des spéculateurs qu'à des raisons objectives", analyse-t-il en bon expert du secteur de l'énergie.

Avant d'ajouter: "à ce que je sache la Russie n'a toujours pas fermé son robinet à gaz, ce qui n'empêche pas son cours de s'envoler".

Des barrages alpins encore sous exploités

Pour alléger tout de même le fardeau de ses clients, CVA a tout de même consenti d'important rabais, autour de 40% à ses abonnés. Une ristourne qui n'est pas sans rapport avec la volonté de son propriétaire: la région vallée d'Aoste, elle-même. "Nos racines sont ici, même si nous produisons de l'électricité pour toute l'Italie. Notre axe de développement futur s'inscrit dans la politique énergétique italienne qui est de privilégier à l'avenir les sources de productions renouvelables. De ce point de vue, nos barrages alpins ont encore un potentiel énorme qui est largement sous-exploité", professe Giuseppe Argiro.

Une piste pour l'avenir. Pour en finir avec la dépendance au gaz, chez nos voisins, et pourquoi pas, en France, pour diminuer la part de l'énergie d'origine nucléaire? 

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