Sommé par le tribunal judiciaire de Paris de ne pas publier la suite de son enquête sur le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, "Mediapart" a fait valoir ses droits ce vendredi 25 novembre devant la juridiction. La décision a été mise en délibéré.
La suite de l'affaire Perdriau, les stéphanois l'attendent déjà depuis cinq jours. Ils devront encore attendre jusqu'au 30 novembre pour savoir si Médiapart a l'autorisation de la publier. Car vendredi dernier, le 18 novembre, alors que le site s'apprêtait à faire de nouvelles révélations sur le maire de Saint-Etienne, la justice l'en a empêché.
Le média a immédiatement dénoncé une « censure préalable sans précédent » et s'est défendu, ce vendredi 25 novembre, devant le tribunal judiciaire de Paris. «Il a fallu cinq minutes au tribunal de Paris pour ordonner la censure préalable d’un article de Mediapart. A l’issue de trois heures d’audience, nous venons d’apprendre qu’il lui faut cinq jours pour décider s’il donne droit à notre demande d’annulation. Douze jours de censure !», a réagi sur twitter Edwy Plenel, le directeur de la publication et co-fondateur du site d'information.
Selon le directeur de la rédaction de Médiapart Gaël Perdriau essaie de "sauver sa vie publique et non de protéger sa vie privée. Il veut bâillonner une vérité à laquelle politiquement il ne pourrait survivre."
"Injonction de ne pas diffuser" ou censure
Après les précédentes révélations de chantage présumé à la vidéo intime, M. Perdriau avait invoqué "une atteinte à la vie privée" pour demander à la justice la non-publication de cet article. La justice lui avait donné raison et interdit dans la foulée la parution de l'article, sous peine de 10.000 euros d'amende par extrait publié. « Médiapart s’apprêtait une nouvelle fois à publier un enregistrement clandestin de notre client. L’ordonnance n’interdit et ne censure aucun article. L’ordonnance fait injonction à Mediapart de ne pas diffuser l’enregistrement », a de nouveau assuré Me Christophe Ingrain, l'avocat de Gaël Perdriau, à la barre aujourd'hui.
« Ce n’est pas sa vie privée qu’a voulu protéger M. Perdriau mais sa réputation politique qu’il a voulu sauver. Il a voulu cacher des propos qu’il ne pourra aucunement assumer devant les élus de sa majorité, devant son conseil municipal et, surtout, devant ses administrés », a indiqué, en préambule, Edwy Plenel.
Le site internet d'information s'apprêtait à publier, selon lui, de nouvelles révélations concernant les méthodes utilisées par le maire de Saint-Etienne pour discréditer un autre élu, l’actuel président de région Laurent Wauquiez.
« L’information n’est pas un bien lambda, c'est l’un des droits les plus précieux. Au-delà du caractère préalable de la censure, il y a un autre problème : vous ne savez pas ce que vous avez censuré », a ensuite plaidé Me Emmanuel Tordjman, qui défend le média.
« On ne veut plus que la presse investigue sur le maire de Saint-Etienne ! Même quand Antton Rouget pose d’autres questions, on vous parle d’atteinte à la vie privée. On ne veut pas que les stéphanoises et les stéphanois soient informés du comportement de leur maire », a-t-il ajouté.
Médiapart a également reçu le soutien de 35 sociétés de journalistes et 15 autres organisations, dénonçant « une grave attaque contre la liberté de la presse ». Certaines sont également intervenues à l'audience. « Votre décision contrevient gravement à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. La justice ne peut pas être aveugle et sourde. Cette décision sans contradictoire est une erreur, une atteinte grave à une liberté fondamentale », a par exemple affirmé le représentant de la LDH, la Ligue des Droits de l'Homme.
Après plus de trois heures d'audience, la décision du tribunal judiciaire de Paris a été mise en délibéré au mercredi 30 novembre.