Burdignes à 1000 m d'altitude est une commune de moyenne montagne, aux confins de la Loire. Benoit et Florent Laffont ont repris la Ferme du Chant des Cloches, la ferme de leur père après avoir pris le temps de faire des études et découvrir le monde. Portrait de deux garçons fiers d'être paysans.
La nuit est encore un velours noir. L'étable est comme un œil doré, ouvert sur le silence et le froid. Elles sont une trentaine, tachetées de blanc et de brun, alignées, silencieuses. Trente vaches placides entre lesquelles Florent glisse à la fourche des brassées de foin.
Il n'est pas 6h et comme tous les matins du monde, il faut s'occuper des bêtes. De l'autre côté de l'étable, dans la cave creusée sous le talus qui épaule la ferme, son frère Benoit choisit les fromages qu'il emportera au marché de Saint-Julien-Molin-Molette, à quelques kilomètres d'ici.
Au cœur du Pilat, une beauté douce et brute
Ici, à Burdignes, au cœur du Pilat, une poignée de maisons éparpillées autour d'une place toute en longueur et quelques hameaux se font face de colline à colline. On n'est qu'à une heure et demie de Lyon, une heure de Saint-Etienne, mais l'horizon sur ce plateau offre une vue à 360°. Des lignes de crêtes, le vert profond des forêts, des rochers ombrés de lichen gris. Où que le regard se pose, la beauté s'impose.
"Les matins, c'est magnifique. Avec le lever de soleil, quand on emmène les vaches, on ne peut que regarder. Les couleurs sont toujours incroyables, on ne s'en lasse pas. C'est même un moteur pour travailler..."
Florent et Benoit Laffont sont nés ici. Ils ont grandi dans la ferme de leur père. Et s'ils ont décidé de prendre la suite il y a quelques années, ce n'est pas sans avoir bien réfléchi. "C'est trop prenant, comme boulot. On ne peut pas juste devenir paysan parce que notre père l'était. Il faut être sûr d'en avoir vraiment envie" souligne Benoit en souriant. "Alors, on a pris notre temps, on a fait des études, on est allés voir le monde".
La nécessité d'être deux
Entre autres, l'Amérique Latine et l'Asie du Sud-Est. Après son diplôme d'ingénieur agronome, Benoit, l'aîné des frères, est allé découvrir l'agriculture sud américaine. Florent le benjamin a poussé la route jusqu'en Patagonie. De longs voyages "pour découvrir autre chose avant de revenir s'installer, pour être sûrs de notre choix".
Un choix qui n'était envisageable que parce qu'ils étaient deux à reprendre la ferme. "On peut se relayer, ça permet d'avoir une vie normale", estime Florent.
Deux traites quotidiennes et des vaches au pré
Deux traites par jour, et des vaches qui sortent quotidiennement. Pas toujours pour aller au pré, d'ailleurs. Ce jour-là, elles auront droit à l'une de leurs gourmandises préférées : une longue rangée de choux à croquer, que les frères ont laissé monter pour qu'elles s'en régalent. Le foin, lui aussi, est "maison". Stocké dans une immense grange, avec une araignée au plafond... Entendez une machine fixée au toit qui permet de déplacer sans effort les énormes bottes d'herbe sèche qui sent la luzerne.
Le lait que produisent Benoit et Florent est bio, ils en font aussi du fromage. Une idée que leur père a approuvée. En quelques années, ils ont mis au point quatre types de fromage : un crémeux parfait pour la tartiflette, une variété de raclette et une de gruyère. Plus un bleu doux, qui cousine avec une fourme de montagne.
Deux fois par semaine, l'un ou l'autre part les vendre sur les marchés des villages alentours. "Le marché, ça permet d'avoir une relation différente avec les clients. On a un retour direct, c'est l'étape ultime de notre travail. Et on a aussi des échanges sympas avec les autres producteurs" estime Benoit.
Les journées de travail sont intenses, mais les deux frères sont fiers d'avoir relevé le défi. Prendre la suite de leurs parents, dont ils sont proches et qui les ont toujours ardemment soutenus. Mais fiers aussi de pouvoir concilier agriculture et vie personnelle, ce qui était plus compliqué du temps de leur père. À Burdignes, où la vie est tout à la fois rude, belle, douce et exigeante.