Dans la Loire, des propriétaires d'étangs sont aujourd'hui inquiets. La réglementation les contraint dans des schémas figés, caducs selon eux. Ils réclament plus de souplesse afin de protéger ces réserves de biodiversité.
La plaine du Forez est riche de 350 étangs artificiels, tous créés au XIIIᵉ siècle par des moines, et aménagés pour la pisciculture. Cette richesse patrimoniale, refuge de biodiversité, offre une image idyllique, mais trompeuse. Les étangs ligériens sont sous la menace d’une lente disparition, selon les pisciculteurs qui les exploitent.
La pisciculture assure la santé des étangs
"La réglementation évolue trop lentement. Elle n'est jamais en phase avec la situation sur le terrain. Il y a quelques années, la surface d'étangs que j'exploite pouvait faire vivre trois personnes. Aujourd'hui, une personne ne peut plus en vivre. Ce n'est plus rentable" déplore Michel de Bengy, exploitant agricole et pisciculteur. Il a le sentiment d'avoir été oublié par les pouvoirs publics. Son "bon esprit paysan" est mis à mal. "La loi protège l'environnement le jour J et au fil du temps, elle n'est pas plus en phase, elle le détruit".
Les étangs sont des réserves de la biodiversité très riches. Ils présentent une variété conséquente de la faune et de la flore. Ce sont aussi des réserves en eau et ils peuvent être utilisés en cas d'inondation. Ils ont un potentiel de stockage du carbone très important (10 tonnes à l'hectare, beaucoup plus que les forêts). Les étangs sont aussi une ressource alimentaire de proximité importante, sans intrants, sans produits phytosanitaires.
"L'arrêt de la pisciculture entraîne l'arrêt des vidanges et une sédimentation des étangs (la vase monte très vite). En cinq ans, la biodiversité chute considérablement" explique Guy Julien-Lafferière du syndicat agricole Propriétaires et Exploitants des Étangs du Forez.
Des arguments forts mis en avant par le collectif qui exige un cadre légal mieux adapté et plus réactif pour les protéger et leur assurer un avenir.
Sauver les poissons en régulant la population de cormorans
En cause, selon les exploitants : les cormorans, protégés, mais trop nombreux !
Le syndicat agricole qui regroupe la majorité des propriétaires d’étangs, estime la fréquentation à 2000 oiseaux, capables de pêcher chacun 500 grammes de poisson par jour, soit 120 tonnes prélevées chaque année dans les étangs du Forez. Un prélèvement en complet décalage avec l'équilibre naturel.
"La conjugaison de problématiques de climat et ressources en eau, de la réglementation, de la prédation du grand cormoran font que nos étangs aujourd'hui sont en péril. Il faut impérativement que l'on puisse se défendre tous les jours," réclame le syndicat agricole Propriétaires et Exploitants des Étangs du Forez. Il souhaite élargir la période de chasse à l'année entière, sans quota.
Nous sommes attaqués. Il est anormal que l'on ne puisse pas se défendre, à savoir tirer le cormoran quand il dévore nos poissons.
Guy Julien-LafferièreSyndicat Agricole Propriétaires et Exploitants des Etangs du Forez
Des aides pour protéger les poissons
Les pisciculteurs réclament aussi des aides pour financer des dispositifs de protection des poissons. Comme ces cages grillagées qu’on aperçoit au ras de l’eau, et qui servent de refuges en cas d’attaque par les airs. Les pisciculteurs - contrairement à beaucoup d'autres métiers agricoles ne sont pas indemnisés en cas de perte de production.
C’est selon eux le prix à payer pour maintenir ces îlots de biodiversité, et le rôle déterminant que ces zones humides jouent dans la gestion de l’eau. Une ressource de plus en plus stratégique.