Le réalisateur américain Frederick Wiseman plonge au cœur de l'un des restaurants des plus prestigieux du monde, la maison Troisgros, célébrissime 3 étoiles de la Loire. Portrait au long cours d'une famille vouée à la gastronomie d'exception, le film est aussi le témoin du passage de relais entre deux générations.
Ce mercredi 20 décembre sort au cinéma, le documentaire Menus-Plaisir, réalisé par Frederick Wiseman. En immersion dans la maison Troisgros, triplement étoilée, véritable représentant de la haute gastronomie Française depuis la Loire, le cinéaste revient sur une famille qui a la cuisine dans la peau et sur la passation de génération en génération.
Un chroniqueur cinématographique du quotidien
Une silhouette que le temps a rendue frêle, le regard mi-ironique mi-mélancolique, le cheveu toujours ébouriffé...
À bientôt 94 ans, le documentariste Frederick Wiseman est un peu le Raymond Depardon américain. Depuis les années 60, ce chroniqueur brosse par ses documentaires un portrait sans fin de l'Amérique, de ses institutions et de la vie quotidienne de ses habitants, à travers l'éducation, la santé, la consommation ou encore la violence.
Mais Frederick Wiseman a aussi installé sa caméra en France, dans des lieux emblématiques des arts et de la culture : la Comédie Française en 1996, l'Opéra de Paris en 2009, et deux ans plus tard le Crazy Horse, cultissime cabaret parisien fondé en 1951 par Alain Bernardin.
Quatre générations aux pianos
Cette fois, c'est dans le ventre de la gastronomie française qu'il a plongé, dans les cuisines de la maison Troisgros. Une institution familiale, fondée en 1930 (l'année de naissance de Frederick Wiseman ), triplement étoilée au Michelin depuis 55 ans. C'est désormais la quatrième génération qui est aux pianos : César dirige le restaurant étoilé, Le Bois sans Feuilles, à Ouches dans la Loire, et Léo pilote l'un des deux autres restaurants Troisgros, la Colline du Colombier en Saône et Loire.
Tourné pendant sept semaines en 2022, le nouvel opus de Frederick Wiseman, Menus Plaisirs - Les Troisgros est "un voyage intime et sensoriel dans les cuisines d’un des plus prestigieux restaurants du monde". Quatre heures d'une vertigineuse plongée dans le quotidien d’un 3 étoiles, en omni-présence de Frédérick Wiseman à laquelle a dû s’habituer la famille TroisGros.
"Le temps passé à nos côtés était si long que très vite, on l'a abandonné, d'une certaine façon. On ne le sentait plus " se souvient Michel Troisgros. "C'est son génie, il se fond complètement dans le quotidien d'une équipe, comme si on passait une journée ici du début à la fin. Du marché jusqu'à la dernière table du service du soir" s'étonne son fils César.
Menus Plaisirs - Les Troisgros est autant la description d'une institution que le portrait d'une famille particulière. "Ils font un travail très très dur, ils sont des experts. Ce sont vraiment des artistes. Et ce qui me fascine, ce sont les comportements humains", explique Frederick Wiseman. Ce qu'il a découvert au fil de ces sept semaines de tournage, "je comparerais ça à de la danse : il fallait qu’avec mon équipe, on réussisse à épouser la chorégraphie de leurs mouvements hyper précis pour ne pas les ralentir tout en trouvant notre propre rythme".
Le passage de relais entre deux générations de Troisgros
Du potager aux caves d'affinage des fromages, de l'élégance feutrée de la salle à l'effervescence paradoxalement silencieuse de la cuisine, ce film est surtout le témoignage d’un changement d’époque. Celui du passage de relais entre un père et ses enfants.
Ce que j'ai appris sur moi en regardant le film? Qu'il était temps que je passe la main !
Michel Troisgros, chef
"Moi je ne suis pas tout à fait prêt mais mes fils le sont. Un film, c'est un miroir éclatant. Comme si les images étaient plus fortes que la réalité..." souligne Michel Troisgros dans un éclat de rire.
Ce que confirme Frederick Wiseman. "Je mesure ma chance d’avoir pu faire ce film à ce moment de bascule dans la vie de Michel et de ses fils, d’avoir pu capter cela. Mais là encore, je n’avais rien prémédité. J’ai juste filmé ce qui se déroulait sous mes yeux..."
Ce que confirme Frederick Wiseman. "Je mesure ma chance d’avoir pu faire ce film à ce moment de bascule dans la vie de Michel et de ses fils, d’avoir pu capter cela. Mais là encore, je n’avais rien prémédité. J’ai juste filmé ce qui se déroulait sous mes yeux..."