Innovation : "Medintown" a pour ambition de relocaliser la fabrication des outils chirurgicaux au coeur des centres hospitaliers. L'impression en 3D de ces objets, personnalisables pour chaque patient, et sans déchets de matière, se ferait dans une micro-usine installée... dans un container.
Après avoir collaboré durant 14 ans à l’industrie orthopédique en tant que responsable qualité, Jérôme Prêcheur décide en 2020 de créer à Saint-Etienne son entreprise « à taille humaine ». Il veut développer un marché prometteur : l’impression 3D appliquée au domaine de la santé.
Sans formation médicale particulière, cet ancien dessinateur industriel -diplômé en génie mécanique- est convaincu que la 3D est « une vraie solution pour la chirurgie de demain ». Avec une particularité : « Pour moi, il est inutile de créer des grosses structures pour faire des impressions 3D. Il faut le faire dans des petites usines. » explique-t-il. Ainsi est née la start-up stéphanoise "Medintown".
Du matériel chirurgical personnalisé pour chaque patient
Ça tombe bien, notre époque est désormais celle du « cloud manufacturing ». Un anglicisme qui définit le fait de concevoir "virtuellement" un produit n’importe où dans le monde, puis de le fabriquer, ensuite, au plus près du lieu où l’on consomme. « Dans le monde de la santé, il suffit pour cela de réunir deux exigences : concevoir des fichiers médicaux qui respectent les normes internationales, et fabriquer le dispositif dans des conditions optimales, pour en garantir l’utilisation. » résumé Jérôme. Son entreprise propose de relever ce double défi.
Que fabrique cette start-up ? Du matériel médical, indispensable au chirurgien pour le guider dans le corps de son patient. « Ces objets ne sont pas implantés dans le patient, mais ils vont aider le chirurgien à poser des implants. Ce sont des guides de coupe, par exemple » explique Jérôme. « L’expérience montre qu’il est préférable de personnaliser ces guides en fonction de l’anatomie de chaque patient. » précise-t-il.
Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. « La plupart des chirurgiens utilisent des outils en prêt-à-porter pour poser leurs prothèses. C’est un matériel standard qui a une durée de vie limitée. » De fait, les nouvelles technologies, qui permettent de fabriquer du matériel de pose à usage unique ont de plus en plus d’intérêt. Encore faut-il… pouvoir fabriquer à chaque fois ces outils.
Aujourd'hui, un certain nombre de pathologies sont déjà très utilisatrices de ces objets « sur mesure ». C’est par exemple le cas de la chirurgie maxillo-faciale ou l’oncologie, où l’on préfère utiliser du matériel personnalisé, fabriqué à la demande.
La chirurgie rentabilisée grâce à des jumeaux numériques
Grâce à ce procédé, une partie de l’intervention a lieu en dehors du bloc chirurgical. « Lorsque le médecin envoie son patient faire des radiographies, ou toute forme d’imagerie médicale, nous sommes en capacité de fabriquer un jumeau médical du malade. C’est sur ce jumeau que l’on va préparer l’acte chirurgical » L’intérêt est immédiat : cela libère la place pour d’autres opérations. « Le chirurgien a la possibilité en quelque sorte de répéter son opération, définir précisément des guides de coupe, et même avoir droit à l’erreur… en s’exerçant au préalable sur le double numérique de son patient. Cette première pose est totalement virtuelle.»
Une fois cet acte numérique réussi, la start-up fabrique les outils en 3D : « ce sont des petits boitiers à onglets qui se fixent temporairement sur les os du patient, et qui comprennent les positions exactes des perçages ou découpes qui ont été définies. Le chirurgien n’a plus qu’à les suivre pour poser –réellement cette fois- sa prothèse.» Le patient reste moins longtemps sous anesthésie, et le bloc opératoire est moins mobilisé.
Une micro-factory pour imprimer ses outils à la demande
Dans cette même logique d'efficacité, « Medintown » souhaite à présent apporter une solution « clé-en-main » aux hôpitaux. Leur permettre de fabriquer eux-mêmes ces outils en 3D. « On est effectivement capable aujourd’hui de mettre cette technologie dans une boite, et de créer un réseau d’imprimantes qui va pouvoir produire ces objets où on veut, quand on veut ». Ce qui signifie... éviter des délais, des coûts de transport, notamment. Et rendre les hôpitaux plus autonomes.
La start-up a donc imaginé une micro-usine complète incluse dans une « boite ». La première version de cette "micro-factory" est en cours d’aménagement dans un ancien conteneur frigorifique. « On y trouve une salle blanche, une partie impression 3D et un local technique. Le conteneur a juste besoin d’être raccordé à l’eau et l’électricité. » L’ensemble des objets imprimés par cette start-up sont en polyamide, qui est recyclable. Les imprimantes 3D ne génèrent aucun reste de matière, ce qui limite les déchets hospitaliers. « La matière se présente en poudre, et ce qui n’a pas été utilisé est recyclé dans la fabrication suivante, à l’infini. » précise Jérôme Prêcheur.
L’ambition de « Medintown » est d’abord de proposer ses compétences en matière d’impression 3D, avant de proposer –en fonction de la demande- aux structures hospitalières qui veulent gagner en autonomie d’acquérir leur propre « micro-factory »