Fermeture des universités : "On passe à côté des belles années", Eléa, étudiante à Saint-Etienne

Eléa, étudiante en Langues à St-Étienne, a écrit au Président Macon la semaine dernière pour évoquer son mal-être et ses craintes pour l'avenir. Fatigue, perte de motivation, peur du décrochage... Elle évoque sa détresse depuis la fermeture des facs en cette journée de mobilisation des étudiants.

"Monsieur le Président, je m'appelle Éléa. Je suis étudiante en Langues (2e année d'espagnol) et comme vous devez vous en doutez, je suis confinée depuis des mois...", ainsi commence la lettre de l'étudiante stéphanoise.

"Cri du coeur et de désespoir"

La crise sanitaire, le confinement et les cours à distance plombent le moral de ces jeunes, privés d'accès aux universités depuis des mois et d'interactions sociales. "Je venais de terminer mes partiels, je n'avais rien à perdre...". Lasse et très angoissée, Eléa a décidé voilà une semaine d'interpeller le Président de la République. Dans cette lettre expédiée à l'Elysée, mais aussi à Frédérique Vidal, elle se fait le relais de la détresse de ces étudiants.

Un souhait : retourner en cours

Avec des mots simples et directs, la jeune femme, tout juste âgée de 20 ans, laisse libre cours à son malaise. Elle demande surtout la possibilité pour les étudiants de pouvoir retourner sur les bancs de l'université. Depuis la Toussaint, les cours se déroulent en distanciel. "J'aimerais au moins pouvoir avoir des cours en présentiel, au moins 50% des cours," explique-t-elle au téléphone, reprenant sa principale requête. Mais ce qu'elle aimerait par dessus tout, lorsque la crise sanitaire sera loin derrière nous, "refaire la bise aux gens, reprendre ses amis dans ses bras...". Depuis des semaines, voire des mois, les contacts virtuels ont remplacé les quelques sorties qu'elle s'autorisait.

Seuls devant leur ordinateur, coupés de toute relation sociale, confrontés à l'isolement mais aussi pour certains à une grande précarité financière, ils sont légions ces étudiants qui dénoncent les dégâts psychologiques causés par la fermeture des universités. Une situation dont ils ne voient pas l'issue. Alors certains ne cachent pas leurs pensées suicidaires et parfois passent à l'acte. A l’image des deux tentatives de suicide survenues à Lyon.


Pour Eléa, qui avoue bénéficier d'une aide psychologique, ces gestes désespérés ne sont pas les derniers et selon elle, le phénomène ne fait que commencer. Comment s'en sort-elle ? Elle essaie de garder "un équilibre" : "quand ça ne va pas, je décroche, je prends un peu de temps pour moi..." explique-t-elle. Elle avoue regarder les informations, "le moins possible". Trop anxyogènes pour la jeune femme fragilisée. 
 

La fin des projets ... et "des belles années"

L'étudiante qui rêve de devenir professeur d'Espagnol depuis le collège, ne cache pas ses doutes et ses angoisses. Signe d'une détresse psychologique palpable, la jeune femme ne fait plus de projets : "on en vient à remettre toute notre existence en question. On ne sait plus ce qu'on veut faire. On n'arrive plus à se projeter".  Une situation que de nombreux étudiants de sa génération traversent... et un sentiment "d'injustice" par rapport à ceux qui peuvent encore se rendre au travail ou à l'école. Contrairement aux élèves des lycées, des classes prépa ou des BTS, les étudiants sont privés depuis plus de deux mois de cours en "présentiel".  Ils ont aujourd'hui le sentiment d'être oubliés. 

Quid des enseignants d'universités ? "Ils n'en peuvent plus non plus", confie Eléa qui fait partie d'une promotion de 26 étudiants. "Les professeurs aussi ont envie de nous retrouver et ils nous le disent. C'est la première fois que j'entends des enseignants dire - vous nous manquez! Accrochez-vous !"
 

Etudiants fantômes... les témoignages s'accumulent

"Mes journées se résument à passer 8h, seul, devant mon écran..."J'avais besoin de l'écrire..." "Monsieur le Président, je n'ai plus de rêves...". Tout comme la lettre ouverte d’Eléa, des témoignages d'étudiants en détresse se multiplient sur les réseaux sociaux. Depuis plusieurs jours, le mot dièse "#étudiantsfantômes" a fleuri, exprimant notamment la lassitude des jeunes face à l'absence de cours à l'université.
La jeune femme nous a dit "avoir reçu de nombreux témoignages depuis la publication de sa lettre sur Instragram. Au moins une cinquantaine d'étudiants qui m'ont dit, on se reconnait dans ta lettre, je m'identifie à ta lettre....".

Dans son "J'accuse", cette étudiante n'hésite pas à paraphraser Emile Zola... 

Les messages fleurissent sur les réseaux sociaux.

"S'il vous plaît, pensez à nous" implore cette autre étudiante. 

Les étudiants n'hésitent pas à utiliser les réseaux sociaux et le hastag #etudiantsfantomes pour s'épancher et faire connaître leur détresse.

La semaine dernière, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé que les étudiants de première année à l'université pourraient reprendre par demi-groupes les travaux dirigés en présentiel à partir du 25 janvier. Les étudiants ont été appelés à descendre dans la rue pour faire entendre leur voix. Eléa n'en fera pas partie. Elle redoute le signal négatif envoyé aux autorités qui pourraient trouver dans ces démonstrations et ces regroupements, un argument pour laisser les universités fermées. 

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