L’association "Persécuté à la récré", née à Firminy, lutte contre le harcèlement scolaire. L'association recueille des témoignages de victimes et espère ainsi contribuer à libérer la parole pour freiner un fléau. Emma est l'une de ces victimes silencieuses...
"Je me faisais traiter de grosse. On me disait : "tu ne rentres pas dans tes vêtements", "dans les pentes, si on te pousse, tu roules"... au départ, ce n'était que les élèves," raconte Emma en parlant des moqueries subies durant ses années de collège de la part de ses camarades. La prise de conscience de l'élève a été brutale. "Un jour, en cours, la prof de sport a dit devant toute la classe que je n'arriverai pas à prendre mon pouls "vu mon épaisseur". Là je me suis dit qu'il y avait vraiment un problème et que c'était vraiment inadmissible mais je n'osais pas en parler," explique aujourd'hui la jeune femme. Le harcèlement se fonde sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques telles que l'apparence physique, l'identité ou encore un handicap.
Emma est-elle passée à côté du pire et d'un geste irréparable? Emma en est convaincue : "si les choses avaient duré une année de plus, j'aurais peut-être fait une connerie. J'y ai pensé plusieurs fois, en me disant : c'est moi le problème, c'est à moi de partir... Mais je n'ai pas eu le courage de le faire. Je me disais à chaque fois que ça allait s'arrêter," raconte-t-elle en évoquant le suicide à mots couverts. Emma a grandi, elle a quitté le collège mais les blessures sont toujours à vif. Le harcèlement a laissé des traces profondes et un traumatisme difficile à surmonter. Malgré sa perte de poids, elle ne parvient pas à tourner la page : "ça fait cinq ans que ça s'est passé mais encore aujourd'hui j'ai du mal à en parler, j'ai peur qu'on m'insulte, j'ai peur du regard des gens."
C'est le genre d'histoire que l'association "Persécuté à la récré" ne voudrait plus jamais entendre. Emma, touchée par une obésité d'origine génétique, a été la cible d'insultes, de moqueries et de mots blessants durant toute sa scolarité au collège. Ses proches n'ont découvert l'ampleur de sa souffrance que lorsqu'elle a témoigné pour l'association de parents.
Libérer la parole des victimes de harcèlement scolaire
Le harcèlement scolaire ne cesse de prendre de l'ampleur, notamment avec le développement des nouvelles technologies et l'utilisation par les plus jeunes des réseaux sociaux. Selon le Ministère de l'Education Nationale, les risques de harcèlement sont plus grands en fin d’école primaire et au collège.
Le phénomène laisse les parents de victimes démunis; mais aussi les enseignants. A Firminy, "Persécuté à la récré" est née en 2019 de la volonté de Lila Abdelmoumène et Nassera Latrèche. Ces deux mamans eux aussi vu leurs enfants touchés par le harcèlement scolaire. L'association a souhaité prendre le problème à bras le corps et aider les victimes touchées par ce fléau. Aujoud'hui, fortes de leur expérience personnelle et d'un gros travail de documentation et de formation sur ce fléau, elles répondent aux sollicitations des enseignants, des parents, des centres sociaux.
"On n'a pas la prétention de remplacer les instances déjà en place pour régler ce genre de choses. On a vocation à être intermédiaire. On est un premier canal de communication. On apporte une écoute, on rassure, soit l'enfant, soit les parents, soit les enseignants," explique Lila Abdelmoumène, vice-présidente de l'association "Persécuté à la récré". "Si on voit qu'il y a un danger imminent pour l'enfant, on les invite à contacter le 30 20, le numéro national qui vise à lutter contre le harcèlement scolaire. Là les personnes sont prises en charge par des professionnels," précise-t-elle.
Mehmet Ali Ortoaren, Professeur de judo et président du DOJO Olympique et Sportif de Firminy, n'a pas hésité un instant à se rallier à leur cause et à devenir le parrain de l'association. Avant de connaître l'association, il n'avait aucune idée de l'ampleur du phénomène. Pour ce professeur de judo, la vigilance s'impose partout. "Le plus perturbant, c'est que les enfants ne voient parfois pas le mal. Pour eux, c'est un jeu, il faut les sensibiliser, leur expliquer que ça peut blesser l'enfant en face. C'est là qu'on a un rôle à jouer."
Pour la vice-présidente de "Persécuté à la récré", ce parrain est effectivement un allié inestimable pour lutter contre le harcèlement scolaire : "les valeurs du judo sont le respect de soi, le respect des autres, la discipline... toutes ces valeurs véhiculées par le judo sont un code de vie pour les enfants.
Grâce à toutes ces bonnes volontés et à des témoignages forts, l'association "Persécuté à la récré" espère contribuer à libérer la parole pour freiner un fléau qui toucherait entre 6 et 10% des élèves. Dans un post publié sur Facebook, la gendarmerie du Rhône, rappelle que "les faits de harcèlement scolaire sont sanctionnés, qu'ils aient été commis au sein ou en dehors des établissements scolaires. Le faible âge de la victime est une circonstance aggravante pour l'auteur du harcèlement".
Les gendarmes invitent à consulter le site officiel www.nonauharcelement.education.gouv.fr. pour en savoir plus sur le harcèlement scolaire.
Contre le harcèlement scolaire
Les numéros suivant sont à disposition du grand public pour signaler tout fait de harcèlement : le 0800 200 000 ou le numéro vert "Non au harcèlement" 30 20 (Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 20h et le samedi de 9h à 18h (sauf les jours fériés). Si le harcèlement a lieu sur internet, le numéro Vert "Net Ecoute" est le 30 18.
Une mission d'information du Sénat préconise que la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement scolaires soient érigés en grande cause nationale dès la rentrée 2022/2023.