L'inspection académique de la Loire supprime 12 postes d'enseignants au sein des RASED à la rentrée. Ces enseignants interviennent dans les écoles auprès d'élèves en grande difficulté scolaire ou comportementale. 80 postes sont supprimés sur toute la France.
L'annonce n'a surpris personne mais le signal inquiète les 42 enseignants spécialisés des RASED de la Loire (Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté). Dans le département, la décision confirme la tendance : pas de personnel supplémentaire, depuis quelques années les 12 postes aujourd'hui supprimés étaient déjà gelés.
Le choix de l'Inspection académique émeut ces enseignants spécialisés. Leur rôle est d'intervenir sur demande de l'enseignant auprès d'élève en grande difficulté dans leur classe. En petit groupe, une ou plusieurs fois par semaine, l'enseignant du RASED réunit ces élèves hors de leur classe pour les aider à surmonter leurs difficultés par une autre approche pédagogique, à un autre rythme.
"Des enfants qu'on ne peut pas aider"
Anne-Catherine Mangin est enseignante spécialisée en RASED. Elle intervient dans 6 écoles primaires du secteur de Saint-Chamond et La Grand Croix et suit une quarantaine d'élèves par an. En 14 ans d'activité, elle a vu croître la complexité du métier : "des enfants arrivent au CP avec un grand décalage. Avant nous pouvions les porter jusqu'au collège pour qu'ils aillent dans une filière classique et pas en SEGPA. Aujourd'hui c'est devenu très difficile, nous sommes trop peu nombreux pour faire un bon suivi. Il y a des enfants qu'on ne peut pas aider."Ces enseignants favorisent aussi le lien entre l'école et des familles souvent éloignées de la culture scolaire.
Un choix budgétaire et idéologique
Depuis 2003, les RASED sont dans le collimateur des restrictions budgétaires. Leur effectif a baissé de 30 % sur toute la France. Ces choix financiers mais aussi idéologiques témoignent "d'un grand écart entre les décisions nationales et la réalité du terrain" comme le constate Christel Faverjon, enseignante en RASED et Présidente de l'ADREN 42.Avec des enseignants mieux formés pour faire face aux difficultés des élèves, la politique scolaire nationale est d'inclure au maximum les élèves en difficulté dans des parcours scolaires classiques. "Le métier d'enseignant s'est enrichi, c'est une bonne chose, mais en partant de ce postulat, il n'y a plus besoin d'aides spécialisées " regrette l'enseignante spécialisée, très inquiète face aux situations de plus en plus "explosives" dans les écoles. Les cas d'enfants souffrant de problèmes sociaux et familiaux ne cessent de s'aggraver et les demandes des enseignants auprès des RASED augmentent.
"Notre travail est de prendre l'enfant dans sa globalité, avec ses difficultés familiales, comportementales, on ne peut pas appliquer un protocole clé en main".
Des ouvertures de classes
Jean-Pierre Batailler, Inspecteur d'académie de la Loire justifie la suppression de ces 12 postes par la difficulté à recruter mais surtout par la conviction que "c'est à l'enseignant de combler les difficultés". Il évoque l'incohérence de sortir les élèves en difficulté de leur classe d'origine alors que la politique est à l'inclusion. Et insiste : "il ne s'agit pas d'élèves en situation de handicap" pour lequel d'autres dispositifs existent.Ces 12 postes seront donc réaffectés pour des ouvertures de classes notamment dans les secteurs sensibles comme les zones rurales isolées et les zones urbaines défavorisées. Comme réponse aux difficultés des élèves, la politique scolaire est à la baisse des effectifs. 13 classes supplémentaires ouvriront à la rentrée prochaine malgré la baisse du nombre d'élèves (-450) dans la Loire.
Une orientation à double tranchant : le plafonnement des classes de CP et CE1 à 15 élèves dans les REP (Réseau d'éducation prioritaire) mettrait ainsi "une grosse pression sur les enseignants qui n'osent plus faire appel au RASED. En conséquence, nous retrouvons des enfants en difficulté mais trop tard" déplore Anne-Catherine Mangin.
La rentrée de septembre 2020 s'annonce bien délicate. Le confinement aura fragilisé la majorité de ses élèves suivis par le RASED.
Anne-Catherine Mangin en témoigne :"Je les appelais 2 fois par semaine et les petits exercices que je leur donnais une fois sur l'autre n'étaient généralement pas faits, seuls 3 sur 20 sont revenus à l'école."