Mise en cause dans une affaire de racisme, l’École nationale supérieure d’architecture de Saint-Etienne tente de réagir. Son directeur Jacques Porte affirme que ces faits sont anciens et que les auteurs ont été sanctionnés.
Dans les colonnes du quotidien régional La Tribune-Le Progrès, puis sur le site de France 3 Rhône-Alpes, son directeur Jacques Porte affirme que ces faits sont anciens et qu’ils ont entraîné des sanctions en interne.
De graves accusations contre l’ENSASE
Le CRAN, Conseil représentatif des institutions noires de France, évoque de son côté des actes répétés qui «ont bénéficié d’une grande clémence» de la part de l’administration au point que son président Ghyslain Vedeux s’interroge sur une forme de bienveillance et une possible «complicité passive» de l’administration de l’ENSASE.
Une photo qui jette le trouble
La photo fait l’effet d’une bombe. A l’heure où la mort brutale de George Floyd et la mobilisation internationale autour du mouvement «Black Lives Matter» interrogent sur la place du racisme dans nos sociétés, ce cliché témoigne de dérives graves au sein d’institutions universitaires que l’on croyait, à tort sans doute, préservées. Si la photo n’est pas récente, elle daterait d’octobre 2017, et aurait été publiée sur un groupe Facebook de l’école, c’est son contexte et son histoire qui suscitent le plus d’interrogations. Selon les informations recueillies par le CRAN, ce cliché aurait été réalisé à l’intérieur des locaux universitaires à l’occasion d’une soirée étudiante organisée par l’association Focus. L’étudiant grimé en membre du Klu Klux Klan aurait, deux ans plus tard, en 2019, et malgré la connaissance des faits, été invité par la direction de l’école à prononcer le discours de cérémonie de remise des diplômes. «De quoi s’interroger sur une forme de complicité de la part de l’administration de l’Enase» selon Ghyslain Vedeux, président du Conseil représentatif des institutions noires de France.
Une épidémie de racisme ?
Depuis d’autres photos et d’autres actes ont été remontés par des lanceurs d’alerte, et «auraient fait l’objet de signalements auprès de la direction de l’école», selon le président du CRAN, sans que des mesures appropriées ne soient prises.
Ghyslain Vedeux en veut pour preuve que ces actes racistes se perpétuent d’année en année au sein de l’établissement d’enseignement supérieur. Une photo d’un «blackface» réalisé en février 2019 a refait surface sur les réseaux sociaux en même temps qu’une vidéo TikTok récente mettant en scène des propos racistes à l’encontre de la communauté asiatique dans le cadre de la pandémie liée au Covid-19.
Une école d’architecture, bancale ?
Une série inquiétante qui jette le trouble sur l’école stéphanoise. Selon le président du CRAN ces actes racistes s’accompagnent de remarques xénophobes dont se disent victimes certains élèves, comme des propos islamophobes tenus par d’autres étudiants et parfois même par des professeurs de l’école, à l’encontre d’étudiantes voilées, ainsi qu’une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux visant les lanceurs d’alerte.
Autant d’accusations qu’il faut bien évidemment accueillir avec une très grande prudence mais qui, si elles se révèlent exactes, font froid dans le dos. Car, selon le Conseil représentatif des institutions noires de France, il existerait bel et bien un racisme institutionnalisé dans certains milieux culturels. Dans un communiqué de presse, le Conseil rappelle que «certaines théories élitistes et eugénistes racistes ont ancrées ces comportements racistes qui se perpétuent et se répètent aussi dans des grandes écoles».
L’ENSASE en plein désarroi
Face à de telles accusations, la direction de l’école n’a pas manqué de réagir. Contacté par téléphone, son directeur Jacques Porte se dit profondément affecté par ces accusations de racisme. Selon lui, «ces faits sont choquants et inacceptables». Le directeur affirme que son administration a toujours réagi rapidement dès lors qu’elle en avait eu connaissance, comme avec le blackface de 2019, en convoquant et en sanctionnant l’élève coupable. (Ce dernier a dû démissionner du conseil d’administration de l’école où il siégeait).
L’école a également engagé un certain nombre de démarches pour tenter de venir à bout de ces expressions xénophobes, notamment en surveillant de plus près les recrutements de personnels éducatifs et administratifs, mais aussi de ses étudiants, ainsi qu’en engageant des démarches éducatives. Jacques Porte ne fait pas d’angélisme et appelle à une prise de conscience collective de ces phénomènes de racisme qui traversent toutes les institutions, y compris les écoles supérieures et les milieux artistiques ou culturels. Pour autant, le directeur de l’école déclare n’avoir jamais été alerté de ces phénomènes au préalable par le Conseil représentatif des institutions noires de France, ni même par d’autres voix. Il affirme avoir découvert très récemment la photo de 2017 et ne pas être certain qu’elle ait été prise dans le cadre de l’école, ni même connaître ses auteurs. Après avoir pris connaissance des dernières accusations, il a convoqué en urgence un conseil d’administration extraordinaire qui doit se réunir ce soir, jeudi 11 juin, pour en débattre, diligenter une enquête et envisager de possibles sanctions contre les auteurs.
Communication de crise
Le directeur de l’ENSASE, Jacques Porte, dit ne pas être préoccupé par les atteintes à la réputation de son école, mais veut sortir de cette crise par le haut et faire ainsi la preuve que son administration n’admet aucune forme de tolérance dans ce domaine, et encore moins de complicité. Dans un communiqué il rappelle :
«L’école est consciente du racisme qui traverse les institutions. L'ENSASE regrette profondément et bannit les actes de racisme sous toutes ses formes. Fidèle à ses valeurs, elle s’engage dans une démarche pédagogique et d’éducation pour déconstruire les préjugés, seule issue pour lutter contre les racines de ces attitudes délétères».
Une vague mondiale d’anti-racisme
Ces accusations interviennent dans un contexte très particulier, sur fond de déclarations politiques au plus haut niveau de l’Etat en lien avec la mobilisation internationale contre le racisme. De son côté, le CRAN dit avoir saisi le défenseur des droits, Jacques Toubon, sur ce sujet et vouloir faire cesser très rapidement le harcèlement dont se disent victimes les étudiants lanceurs d’alerte.