Remonter la rivière Ardèche du Rhône à sa source : tel est l’objectif de François Laupin, un sportif ardéchois qui va parcourir le 27 mai prochain, en moins de 24 heures, les 110 km de la rivière. Un trail sur mesure pour lequel il se prépare assidûment.
Il court, il n’arrête plus de courir. François Laupin est un « bouge à tout ». Moniteur d’escalade et accompagnateur en moyenne montagne, cet habitant de Lussas ne se lasse pas des grands espaces. Il ne se résout pas non plus à se la couler douce. Alors, pourquoi ne pas bouffer des kilomètres sur des sentiers en essayant de faire le meilleur temps possible, autrement dit remonter le courant... en courant.
C’est cette voie qui le motive depuis quelques temps. Plutôt montagne et grandes voies de rocher (il passe du 8 a, b et c en tête!), ce grimpeur veut goûter les joies de la grande distance, ces trails qui dépassent les 70 km, et qui cumulent des dénivelés positifs à couper le souffle… sauf de ceux qui les parcourent. Exemples : la SaintéLyon, le grand trail des Templiers, dans le Larzac, la diagonale des fous à la Réunion, ou encore l’UltraTrail du Mont-Blanc.
Ainsi, sa performance, qu’il a programmée le 27 mai, un jeudi, fait-elle partie de ces parcours maousses que seuls les acharnés peuvent envisager. Car ce sont 110 km et 4 400 m de grimpette au total qui l’attendent. Mais pourquoi donc prendre le départ de ce challenge en pleine semaine lui demande-t-on ?
« Parce que ce sera la super lune, un moment assez rare où la lune se rapproche de la terre, où la forte luminosité, si le temps est clair, sera la bienvenue », répond, sûr de son fait, François qui empruntera notamment les gorges de l’Ardèche de nuit, à la frontale, entre minuit et 4 heures du matin. D’ailleurs, il a bénéficié d’une autorisation exceptionnelle de la Réserve naturelle nationale du même nom pour parcourir les sentiers escarpés, parfois entre rivière et rocher, ce qui devrait lui demander de pratiquer son sport favori pour passer les principales difficultés de l’itinéraire (voir plus loin).
Le coach en escalade gambade fort
Agé de 35 ans, François passe ces semaines à s’entraîner. Entre chez lui - où sa compagne et son bébé de 2 ans voudraient bien des fois qu’il range ses chaussures de trail- et son grand terrain de jeu. Ce jeudi, c’est le dernier gros entraînement entre Mayres et La Chavade (1200 m d’altitude) pour travailler son endurance « fondamentale ». Une boucle de 50 km qu’il entend faire en 6 heures (tout de même) avant de consacrer les semaines qui le séparent de son défi à peaufiner certains passages techniques.
En partant à minuit et une minute très précisément, François Laupin se donne une journée de 24 heures pour rallier l’arrivée à La Chavade. Son périple devrait durer une vingtaine d’heures, il espère arriver quand il fera encore plein jour. Durant sa course, François sera assisté de « pacers », des équipiers qui l’assistent en cas de secours et pour filmer les passages les plus impressionnants.
Pas à pas, mais avec détermination
Pour ce genre de course, on privilégie la petite foulée, histoire de poser le pied au « moins mauvais endroit », et de ne pas chuter. Pour cet acrobate qui aime flirter avec le vide, qui a fait beaucoup d’alpinisme dans les massifs du Mont-Blanc ou des Ecrins, qui a ouvert des voies dans le Sultanat d’Oman, la course à pied est un sport complémentaire. « J’apprécie beaucoup tout ce que cette pratique apporte en termes de gainage, de renforcement des capacités d’oxygénation, de souplesse des articulations, ou encore de lecture de terrain », reconnaît François pour qui le trail est devenu, peu à peu, une passion.
Remonter l’Ardèche, un défi personnel
A l’origine du projet, il y a cette envie de connecter les différents paysages - terroirs, écosystèmes - qui font la richesse du Sud Ardèche, son lieu de résidence, de travail et aussi son terrain de jeu. « Naturellement, j’ai eu envie de réaliser un parcours de plus grande envergure. C’est par ce trail «fait maison» que je vais tenter ma première ultra-distance ».
Le choix du parcours ? Suivre au plus proche la rivière Ardèche de sa confluence avec le Rhône (ou presque) à sa source, en empruntant l’itinéraire le plus intéressant d’un point de vue esthétique, sportif et patrimonial. Plusieurs secteurs risquent d’être compliqués, techniquement parlant. Des difficultés qui font appel à toutes les subtilités de l’escalade. Et de la reconnaissance du terrain pour ne pas perdre de temps dans les zones labyrinthiques, nombreuses le long du parcours.
Un parcours en trois grandes parties
Le parcours commence le long des Gorges de l’Ardèche et ses chemins de chèvre rocailleux - de nuit - qui seront franchis pieds nus. S’ensuit la vallée de l’Ardèche de Vallon Pont d’Arc à Lalevade d’Ardèche : une partie assez « roulante » parsemée de bons chemins monotraces, pistes, voies vertes et routes, avec toutefois la difficulté de l’ascension « urbaine » d’Aubenas jusqu’à son château.
Et puis après Lalevade, « on bascule sur un trail montagnard, avec une première bosse vers Fabras, la grosse montée après le Pont de l’Echelette à Jaujac, suivie de la longue ligne de la crête vers La Chavade, avec le passage au sommet vertigineux et technique d’Abraham (ou Roc d‘Obron) à quelques 95 km de course », décrit François, exalté par son projet.
La majorité du parcours est constituée de chemins monotraces et de pistes (86 km soit 75 %). Le reste se partage entre sections de voie verte ou ancienne voie de chemin de fer (7 km) et petites routes (22 km). Côté dénivelé, l’addition donne des sueurs tièdes-froides : 4 400 m positif et 3 100 m négatif. Ouf !